J'ai testé pour vous...
Près de 2 mois après l’arrivée d’Agathe parmi nous, je prends/trouve (rayer la mention inutile ! ;-)) enfin le temps de revenir dessus !
Le terme était prévu pour le lundi 3 septembre, jour de rentrée scolaire de Gaspard et Hector. J’espérais donc qu’elle soit déjà née, voire que nous soyons de retour à la maison avant cette date, histoire de limiter autant que possible les perturbations de cette journée déjà particulière en soi.
Le mardi 28 août, j’ai choisi d’écouter ma belle-sœur, qui me conseillait de tenter l’homéopathie. Ma pharmacienne m’a donc préparé un cocktail spécial « déclenchement » (on s’entend, hein), que je me suis empressée de commencer dès que je l’ai récupéré.
J’ai pris ma première dose à 18h00... à 19h00, je fissurais la poche des eaux ! Véridique ! Déjà plutôt sceptique (mais pas opposée non plus) quant à l’homéopathie en général, je doute que l’on puisse y voir un lien de cause à effet, mais cet enchaînement prête à sourire, vous en conviendrez ! :-)
Autre anecdote amusante : j’ai toujours entendu dire que faire le ménage en fin de grossesse favorisait en général le déclenchement du travail. Là encore, nous avons choisi de faire confiance à cette idée reçue... sauf que c’est mon mari qui était en train de faire les poussières lorsque j’ai perdu les eaux ! :-)
Bref, suite à cette fissuration, nous nous sommes rendus à la maternité, où ils ont décidé de me garder après un monitoring normal mais toujours sans contractions, en raison du risque d'infection lié à toute fissuration ou rupture de la poche des eaux. Nous avons donc passé la nuit sur place, installés dans une chambre en suites de couches.
Le lendemain matin, en ce mercredi 29 août, j’ai refait un monitoring, toujours normal et toujours sans contractions. Je me suis donc efforcée de marcher et faire des exercices sur un ballon de grossesse pour essayer d’enclencher le travail, sans succès...
Le monitoring de l’après-midi étant toujours exempt de signes annonciateurs du travail, l’équipe a commencé à envisager de poser un ballonnet, un dispositif visant à favoriser la dilatation du col. Et c’est effectivement ce qui a été fait le soir même, non sans mal : elles ont dû s’y mettre à trois et s’y reprendre à deux fois pour y parvenir, ce qui n’a pas été indolore ! Mais une fois le ballonnet en place, rien à signaler hormis une légère sensation de gêne. Je suis donc retournée dans ma chambre vers 22h00 (seule cette fois, mon mari étant rentré chez nous entre-temps), dans l’idée de passer une ultime « bonne » nuit avant la dernière ligne droite !
Le ballonnet, une fois tombé !
C’était sans compter sur l’effet rapide du ballonnet, car, vers 1h00 du matin, j’ai été réveillée par la perte du ballonnet, mais aussi et surtout par des contractions douloureuses et relativement rapprochées ! J’ai hésité à attendre une heure de plus pour voir si ce rythme se maintenait, voire s’intensifiait, mais j’ai finalement décidé d’appeler une sage-femme qui m’a envoyée aux urgences maternité. Je m’y suis rendue « la fleur au fusil », avec mon téléphone et un bouquin, pensant devoir patienter encore de longues heures avant le dénouement. On m’a alors posé un nouveau monitoring en attendant de m’examiner à nouveau. J’ai demandé si je pouvais/devais prévenir mon mari ; on m’a confirmé que oui, mais qu’il pouvait prendre son temps pour arriver. Je l’ai donc appelé pour l’informer que le travail avait vraisemblablement commencé, mais qu’il avait tout le temps de se réveiller et d’avoir les idées claires pour parcourir les 45 km qui séparent notre domicile de la maternité.
Dans les minutes qui ont suivi, je me suis donc retrouvée seule en salle de monitoring à voir que le rythme cardiaque d’Agathe faiblissait considérablement à chacune des contractions, désormais rapprochées, régulières et de plus en plus douloureuses. Dès que la sage-femme, Héloïse, est revenue, je lui en ai parlé et elle a pu le vérifier sur le tracé. Elle m’a alors demandé de m’installer sur le côté gauche pour voir si cela soulageait Agathe. Lorsqu’elle est revenue peu après, elle a constaté que le cœur d’Agathe ralentissait toujours aussi fort (à peine 60 de pulsation cardiaque) et a été rejointe par sa collègue, Camille, qui m’a alors examinée. C’est à ce moment-là que tout s’est emballé.
À peine Camille a-t-elle commencé à examiner mon col qu’elle s’est exclamée, à l’intention de sa collègue : « J’ai le cordon ! ». Panique dans ma tête, dans mon cœur, dans ma voix : « Oh noooon !... ». Sans même savoir de quoi il retournait précisément, mais en entendant le terme « cordon » et en découvrant la surprise et l’inquiétude dans la voix et le regard de Camille, j’ai instantanément pensé à mon amie Laurie et à son petit Clément, décédé d’une multiple circulaire du cordon à quelques jours du terme, et je me suis vue basculer, à nouveau, du mauvais côté de la naissance... Un branle-bas de combat s’est alors enclenché : en quelques secondes, on m’a expliqué qu’on allait partir en césarienne d’urgence, car le cordon était engagé avant Agathe. Sur le coup, je n’ai évidemment pas bien saisi les tenants et les aboutissants de ce problème, j’ai juste compris que c’était grave et urgent. J’ai alors entendu et vu Héloïse appeler le reste de l’équipe (gynécologue, anesthésiste, aides-soignantes, brancardiers) sous l'injonction de Camille : « On part en césarienne d’urgence code rouge ! ».
Je me vois encore partir sur mon brancard de salle de monitoring vers le bloc obstétrical.
Je vois encore Camille, montée sur le brancard, à califourchon sur ma jambe, qui est obligée de maintenir sa main dans mon vagin, au prix d'un effort physique intense et durable, pour refouler la tête d’Agathe et éviter ainsi toute compression du cordon, ce qui privait Agathe d’oxygène.
Je vois encore la gynécologue arriver en quelques secondes, en train d’enfiler sa blouse.
Je l’entends encore qui demande à Camille si c’est « une latérocidence ou une procidence ».
J’entends encore Camille qui confirme qu’elle sent le cordon devant et qu’il s’agit donc d’une procidence.
Je m’entends encore répéter, apeurée, perdue, incrédule, tentant vainement de retenir mes larmes : « Vous me la perdez pas ! Vous me la perdez pas ! ».
J’entends encore l’aide-soignante essayer de me rassurer de mon entrée au bloc à mon endormissement.
Je me vois encore passer du brancard à la table d’opération.
Je sens encore la main de l’aide-soignante dans la mienne.
J’entends encore la gynécologue me dire, alors que je ne suis même pas encore prête à être anesthésiée, qu’elle commence à préparer l’intervention pour ne pas perdre de temps.
Je la sens encore me badigeonner le ventre au moment où je reçois le masque à oxygène.
J’entends encore l’anesthésiste me demander de décompter de 10 à 0. (La bonne blague ! Quelqu’un en train de subir une anesthésie générale a-t-il jamais réussi à dépasser 8 ?! :-))
Et puis c’est le trou noir.
Le trou béant.
Dans mon ventre, dans ma vie, dans ma mémoire.
Agathe est née à 1h59 ce jeudi 30 août 2018.
Même si je n’ai pas vraiment de doutes, je suis bien obligée de croire ce qu’on me dit puisque je n'étais pas vraiment là lors de sa naissance... Quelle frustration...
J’ouvre les yeux en salle de réveil vers 3h30 du matin. Je suis encore dans les vapes, évidemment. Mon mari est à mes côtés. Je demande comment va Agathe : « elle est en néonat’, je suis allé la voir, elle va bien ». Le soulagement me pousse à remercier chaque personne que je vois.
Je remercie les aides-soignantes, pour leur présence.
Je remercie Camille, qui n’en finit pas de s’excuser de m’avoir « maltraitée » (il est vrai que l’intimité que nous avons partagée lorsqu’elle refoulait la tête d’Agathe n’était pas des plus agréables, mais quelle importance, honnêtement ?!) et de m’avoir à peine expliqué ce qui se passait (elle m’a dit tout ce que j’étais capable d’entendre sur le moment, ça m’a suffi, alors je lui réponds que je m’en fiche et que ce n'était pas moi qui comptais).
Je remercie la gynécologue, qui prend le temps de venir m’expliquer ce qui s’est passé.
Je ne le dis à personne, mais je remercie aussi la vie.
J’ai appris par la suite que lors d’une « césarienne code rouge », le bébé doit naître en moins de 15 minutes eu égard à l’urgence de la situation : entre la détection de la procidence du cordon et la naissance d’Agathe, 12 minutes se sont écoulées !
Au cours des 12 petites heures qu’Agathe a passées en réanimation néonatale, mon mari a pu la voir dès son arrivée ; nous y sommes ensuite allés tous les deux à ma sortie de la salle de réveil, avant d’y retourner en fin de matinée. Et alors que nous étions en train de déjeuner dans ma chambre, une aide-soignante nous a fait la surprise de nous l’y amener : la pédiatre venait de vérifier le tracé de son encéphalogramme, qui était « strictement normal », et donc d'autoriser sa sortie du service. Nous avons alors pu commencer à nous découvrir, après cette arrivée rocambolesque et inattendue !
Au-delà des intenses émotions vécues sur le moment, cette naissance m'inspire plusieurs réflexions.
- Pour cet accouchement, je souhaitais une naissance plus naturelle, plus douce, plus physiologique. Je m'étais même mis en tête d'essayer de me passer de la péridurale. Finalement, j'ai réussi : je n'ai effectivement pas eu de péridurale ! (Comment ça, l'anesthésie générale, ça compte quand même ?! :-P)
Trêve de plaisanterie... :
- Cette naissance rappelle bien que rien n'est acquis lors d'une grossesse ou d'un accouchement. Malgré les angoisses et les quelques alertes de ces 9 mois, rien ne laissait présager que tout se finirait en urgence médicale ! Alors quand j'entends dire que plus rien ne peut mal se passer à quelques jours ou heures du terme, cela me hérisse le poil !
- Je me réjouis d'avoir à nouveau choisi d'accoucher dans une maternité de niveau 3, c'est-à-dire dotée d'une unité de réanimation néonatale. Même si Agathe n'en a eu besoin que quelques heures, cela nous a évité d'avoir à être transférées dans un autre établissement !
- Quelle ironie que ce cordon qui nourrit et fait vivre un bébé pendant toute grossesse puisse devenir dangereux, voire mortel...
- Je n'ose imaginer où nous en serions aujourd'hui si je n'avais pas déjà été sur place ou si j'avais ne serait-ce qu'attendu plus longtemps pour signaler mes contractions...
Mais MERCI LA VIE : AGATHE EST PARMI NOUS ET EN PLEINE FORME ! :-)
(En revanche, je préfère laaaargement l'accouchement par voie basse à la césarienne... Je vous expliquerai pourquoi bientôt !)
Donner la vie, le quotidien d'une maternité
Émission "C'est ma vie" diffusée sur M6
Date : 14 février 2015
Durée : 1h02
La maternité où l'émission a été tournée, c'est celle du CHU de Rouen, où j'ai accouché.
Le sage-femme qui est suivi, c'est Franck, qui a commencé l'accouchement d'Élise et Gaspard et terminé l'accouchement de Hector.
Franck
Franck, c'est le sage-femme qui s'est occupé de nous le 18 septembre 2013 et le 9 février 2015. Un pur hasard, une heureuse coïncidence, le destin qui se trouve pris de remords ? Peu importe. Nous avons été heureux de croiser sa route il y a bientôt 19 mois et de la croiser à nouveau il y a un peu plus de 2 mois.
Franck, c'est cet homme qui exerce un "métier de femme", auprès des femmes.
Franck, c'est celui qui sait se montrer à la fois présent et discret, impliqué et pudique, rassurant et respectueux.
Franck, c'est celui qui sait trouver les mots ou le silence qu'il faut quand il faut.
Franck, c'est celui qui connaît notre histoire et sait quoi en faire.
Franck, c'est celui que le destin a mis sur notre chemin pour deux des dates les plus importantes de notre vie.
Franck, c'est celui qui fait partie de notre histoire et de l'histoire de nos enfants.
Franck, c'est l'un de ceux qu'Élise a entendus en dernier avant de mourir.
Franck, c'est l'un de ceux que Gaspard a entendus en dernier avant de naître.
Franck, c'est celui que Hector a vu en premier.
Je me souviendrai toute ma vie de la douceur et du respect avec lesquels Franck s'est occupé de moi, de mon mari, d'Élise et Gaspard, de ses gestes rassurants, de ses yeux remplis d'empathie.
Je me souviendrai aussi toute ma vie des regards que nous avons échangés avec Franck à l'instant où Hector est né, des plaisanteries que nous avons partagées avec lui pendant l'accouchement, de son regard complice lorsque j'ai dit à Hector qui venait de naître qu'il était aussi brun que sa sœur.
Rien que de repenser aux moments si forts, si intenses que nous avons partagés avec lui m'émeut aux larmes. Je suis tellement heureuse d'avoir recroisé sa route.
Mon seul regret, c'est de n'avoir pas osé lui demander de faire une photo de ou avec lui au moment où nous nous sommes quittés dans la nuit du 9 au 10 février 2015, moi dans le lit, Hector dans son berceau, mon mari à côté de moi et lui sur le pas de la porte de la chambre. Regret que je nourrissais chaque jour jusqu'à ce 14 février où j'ai eu la joie de découvrir (grâce à une amie qui m'a transmis l'information) qu'il était à l'honneur dans un reportage diffusé sur M6. Grâce à cette vidéo, nous pourrons garder une image de lui ; mieux, nous pourrons même nous remémorer sa voix et sa douceur, en écho à ce que nous avons vécu avec lui. Quel réconfort pour nous qui savons si bien que tous les souvenirs finissent par s'effacer, même les plus beaux, même les plus précieux...
Naissance de Hector
Mon séjour à la maternité a duré moins longtemps pour Hector que pour Élise et Gaspard ; j'ai par ailleurs vécu de plein fouet le fameux baby-blues dès le mercredi soir (Hector étant né un lundi soir), ce qui m'a rendue très émotive et donc peu disponible pour autre chose que Hector ou moi. Ainsi, je n'ai pas eu autant d'occasions que je l'aurais souhaité de coucher sur le papier ce que nous venions de vivre et les émotions qui m'habitaient immédiatement autour de cette naissance.
J'ai commencé à ressentir des contractions de plus en plus intenses et rapprochées le samedi 7 février. Le dimanche soir, j'ai même perdu un peu de sang, ce qui m'a conduite à téléphoner aux urgences maternité du CHU où je suis suivie pour m'entendre dire qu'il s'agissait probablement du col qui commençait à se préparer un peu ou de la perte du bouchon muqueux.
Le lendemain matin, le lundi 9 février donc, les contractions étaient toujours aussi présentes. J'ai passé la matinée allongée alternativement dans le lit, le canapé et un bon bain chaud, histoire d'essayer de me dé-contracter. Mon mari est rentré déjeuner comme tous les midis et m'a trouvée à moitié contorsionnée à chaque contraction. En début d'après-midi, à 14h49 exactement (je le sais, mon appel figure encore dans l'historique de mon téléphone ^^), ayant constaté que les contractions, en plus d'être douloureuses, étaient espacées de moins de cinq minutes, j'ai téléphoné aux urgences maternité où l'on m'a conseillé de venir leur rendre une petite visite.
Le temps de prévenir mon mari, de finaliser les affaires de Gaspard, d'aller le récupérer à la crèche et de le déposer chez ma belle-sœur (qui était par chance en congé ce jour-là), mon mari et moi avons dû arriver au CHU vers 16h30.
Prise en charge aux urgences maternité, monitoring, examen clinique... et finalement, vers 17h30, LA petite phrase tant attendue : "on vous garde". Ouf ! Contrairement à ce que je craignais, il s'agissait bien de contractions d'accouchement et non d'un faux travail.
La sage-femme qui nous prend alors en charge s'appelle Aurélie ; je la connais déjà puisque c'est elle qui s'est occupée de moi en unité kangourou après la naissance d'Élise et Gaspard. Elle est douce, gentille, prévenante et au courant de notre histoire particulière. Que demander de plus ?
Je ne me souviens plus du timing exact mais je me rappelle que l'anesthésiste n'a pas tellement tardé à venir me poser la péridurale. Je me rappelle surtout son humour décalé, pince-sans-rire, qui pourrait même en vexer plus d'un. Heureusement, je suis sur la même longueur d'ondes que lui et rentre dans son jeu.
Petit florilège :
- Selon lui, la péridurale n'est pas nécessaire puisque je ne semble pas souffrir tant que ça. C'est que je sais me tenir, moi, Môssieur ! Rester digne en toutes circonstances, tel est mon credo.
- Il m'interroge sur ma gestité. Je lui résume ma première grossesse en quelques mots. Et lui de s'exclamer : "et à part des enfants, vous faites quoi dans la vie ?"
- D'où la question suivante, quand je lui apprends que je travaille dans la traduction : "vos parents sont étrangers ?". Non, non, mes parents sont franco-français. "Ah oui, des ploucs de base, quoi". "Oui, comme vous et moi."
Bref, une fois la péridurale posée, Aurélie m'examine de temps en temps et se montre à la fois inquiète et rassurante : Hector n'est pas très bien positionné, il regarde vers le haut, mais l'examen clinique laisse penser que je pourrais accoucher assez rapidement, d'ici 21h00.
Peu avant la fin de son service, Aurélie nous informe qu'elle ne pourra pas pas terminer l'accouchement avec nous et qu'elle va devoir passer le relais. À tout hasard, nous lui parlons de Franck. Quelques minutes plus tard, elle revient avec une nouvelle qui nous ravit : Franck est de service ce soir et va pouvoir s'occuper de nous ! L'accouchement touche à sa fin, nous ne passerons que quelques petites heures ensemble mais nous sommes heureux de le retrouver.
Hector continue à faire des siennes en regardant vers le haut. Franck me fait changer de position pour l'aider à se placer naturellement dans la bonne position.
En parallèle, le monitoring révèle que Hector commence à souffrir du travail : son rythme cardiaque ralentit considérablement à chaque contraction. Franck prélève alors sur son crâne de quoi tester ses lactates (et nous informe au passage que "c'est pas la fête du cheveu" ^^) afin de confirmer ou infirmer le manque d'oxygène dont semble souffrir Hector. Le taux se révèle rassurant à ce stade de l'accouchement.
Un peu plus tard, alors que Franck revient m'examiner pour voir où en est la dilatation de mon col,je me fais gentiment rappeler à l'ordre car il semblerait que j'aie légèrement abusé de la péridurale : je n'arrive pas à bouger seule mes jambes et mon bassin. "Va falloir se calmer un peu". Bien, chef ! À ma décharge, quand on me dit de ne pas hésiter à appuyer, eh bien je n'hésite pas à appuyer...! ^^
Franck nous annonce ensuite que c'est pour bientôt. Là encore, je ne me souviens plus du timing exact mais, alors que Franck craignait de devoir recourir aux forceps pour sortir Hector en raison de sa mauvaise position, ce dernier a finalement eu la bonne idée de se retourner de lui-même.
Quelques poussées plus tard, Hector pointe le bout de son crâne et mon mari peut alors, comme Franck le lui avait proposé et comme il le souhaitait, finir de le sortir lui-même, avant de couper son cordon, comme pour Élise et Gaspard. Hector met un peu de temps à réagir, il semble légèrement sonné, l'accouchement a été éprouvant pour lui, ce que nous confirme Franck après avoir à nouveau testé ses lactates : il était temps que Hector sorte car il commençait véritablement à manquer d'oxygène. Comme quoi, tout peut basculer à n'importe quel moment, même quand la grossesse s'est parfaitement déroulée... Petite frayeur a posteriori donc, heureusement vite balayée par la confirmation de Franck : Hector va très bien.
Pendant que je reprends mes esprits, mon mari en profite pour accueillir Hector par une petite séance de peau-à-peau, avant que je ne l'accueille à mon tour par la "tétée de bienvenue".Ensuite, alors que Franck répare la petite déchirure que j'ai paraît-il subie, mon mari habille Hector avec l'aide de l'auxiliaire de puériculture. La taille "naissance" est vite écartée : Hector enfile directement la taille "1 mois", là où Gaspard a porté pendant quelque temps la taille "prématuré" et où Élise n'a porté que du naissance, puisque nous n'avons pas trouvé de vêtement (et non un pyjama) en taille "prématuré" pour elle.
Arrive ensuite le moment pour Hector, mon mari et moi de rejoindre la chambre et de quitter Franck, à regrets mais avec le bonheur d'avoir partagé avec lui tous ces moments si forts.
Préparation à la naissance - Épisode 3
La première fois que je vous ai parlé des séances de préparation à la naissance, c'était pour la grossesse des grumeaux, l'an dernier. J'avais pu suivre toutes les séances de préparation "classiques" (heureusement car, cette fois-ci, ce service est au moins temporairement fermé dans l'hôpital où je suis suivie, faute de personnel et de budget) et aller aux séances en piscine jusqu'au bout.
Ces séances en piscine m'avaient beaucoup plu, j'ai donc naturellement décidé de m'y remettre pour Hector, cette fois sans mon homme, qui m'avait accompagnée tous les samedis l'an dernier, puisqu'il faut bien garder Gaspard pendant que maman fait trempette ! :-)
Afin d'en profiter assez longtemps (et ayant la conviction inexplicable qu'Hector arrivera en avance - mais peut-être que je transforme en pressentiment une simple envie...), j'ai commencé les séances en piscine dès la semaine dernière, au début du sixiëme mois de grossesse. Naïvement sans doute, je n'appréhendais pas du tout de recommencer ces séances. En préparant mes affaires avant de partir, en attendant la sage-femme en compagnie des autres mamans et couples, en me changeant dans le vestiaire, en me douchant, je ne cogitais pas du tout : j'avais simplement hâte de retrouver les sensations qui m'avaient fait tant de bien l'an dernier.
Et pourtant, à peine entrée dans l'eau, alors que la sage-femme (que je connaissais déjà à travers les séances en piscine de l'an dernier mais qui n'était pas au courant pour autant de notre histoire) expliquait le premier exercice à faire, j'ai senti peu à peu que ça n'allait pas. J'ai tenté tant bien que mal de suivre les autres dans le premier exercice, censé se dérouler sur toute la longueur du bassin, mais je n'arrivais pas à me concentrer et à faire ce qu'il fallait. J'étais à peine à la moitié du bassin quand les autres étaient déjà prêts à faire demi-tour ; c'est là que je me suis effondrée et que la sage-femme, l'ayant remarqué, m'a rapidement rejointe. Elle a d'abord cru que j'avais mal quelque part, je l'ai détrompée entre deux sanglots. Elle m'a alors raccompagnée jusqu'au bord du bassin et a attendu que je puisse lui expliquer ce qui se passait après avoir calmé mes pleurs. Je lui ai alors raconté en quelques phrases la grossesse des grumeaux, les séances en piscine que j'avais suivies pour eux - avec eux - et l'émotion qui m'avait submergée complètement par surprise en entrant dans l'eau. Elle s'est montrée à l'écoute et réconfortante, m'a rassurée sur le fait que ma démarche de vouloir refaire cette préparation en piscine pour ce nouveau bébé était saine et que mes émotions étaient normales. Elle m'a ensuite proposé d'aller reprendre mes esprits sous la douche avant de les rejoindre, si je le voulais et le pouvais, dans le petit bassin pour les exercices de respiration et de relaxation. La fin de la séance n'a pas été facile mais j'ai tout de même réussi à me détendre un peu. La sage-femme est revenue me parler après la séance pour s'assurer que j'allais mieux, me répéter que ma réaction était légitime, m'encourager à aller voir la psychologue plus tôt que prévu si j'en ressentais le besoin et m'inviter à demander une consultation supplémentaire avec elle "juste pour parler" si je le voulais. Cette sollicitude m'a fait beaucoup de bien ; même si rien d'autre que le temps et le travail sur moi-même ne pourront oeuvrer, j'ai été rassurée et apaisée d'être écoutée et entendue.
C'est donc le coeur léger que je suis allée à ma deuxième séance hier, pour avoir le plaisir de tomber cette fois sur une sage-femme que j'avais également vue lors des séances en piscine l'année dernière mais avec qui nous avions pu discuter de la grossesse des grumeaux. Elle est restée discrète devant les autres mamans et couples présents en se contentant de demander des nouvelles de Gaspard mais son clin d'oeil à mon intention juste avant d'entrer dans l'eau m'a fait comprendre qu'elle se souvenait très bien de moi.
Échographie du premier trimestre
Aujourd'hui avait lieu l'échographie du premier trimestre, réalisée au CHU où j'ai été suivie pour ma première grossesse mais avec une sage-femme que nous ne connaissions pas.
En chemin, j'ai d'ailleurs confié l'une de mes craintes à mon homme : que les sages-femmes auxquelles j'allais avoir affaire pendant cette nouvelle grossesse manquent d'empathie par rapport à notre histoire et à celle d'Élise. Heureusement, la sage-femme que nous avons vue aujourd'hui s'est montrée à la hauteur, en faisant preuve à la fois de compréhension et de discrétion par rapport à Élise.
L'échographie
L'échographie en elle-même s'est bien passée.
Je ne dirai pas que tout va bien pour le haricot ; je dirai que l'échographie n'a rien révélé d'anormal - pour l'instant.
Je ne dis pas que la prochaine révèlera forcément quelque chose ; je dis simplement que, entre 16h20 et 16h35 cette après-midi, le haricot semblait bien aller.
C'est tout ce qu'a pu nous dire l'échographie. Elle ne nous a pas dit que le haricot allait bien ; elle ne nous a pas dit que le haricot irait bien jusqu'à la naissance ; elle ne nous a pas dit que les examens suivants ne révèleraient rien d'anormal.
L'échographie n'est qu'une photographie à l'instant T qui ne peut que laisser supposer une tendance ou une évolution mais qui ne peut rien affirmer.
Ce n'est pas parce que rien n'était anormal aujourd'hui que rien ne le sera plus tard.
Alors oui, cette échographie s'est bien passée mais je ne suis pas rassurée pour autant. J'ai simplement hâte que ce haricot soit hors de mon ventre. Quel comble pour une femme enceinte, dont le ventre est censé être l'endroit le plus sécurisant pour un être en devenir !...
Lorsque la sage-femme s'est intéressée au cerveau du bébé, même si je me doutais déjà de sa réponse, je n'ai pu m'empêcher de lui demander s'il était trop tôt pour voir les ventricules. Elle nous a confirmé que ces ventricules ne sont formés que vers le cinquième mois. Même s'il est quasiment improbable que les malformations d'Élise se reproduisent, nous devrons donc encore patienter avant d'être rassurés sur ce point.
Je dois avouer également que, avant que l'écran n'affiche les premières images, je gardais l'espoir complètement ridicule que, lors de la première échographie, l'échographiste se soit lamentablement trompé et n'ait pas vu qu'il y avait deux embryons. Je suis vite redescendue sur terre. J'avais cet espoir, cette envie et pourtant je sais très bien que, pour plein de raisons, une nouvelle grossesse gémellaire aurait été extrêmement difficile à gérer...
Après l'échographie, compte tenu de notre histoire, la sage-femme m'a demandé de quel suivi je souhaitais bénéficier : par des sages-femmes "lambda" ou par le Pr Verspyck et le Dr Brasseur. J'ai une première consultation avec une (autre) sage-femme la semaine prochaine ; il me suffira de lui dire ce que je préfère.
J'avoue que, pour l'instant, je ne sais pas vraiment... D'un côté, j'aurais compris qu'on "m'impose" un suivi lambda, qui correspondrait à cette grossesse et compte tenu du fait qu'aucune récidive n'est à craindre a priori ; de l'autre, j'apprécie qu'elle m'ait laissé le choix, simplement parce qu'elle a compris que cette nouvelle grossesse n'était pas tout-à-fait une grossesse comme les autres, bien qu'elle se présente normalement sur le plan obstétrical.
Autour de l'échographie
Quant à ce qui m'a animée avant l'échographie, ce n'était pas mieux que lors de l'échographie de datation : du "cogitage" et des larmes. Refaire le trajet jusqu'à l'hôpital, repasser par l'accueil, croiser les mêmes personnes, sentir à nouveau les odeurs des locaux, revoir les salles où nous avons passé telle ou telle échographie, où nous avons entendu telle ou telle annonce, où nous avons rencontré tel ou tel spécialiste. Tout est remonté en une bouffée.
Je ne pouvais qu'évacuer tout ça par les larmes.
Et puis, dès l'apparition de l'image à l'écran, une révélation : il y a bien un bébé qui grandit dans mon ventre. Depuis que mon homme et moi sommes au courant de cette grossesse, nous y pensons à peine. Bien sûr, nous en parlons, nous nous préparons à l'idée de vivre avec un enfant de plus mais nous ne l'évoquons pas quotidiennement. Il nous arrive même de passer toute une journée sans l'avoir à l'esprit. Je crois bien que ni mon homme ni moi n'avions imaginé ce bébé avant aujourd'hui. Nous ne nous étions pas projetés, nous n'avions pas posé d'images sur sa réalité.
Alors les premières images de l'échographie ont été une véritable claque pour nous deux. Mais sans doute cette claque nous aidera-t-elle à investir davantage cette grossesse et à donner à ce bébé - aussi désiré qu'il fût, pourtant - la place qu'il mérite.
Encore une facette de notre vie qui prouve, si certains lecteurs de ce blog en doutaient encore, que le deuil périnatal ne s'arrête pas aux adieux que l'on fait à son enfant. Ce qui nous est arrivé et ce qui est arrivé à Élise se traduisent chaque jour dans notre vie, dans notre quotidien, dans les grandes choses que nous vivons comme dans les gestes les plus anodins.
J'ai souvent entendu parler du "bébé d'après" en cas de deuil périnatal. En l'occurrence, en plus d'être le "bébé d'en même temps", Gaspard est aussi un peu ce "bébé d'après". Et, bien que j'aie encore du mal à attribuer une place à ce bébé à venir, c'est surtout cette grossesse qui, pour moi, est "celle d'après"...
Retour en arrière - Épisode 6 - Un pont entre deux rives
C'est comme ça que je me suis sentie entre l'accouchement et l'enterrement : comme sur un pont entre deux rives...
Jeudi 19 septembre
L'une des premières pensées qui me sont venues à l'esprit est que je suis "contente" que l'ISG et les naissances n'aient pas eu lieu le même jour. Pour nous qui pouvons distinguer naissance et mort, pour Élise qui n'est pas qu'une date, pour Gaspard dont la naissance est associée à la naissance et non à la mort de sa soeur. De toutes petites choses qui aident à apprivoiser la réalité.
Le Dr Clavier, le Dr Brasseur et le Pr Marret ont eu la délicatesse de passer nous voir. Mais pas le Pr Verspyck. N'a-t-il pas eu le temps ou tout simplement pas l'envie ?
La psychologue est passée elle aussi. Elle nous a confié qu'elle n'arrêtait pas d'entendre parler de moi depuis le matin. Mon mari m'a aussi dit que j'avais assuré pendant l'accouchement et les sages-femmes n'arrêtaient pas de me dire que c'était "génial" ce que je faisais mais j'imagine que c'est leur façon d'encourager toutes les mamans en plein travail.
J'ai essayé de regarder les photos que nous avions faites d'Élise mais il était encore trop tôt, je n'ai pas pu. En plus, du peu que j'ai vu, je l'ai (déjà) trouvée moins belle que dans mes souvenirs tout récents. Mais j'étais sûre que j'aurais le besoin et le courage de les regarder plus tard, quand mes images deviendront floues.
Du vendredi 20 au dimanche 22 septembre
Ce vendredi matin, en attendant l'arrivée de notre famille proche, mon mari et moi avons pris notre courage à deux mains pour aller voir Élise à la chambre mortuaire de l'hôpital. Comme j'étais encore incapable de marcher longtemps et que la chambre mortuaire est située à quelques dizaines de mètres de l'unité kangourou, mon mari m'y a conduite en fauteuil roulant.
L'employé que nous avons vu a été très discret et respectueux et est allé chercher Élise dès notre arrivée pour l'installer dans une pièce dédiée au receuillement, puis il nous a permis d'entrer. J'ai fondu en larmes en la voyant. Je crois que mes jambes ne m'auraient pas soutenue si je n'avais pas été assise. Après la déception que j'ai ressentie en voyant nos photos d'elle en salle de naissance, j'appréhendais de la revoir mais j'ai été soulagée de la voir, de constater qu'elle n'avait pas "bougé", qu'elle était toujours mon petit bébé, inerte, sans vie mais pas morbide.
En la voyant, je n'ai pu m'empêcher de me demander si nous avions fait le bon choix. Je crois que je me le demanderai toute ma vie. C'était tellement insupportable de la voir morte, par notre faute en plus... Je me demande même si j'ai le droit de l'aimer et de la pleurer après ce que nous lui avons fait.
Les parents et le frère de mon mari ont pu aller voir Élise dès le matin mais mes parents et mon frère sont arrivés alors qu'elle venait de partir pour l'autopsie, en début d'après-midi. Il leur a donc fallu patienter encore pour la voir. Alors que, pendant la grossesse, nos frères et belle-soeur n'étaient pas sûrs de vouloir la voir, arrivés au moment fatidique, ils ont tous les trois souhaité la voir. J'en suis heureuse car je suis intimement persuadée que, dans le cas contraire, ils auraient regretté de n'avoir pu lui donner corps et de n'avoir pu lui dire au-revoir.
À son retour de l'autopsie, Élise n'avait toujours pas "bougé". Nous craignions qu'elle ne soit abîmée mais ce n'était pas le cas. Il faut dire qu'elle était habillée et que seuls son visage, ses mains et ses jambes étaient à nu. Depuis l'accouchement, elle portait le même bonnet que Gaspard, gris et blanc à rayures, mais ce n'était pas celui que nous lui destinions pour partir définitivement. À son retour de l'autopsie, nous avons remarqué des tâches de sang à l'arrière de son bonnet, là où elle avait probablement été ouverte. Nous avons "profité de l'occasion" pour demander aux employés de la chambre mortuaire de remplacer ce bonnet, que nous allons garder précieusement sans le laver, par le bonnet rose tricoté par ma mère et qui lui était destiné depuis plusieurs mois.
Le dimanche, la grand-mère de mon mari, qui vit en banlieue dans l'est parisien, a subitement eu envie de voir Élise avant qu'il ne soit trop tard. Elle a donc eu le courage de faire plus de cinq heures de taxi aller-retour pour venir voir ses arrières-petits-enfants. Je suis heureuse qu'elle ait pu voir Élise, elle qui ne parlait que de Gaspard pendant la grossesse. Seul mon mari était avec elle à la chambre mortuaire et il m'a rapporté les paroles qu'elle a dites à son arrière-petite-fille : "Ce n'est pas moi qui devrais être là, c'est toi qui devrais être à mon enterrement." Tellement simple, tellement vrai.
Ma fille, mon amour, ma princesse, ma poupée, mon étoile filante, pardonne-nous, pardonne-moi...
Quelques unes des réflexions qui me sont passées par la tête pendant ces quelques jours
C'était une immense douleur de la voir mais une nécessité absolue. Avec Gaspard, nous avons signé un CDI. Avec Élise, nous avons signé un très court CDD alors il nous fallait en profiter tant qu'il était encore temps.
On parlait toujours d'Élise en tant que petite soeur de Gaspard, comme une petite chose fragile, mais finalement c'est elle la grande soeur. C'est elle l'aînée, c'est elle notre premier enfant.
On avait vu Élise et Gaspard près de huit mois auparavant, au moment du replacement d'embryons dans le cadre de notre troisième FIV, alors qu'ils n'étaient chacun encore qu'un amas de quatre cellules et à présent ils étaient tous les deux là en chair et en os.
Comme c'est compliqué de vivre le deuil et la naissance en même temps. Comme ce grand écart psychologique est difficile à vivre. Et pourtant je n'ose imaginer ce que vivent les parents qui n'ont que le deuil, l'absence, le vide. Gaspard ne peut pas empêcher nos larmes de couler mais il est là pour les sécher : quel bonheur et quel réconfort quand nous le retrouvions après nos moments avec Élise à la chambre mortuaire.
Retour en arrière - Épisode 5 - Bienvenue sur terre
Précédents épisodes ici, là, ici et là
Une fois le cœur d'Élise arrêté, Franck nous a laissés seuls quelques instants pour "digérer" et est revenu vers 13h00 pour la suite des opérations : commencer à déclencher, progressivement, les contractions. La dilatation du col s'est faite petit à petit dans l'après-midi et jusque dans la soirée.
Pendant ce temps, Franck a pris le temps de recueillir nos souhaits pour l'accouchement (le fameux "projet de naissance" tellement à la mode) et plus particulièrement l'accompagnement d'Élise : voir Élise et passer du temps avec elle avant l'autopsie mais ne pas la voir ni la prendre sur moi dès sa sortie, prendre Gaspard sur moi dès sa sortie, couper les deux cordons pour mon mari, garder le bracelet de naissance d'Élise (Franck en a donc préparé un deuxième exprès pour nous puisqu'elle devait partir avec le sien pour l'autopsie), prendre ses empreintes, l'habiller avec les vêtements que nous avions apportés pour elle. Il a également pris note de l'unique prénom d'Élise et des deux autres prénoms de Gaspard (Paul et Marceau). À partir de ce moment-là, lui et les deux sages-femmes qui l'ont relayé ensuite n'ont appelé Gaspard et Élise que par leurs prénoms ou en disant "votre fils" et "votre fille", et non plus "le petit garçon" ou "la petite fille". L'interne que j'avais vue plusieurs fois en UGP et qui a participé à l'ISG a pris la peine de venir nous souhaiter bon courage à la fin de son service.
Franck avait un petit espoir d'avoir le temps de m'accoucher lui-même avant la fin de sa garde, prévue à 20h30, mais mon col ne s'est pas dilaté assez vite. Il a donc pris soin de passer le relais à deux sages-femmes "au top" selon ses dires, ce qui s'est confirmé par la suite. Lorsqu'elles sont entrées dans la salle de naissance, seule l'étudiante sage-femme (en dernière année d'études) s'est présentée : Adeline. Sur le coup, je pensais tout simplement ne pas avoir entendu la sage-femme se présenter mais, lorsque j'ai appris son prénom quelques jours plus tard quand Franck est venu prendre de nos nouvelles, j'ai compris qu'il ne s'agissait ni d'un oubli de sa part, ni d'une absence de ma part mais bien d'une preuve de délicatesse puisqu'elle s'appelait... Élise ! Qui d'autre qu'une Élise pouvait mettre au monde mon Élise ?... En tout cas, Élise comme Adeline ont réellement été à la hauteur, au regard de l'accouchement en lui-même et du contexte si particulier.
Après plusieurs heures de contractions régulières et de plus en plus intenses, la sage-femme m'a annoncé à 23h00 que l'accouchement aurait lieu une heure plus tard mais, à 23h45, n'y tenant plus, j'ai demandé à "ce qu'on y aille", ce qu'ils ont accepté, mon col étant à dilatation complète depuis un moment et Élise étant engagée convenablement (ce qui n'était pas gagné au départ car elle était certes en présentation céphalique mais avait la tête trop relevée).
Nous savions qu'il y aurait du monde en salle de naissance puisqu'il s'agissait d'une grossesse gémellaire (sage-femme + étudiante sage-femme, gynécologue + interne en gynécologie, anesthésiste + interne en anesthésie, deux pédiatres) mais je n'ai prêté attention qu'aux sages-femmes et aux gynécologues qui m'ont guidée pendant l'accouchement. Mon homme a eu la délicatesse d'être présent, évidemment, mais de rester en retrait, puisqu'il sait que lorsque je fournis un effort, je déteste qu'on me soutienne ou qu'on m'encourage par des paroles ou des gestes. Seules les sages-femmes trouvaient grâce à mes yeux en ces instants douloureux.
Le temps que l'équipe s'installe, j'ai dû commencer à pousser vers 23h55 mais il m'a fallu quelques poussées pour bien comprendre comment faire. Les poussées allaient toujours par trois, que d'efforts à fournir pour enchaîner ces trois poussées à chaque fois ! J'ai dû laisser passer une contraction à trois ou quatre reprises afin de récupérer un peu. À un moment, je me suis relâchée émotionnellement et ai commencé à craquer (larmes, découragement, regret de la césarienne) mais je me suis fait violence pour poursuivre rapidement, de peur de ne pas réussir à terminer si je lâchais totalement prise. Au bout d'un moment, commençant à ressentir des choses au niveau de mon entrejambe sans savoir quoi exactement, j'ai hésité à demander à la sage-femme "si nous en étions encore loin", de peur qu'elle ne m'annonce encore un trop long chemin. Lorsque j'ai finalement posé la question, la sage-femme m'a répondu qu'elle voyait les cheveux d'Élise et qu'elle serait là en quelques poussées. Je crois bien que j'ai senti, dans ma chair, Élise finir de sortir. Il était 00h22. Le temps que les sages-femmes l'attrapent correctement, j'ai su que je voulais la voir immédiatement et non après l'accouchement, contrairement à ce que j'avais dit à Franck dans l'après-midi. La sage-femme a alors voulu poser Élise sur moi mais j'ai refusé : trop d'émotions venaient de me traverser et trop d'émotions m'attendaient encore. En revanche, je l'ai dévorée des yeux, loin d'être choquée par son visage, contrairement à ce que je redoutais. Elle avait un joli corps, fin, délicat, normal... inerte, sans vie, silencieux mais normal. Mon homme a pu couper le cordon comme il le souhaitait. Ils l'ont ensuite emmenée pour la préparer pendant la fin de l'accouchement, qui a été très rapide.
Après la rupture artificielle de la poche des eaux de Gaspard et grâce aux manoeuvres des gynécologues pour le positionner correctement (puisqu'il se présentait en transverse), j'ai senti Gaspard arriver, en à peine quelques poussées, cinq minutes après sa soeur. Après Élise, j'ai eu l'impression que Gaspard sortait "comme une lettre à la Poste". Mon homme a également pu couper le cordon avant qu'ils ne posent Gaspard sur moi pendant quelques minutes. Ils l'ont ensuite emmené pour s'occuper de lui pendant l'expulsion des placentas.
En effet, je sentais bien quelque chose à l'entrejambe : c'étaient les cordons encore reliés aux placentas et auxquels je ne pensais plus. Le premier placenta est sorti relativement facilement et rapidement mais le deuxième a nécessité une délivrance artificielle, dont les pressions répétées sur l'utérus sont réellement douloureuses, autant que les gestes de la révision utérine qui a suivi et pour laquelle l'étudiante sage-femme a dû insister. Elle a également dû appuyer à plusieurs reprises sur l'utérus, jusque tard après l'accouchement, pour en expulser tout le sang.
Une fois l'accouchement en lui-même terminé, ils ont ramené Élise en salle de naissance et nous ont laissés seuls avec elle et son frère. Nous avons ainsi pu faire des photos, plein de photos : d'Élise seule, d'Élise avec moi, d'Élise avec son papa, d'Élise et Gaspard avec moi, d'Élise et Gaspard avec leur papa, de nous quatre, des mains d'Élise, de nos mains avec les siennes, de ses pieds... Je savais que ces photos ne seraient pas toutes "réussies" mais l'essentiel était qu'elles existent et qu'elles viennent combler un minimum l'inévitable vide qui nous attend.
Au bout d'un moment, nous avons "libéré" Gaspard pour qu'ils l'emmènent en unité kangourou : compte tenu de sa prématurité (35 SA), Franck nous avait prévenus, dans l'après-midi, que lui et moi étions "éligibles" à l'unité kangourou, à condition que j'accepte d'être hospitalisée avec lui et aussi longtemps que lui, ce qui me semblait une évidence pourvu que je puisse bénéficier d'une autorisation de sortie pour enterrer Élise, ce dont Franck nous a assuré. Nous sommes restés quelques instants de plus seuls avec Élise, avant de nous résoudre à la quitter, plus de force que de gré puisque j'ai fait un début de malaise, ayant fourni trop d'efforts trop rapidement après l'accouchement.
L'étudiante sage-femme m'a alors préparée pour que nous puissions aller dans la chambre retrouver Gaspard : toilette, derniers contrôles et... suture ! C'est à ce moment-là que j'ai appris que j'avais subi une petite épisiotomie pour laisser sortir Élise. J'ai vraiment apprécié que l'équipe soit restée discrète (même mon mari ne s'est aperçu de rien) car je crois que cela ne m'aurait pas aidée de le savoir sur le moment. En revanche, j'ai bien senti la suture car la péridurale ne faisait plus effet et le spray anesthésique qu'ils ont vaporisé n'a pas complètement fonctionné. Une fois prête, vers 4h, ils m'ont emmenée dans ma chambre où nous avons retrouvé Gaspard pour une petite heure, avant qu'ils ne le reprennent pour nous laisser somnoler deux heures... avant d'affronter de plein fouet notre double réalité de parents heureux et désenfantés à la fois...
Retour en arrière - Épisode 4 - Mourir avant de naître
(Premier épisode ici)
(Deuxième épisode ici)
(Troisième épisode ici)
Nuit du mardi 17 au mercredi 18 septembre
Mon mari venant au CHU en métro, nous sommes piétons pour sortir nous changer les idées et le seul restaurant sympa que nous connaissons à proximité se situe à une vingtaine de minutes à pieds (compte tenu du rythme que m'impose mon bidon). Après une quarantaine de minutes de marche aller-retour, pas étonnant que j'aie eu beaucoup de contractions dans la soirée et en début de nuit. Je n'ai pas réussi à fermer les yeux avant 2h du matin, pour me réveiller vers 3h15, puis me rendormir jusque 4h30, heure à laquelle j'ai été réveillée par une brusque et importante sensation d'humidité qui s'est plus que confirmée le temps que j'arrive à la salle de bains. J'ai immédiatement appelé la sage-femme de garde (à qui j'avais déjà eu affaire à de nombreuses reprises pendant notre parcours d'AMP) qui a confirmé qu'il s'agissait bien cette fois de la rupture de la poche des eaux et non d'une simple suspicion comme le week-end précédent. Elle m'a alors donné de quoi rester à peu près au sec, m'a installé un monitoring pour vérifier que les grumeaux allaient bien, m'a fait une prise de sang et m'a mise sous antibiotiques pour prévenir toute infection. Elle a également prévenu l'interne de garde qui devait avertir le Pr Verspyck à son arrivée quelques heures plus tard. Elle a ajouté que, étant donné le contexte, il était probable que tout soit précipité afin d'éviter toute intervention dans l'urgence au cas où le travail se déclencherait spontanément dans les 48 heures.
Mercredi 18 septembre
Je n'ai bien sûr pas pu me rendormir mais n'ai prévenu mon mari que vers 6h30, histoire de le laisser faire une nuit correcte, même si je me doutais que son sommeil ne devait pas être plus serein que le mien. Il est arrivé au CHU moins d'une heure plus tard, tandis que le Pr Verspyck est passé nous voir dès son arrivée à 9h et nous a alors confirmé qu'il souhaitait "écouter la nature" et tout déclencher aujourd'hui. Une sage-femme nous a alors amenés en salle de naissance vers 9h30 et nous a informés que l'ISG et l'accouchement s'y dérouleraient. Un sage-femme, Franck, a alors pris le relais : c'est lui qui allait s'occuper de nous pour la journée. Il nous a annoncé l'ordre des évènements : pose de la péridurale (vu le tableau assez effrayant qui en est fait dans les médias, j'appréhendais un peu mais elle s'est parfaitement déroulée), ISG, déclenchement artificiel, accouchement.
Nous avons patienté jusqu'à l'arrivée du Pr Verspyck et de l'interne, vers 11h30, pour l'ISG.
Mon mari et moi nous demandions si nous souhaitions voir l'échographie en cours d'ISG pour dire au-revoir à Élise mais nous n'avons finalement pas eu de questions à nous poser car ils nous ont isolés derrière un champ opératoire placé sous ma poitrine, comme pour une césarienne. Par ailleurs, pendant toute l'intervention, le Pr Verspyck, l'interne et Franck ont eu la délicatesse de chuchoter. Nous avons donc été épargnés autant que possible pendant ce moment si particulier, le Pr Verspyck se contentant d'annoncer, ce mercredi 18 septembre 2013 à 12h15 : "le bébé est décédé".
Il nous a ensuite simplement prévenus juste avant de procéder au drainage du cerveau d'Élise.
J'avais peur d'être secouée de sanglots pendant l'acte, au risque de gêner la précision nécessaire des gestes, mais j'ai finalement réussi à prendre à peu près sur moi, ne ressentant que le besoin de prendre quelques grandes inspirations.
A l'annonce du décès d'Élise, j'ai demandé à mon mari s'il avait pu lui dire au-revoir dans sa tête et dans son cœur, il m'a répondu que oui.
C'est seulement une fois l'ISG terminée que j'ai fondu en larmes...
Une fois que nous nous sommes retrouvés seuls à nouveau, j'ai demandé à mon mari s'il pensait que nous avions bien fait, il m'a répondu qu'il ne fallait plus se poser la question.
Rendez-vous à Necker
Après avoir hésité pendant un moment, compte tenu du suivi spécifique qui a été mis en place au CHU de Rouen depuis la détection des anomalies d'Élise, nous nous sommes finalement décidé la semaine dernière à solliciter un rendez-vous à l'hôpital Necker à Paris, non par défiance envers l'équipe de Rouen mais simplement pour obtenir un deuxième avis.
De ce rendez-vous qui avait lieu aujourd'hui, nous attendions soit d'être rassurés ("c'est grave mais on a des solutions à vous proposer"), soit que le diagnostic de Rouen soit confirmé, afin d'être sûrs de la décision que nous prendrons et d'éviter de nourrir des regrets, dans les semaines, mois ou années à venir.
Nous avions rendez-vous au service de diagnostic prénatal et avons d'abord rencontré une sage-femme, qui nous a fait bonne impression. J'avais expliqué à la secrétaire les raisons de notre demande lors de la prise de rendez-vous, le message avait été transmis et la sage-femme était donc déjà au courant. À la fois techniquement et humainement, nous avons senti qu'elle savait de quoi elle parlait, qu'il s'agisse de la fente et de la dilatation d'Élise ou de l'interruption de grossesse et du deuil périnatal. Elle a alors dressé un rapide historique - prises de sang, résultats chromosomiques et échographies à l'appui - avant d'évoquer, de son point-de-vue obstétrical, les possibilités envisagées : échographie, IRM, consultation en neuro-pédiatrie. Elle a ensuite photocopié tous les résultats dont elle avait besoin pour constituer notre dossier. L'échographie étant possible dans la foulée de notre consultation, nous avons patienté quelques minutes avant de passer notre dixième échographie.
Compte tenu du motif et du contexte de notre visite, l'échographiste est allé droit au but, aussi bien dans son examen que dans son discours. Alors qu'elle s'était à peu près stabilisée autour de 25 mm la semaine dernière, la dilatation ventriculaire d'Élise atteint désormais les 30 mm, soit trois fois plus que la normale et deux fois plus que le seuil de sévérité. Nul besoin de préciser que cette évolution continue aggrave de plus en plus le pronostic, à tel point que l'échographiste a été plus que clair sur l'état d'Élise si elle vient au monde : elle sera très probablement alitée en permanence, sans pouvoir bouger, marcher ni parler. Il a également ajouté, textuellement, que "son cerveau est complètement détruit". Quel sens donner à sa vie, dans ces conditions, si elle ne connaît qu'un état végétatif, si nous ne pouvons rien partager avec elle ?...
Autre sujet d'inquiétude, qui avait été évoqué à demi-mots par le Professeur Verspyck : compte tenu de la pression exercée par cette dilatation sur son cerveau, la boîte crânienne d'Élise continue à grossir de façon importante et disproportionnée. Si cette tendance se poursuit, la tête d'Élise sera tellement grosse qu'elle gênera le développement de Gaspard dans mon ventre, alors qu'a priori tout va bien pour lui, qu'elle rendra impossible l'accouchement par voie basse et qu'elle fera de la césarienne, alors devenue inévitable, une intervention plus compliquée et plus risquée pour moi qu'une césarienne "classique". Alors que les anomalies d'Élise ne "concernaient" qu'elle jusqu'à présent, voilà que ses problèmes se mettent à avoir un impact direct et risqué sur Gaspard et moi-même...
Autant dire que ce rendez-vous a fait plus que remplir sa mission : bien loin de nous rassurer, il nous a ôté tout espoir et tout doute quant à l'état cérébral d'Élise. L'échographiste nous a clairement conseillé l'interruption sélective de grossesse. Je crois que cette décision s'impose malheureusement d'elle-même au fil des examens mais il nous reste à l'accepter, l'assumer et l'officialiser avant de la programmer...
D'après l'échographiste que nous avons rencontré, si nous étions suivis à Necker, l'ISG serait pratiquée entre 30 et 32 SA, c'est-à-dire dans deux à quatre semaines, afin de limiter les risques liés à la place que prend la tête d'Élise. À Rouen, la dernière fois que nous avons évoqué le sujet, il était question de pratiquer l'ISG vers 34 SA, mais la dilatation n'en était alors "qu'à" 25 mm. Peut-être réviseront-ils partiellement leur position maintenant que la dilatation a à nouveau changé de dizaine, ce que le Dr Brasseur devrait constater lors de l'échographie prévue jeudi prochain.