08 septembre 2015

Retour au travail (bis)

J'ai repris le travail il y a deux semaines et le moins que l'on puisse dire, c'est que ça été - c'est - compliqué. Non pas de reprendre le travail en soi - c’était nécessaire, pour plusieurs raisons - mais de laisser Hector. J'ai comme un sentiment d'abandon.

  • Je suis restée un an non-stop avec Gaspard.
  • J’ai repris le travail après son adaptation, nous avons donc pu nous séparer en douceur ; j’ai en quelque sorte moi aussi fait mon adaptation.
  • C’est moi qui ai fait son adaptation à la crèche, qui l’ai accompagné dans ce nouveau monde.

 

  • Je n’ai passé « que » 6,5 mois avec Hector. Certes, c’est déjà une chance par rapport à tous ces bébés qui atterrissent chez la nounou ou à la crèche dès leurs 2,5 mois mais pour moi, c’était encore trop tôt, surtout qu'on a eu du mal à démarrer.
  • J’ai repris le travail avant son adaptation. Au cours des quelques jours qui ont précédé ma reprise, nous avons profité des congés de mon mari pour amorcer la transition : il s’est au fil des jours de plus en plus occupé de Hector la journée pour que je me « détache » de lui, pour qu’il se « détache » de moi et « s’attache » à son papa. Malgré cela, pendant ces quelques jours, nous étions ensemble quasiment en permanence et nous avons été séparés du jour au lendemain lorsque j'ai repris le travail.
  • Ce n’est pas moi qui fais son adaptation à la crèche, qui l’accompagne dans ce nouveau monde.

 

Ce sentiment n’a rien à voir avec son papa, je sais qu’il est bien avec lui, qu'ils sont bien ensemble. Il n’est pas question de mon mari ou de confiance, mais de moi. Il n’est pas question de  savoir à qui je l’ai laissé mais du fait que je l’aie laissé.

D'ailleurs, rien que pour ce qui va suivre, je me réjouis que mon mari accompagne Hector dans cette étape : mon mari m’a dit à plusieurs reprises qu’en passant autant de temps avec Hector, en tête-à-tête qui plus est, il avait l’impression de le découvrir vraiment. La première fois qu'il m'a fait cette confidence, ça m’a fait comme une bouffée d’amour et de bonheur dans le cœur ! Je suis heureuse que mon mari ait cette chance-là, celle de passer du temps avec ses fils.

 

Ça, c’est pour la séparation. Il y a aussi les retrouvailles...

 

Le premier soir où j’ai retrouvé Gaspard et Hector après le travail, j’étais impatiente et heureuse. Et en même temps, mon cœur s’est serré. J’avais quitté Gaspard et Hector en sachant que je les retrouverais. Élise, je l’ai quittée en sachant que je ne la retrouverais pas. En rentrant ce soir-là, j’ai retrouvé deux de mes enfants. Je n’ai retrouvé que deux de mes enfants.

Pour être honnête, je devrais dire que j’ai quitté Élise sans savoir si je la retrouverais un jour. J’ai envie de croire qu’un jour je la rejoindrai là où elle est partie avant moi mais qui peut me l’assurer ? Cela fait partie de ces croyances auxquelles on se raccroche plus par nécessité que par conviction...

Réflexion


01 octobre 2014

Retour au travail

Cela fait une semaine que j'ai repris le travail, après 19 mois d'interruption (jour pour jour) entre arrêt maladie, congé maternité, congé parental et congés payés. J'avais programmé ma reprise après l'adaptation de Gaspard à la crèche, j'aurais pu reprendre plus tôt puisqu'elle s'est terminée le 15 septembre mais, pour ces "premières fois depuis", je ne voulais pas travailler les 18, 19 ou 23 septembre. J'ai donc repris le 24 septembre, après avoir temporairement arrêté de travailler le 25 février 2013.

Pour me sentir bien dès le début, j'ai commencé par me réapproprier mon poste de travail, qui était entre-temps passé entre les mains de ma remplaçante et d'une stagiaire.
Entre mes deux écrans, j'ai posé une des étoiles de la boîte à souvenirs d'Élise.
En fond d'écran, j'ai choisi la carte que ma mère a dessinée pour le premier anniversaire des grumeaux :

carte premier anniversaire grumeaux maman

Par l'accueil qui m'a été réservé, j'ai eu l'impression de revenir tout simplement de vacances alors qu'au fond de moi, je ne suis plus la même. Pour mes collègues, l'équation est simple : ils ne m'ont pas vue enceinte au travail, puisque j'ai été arrêtée au bout d'un mois de grossesse, et quand j'ai fait une visite de courtoisie en janvier dernier, j'avais un bébé à présenter. Alors que l'absence de ma fille m'habite en permanence et que la grande majorité de mes collègues sont au courant (ne serait-ce qu'avec le mail que j'avais adressé à l'ensemble du personnel de mon entreprise en décembre dernier), je suis sûre que certains d'entre eux ont purement et simplement oublié que j'avais perdu un enfant.

En témoigne la brève discussion que j'ai eue avec un collègue (qui figurait pourtant parmi les destinataires de mon mail) à propos de ma nouvelle grossesse. Alors que je commentais le fait d'attendre un autre petit garçon d'un "je vais avoir une tribu de garçons à la maison", il m'a répondu : "c'est le deuxième alors ?". J'ai laissé un petit blanc, volontairement, puis ai précisé : "le deuxième vivant, oui, mais le troisième dans les faits".
Pas d'autre réaction qu'un embarras silencieux mais peu importe : Élise est mon premier enfant, Hector est mon troisième enfant et je ne laisserai personne croire qu'il en est autrement ! Ce n'est pas un caprice, une lubie ou un arrangement avec la réalité : mon livret de famille dit et dira la même chose.

Vis-à-vis de mes collègues, j'ai pris le parti de saisir chaque occasion de parler d'Élise. Je ne provoque pas ces occasions - je n'y arrive pas alors que l'envie de parler de ma fille me brûle les lèvres à chaque instant - mais je les guette. Alors que je discutais avec un jeune collègue de ma nouvelle grossesse (encore ! Je dois reconnaître que le fait que je revienne enceinte de congé maternité peut être un peu déroutant !) et de la brièveté de mon retour au travail, j'expliquais que mon futur congé maternité serait celui accordé pour un troisième enfant, ce qui l'a étonné : "c'est bizarre que ta fille soit considérée à charge par la sécurité sociale". Je lui ai alors expliqué la différence entre la CAF et la sécu, et entre les enfants "à charge" et les enfants "mis au monde viables". J'aurais pu être perturbée par sa question "cash" mais j'ai précisément apprécié qu'il ne s'embarrasse pas d'une éventuelle retenue pour évoquer ma fille ! Des questions sans détours à propos d'Élise, j'en redemande !

Le lendemain de ma reprise, ma chef a commenté avec pudeur les boucles d'oreilles en étoiles que je portais : "Je n'avais pas fait le lien". J'ai alors mis les pieds dans le plat : "oui, si vous voyez des étoiles sur moi, c'est pour ma fille". Une autre collègue a alors répondu qu'elle avait effectivement remarqué l'étoile entre mes écrans. Gagné !

Le lendemain de ma reprise toujours, mon patron s'est intéressé, par pure obligation, à ma nouvelle grossesse : "Vous savez ce que c'est ?" J'ai eu envie de lui répondre qu'a priori c'était un humain, pas un alien, mais je me suis dit qu'il serait malvenu, dès ma reprise, de crisper à nouveau nos relations, que le temps et la distance de ces derniers mois ont eu la bonne idée de détendre, par la force des choses. Je me suis donc contentée d'un :
- C'est un petit garçon.
- Et là, vous avez déjà... ?
- Un petit garçon... et ma fille, qui n'est plus là.
Évidemment, rien qu'en prononçant ces quelques mots, ma voix a trahi mon émotion. [mode ironie : ON] Alors on peut me trouver chochotte ou hypersensible [mode ironie : OFF] mais, oui, je m'émeus encore de dire que ma fille n'est plus là ! Mon patron l'a remarqué et n'a pu s'empêcher de commenter : "Vous avez encore du mal". J'ai eu envie de lui répondre "Évidemment que j'ai encore du mal, ça ne fait qu'un an ! Et toute ma vie, j'aurai du mal à vivre l'absence de ma fille et à annoncer, confirmer ou répéter que ma fille n'est plus là". Là encore, j'ai pris sur moi pour lui répondre laconiquement : "oui, et je pense que ça va durer encore longtemps." Fidèle à lui-même, il a ensuite dévié la conversation sur lui mais je n'en attendais pas moins de sa part.

La "bonne nouvelle" de ma reprise, c'est que j'ai trouvé des oreilles attentives et compréhensives non pas auprès de mes collègues, mais auprès de traductrices avec lesquelles je travaille beaucoup à distance mais que je n'ai jamais rencontrées. Évidemment, j'ai fait une "sélection" des relations professionnelles à qui je pensais pouvoir en toucher quelques mots ; je n'en ai parlé à aucun de mes clients (mais si l'occasion se présente un jour, j'en profiterai peut-être) et ai choisi, parmi les dizaines de traducteurs avec lesquels je travaille au quotidien, de ne me confier qu'à trois d'entre eux - d'entre elles, en fait. Leurs réactions ont été à la hauteur du "feeling" que je pensais avoir avec elles et de la confiance que je leur ai témoignée en ouvrant mon coeur et en donnant le lien vers ce blog. Pour le réconfort qu'elles m'ont apporté dans cette étape parfois décevante qu'est ma reprise du travail, je les remercie du fond du coeur !

Posté par Tannabelle à 23:14 - - Commentaires [1] - Permalien [#]
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