Pas celle que vous croyez
Vendredi matin, Gaspard a fait sa première rentrée scolaire. À part quelques pleurs au moment où nous avons quitté la classe, tout s'est bien passé. De toutes façons, je n'étais pas spécialement inquiète : il ne parle que de l'école depuis des semaines, il est propre (même la nuit, je n'en demandais pas tant !), il retrouve quelques camarades de la crèche dans son école et même dans sa classe. Bref, je n'avais vraiment aucune raison de pleurer pour la rentrée de Gaspard.
Sauf que, alors que nous passions quelques minutes avec Gaspard (et Hector, venu accompagner son grand frère et qui s'est encore plus vite acclimaté à la classe !) le temps que son instit' accueille les autres enfants, je me suis effondrée, au vu et au su de tous les autres parents... Et cette situation m'a rappelé le credo de ma copine Hélène : ne jamais préjuger, ne jamais présumer ! J'ai dû passer pour une mère poule incapable de couper le cordon ou désespérée de voir son fils grandir trop vite. Et pourtant, ce n'était pas pour la rentrée de Gaspard que mes larmes ont coulé à flots, mais bien pour la non-rentrée d'Élise...
Alors ne présumez jamais, ne préjugez jamais, restez ouverts d'esprit. C'est ce que je m'efforce de faire aussi depuis un moment...
Rentré(e)
J'ai préparé ton sac consciencieusement.
Nous avons choisi ensemble tes vêtements.
Nous avons petit-déjeuné en même temps.
Tu as enfilé tes nouvelles chaussures.
Nous sommes partis à pieds, sous un soleil timide.
J'ai serré ta main dans la mienne tout au long du chemin.
Nous avons rejoint ta salle de classe.
Je t'ai adressé mon plus large sourire pour te transmettre toute ma confiance.
Nous nous sommes dit "à ce midi !" en nous embrassant.
Et puis je me suis réveillée, en ce jour de première rentrée scolaire pour ton frère jumeau...
Un jour comme les autres
Aujourd'hui, Gaspard a fait sa rentrée à la crèche. Bon, disons simplement qu'il a commencé la période d'adaptation qui durera deux semaines. Je ne suis pas spécialement inquiète. J'ai confiance dans la crèche et, pour être honnête, je suis impatiente de ne plus être qu'une maman. Bien sûr, je n'en mènerai sûrement pas large la première fois que Gaspard fera une journée complète à la crèche ou le jour de ma reprise mais le retour au travail, même pour quelques semaines, me fera le plus grand bien (toutes considérations sur mon patron mises à part, évidemment !).
Alors aujourd'hui, comme beaucoup de parents je suppose, j'ai pleuré.
Pas parce que Gaspard a fait sa rentrée à la crèche.
Parce qu'Élise n'a pas fait sa rentrée à la crèche. Parce qu'Élise ne fera jamais sa rentrée à la crèche, ni aucune autre rentrée.
Ce billet traîne depuis des semaines parmi les brouillons et aurait pu être complété encore longtemps avant d'être dévoilé. Mais je me suis dit qu'aujourd'hui, en tant qu'étape importante dans la vie de Gaspard, était le bon jour pour le publier.
Et après, on osera encore nous dire que "tout ça, c'est derrière nous"... Vous croyez que ça me, que ça nous (a) fait quoi, tout ça ?
- Jouer uniquement avec Gaspard
- Ne faire découvrir les joies de la piscine qu'à Gaspard
- Choisir des vêtements uniquement pour Gaspard
- Passer devant les rayons destinés aux petites filles sans pouvoir m'y arrêter
- Tomber, dans le magasin où nous l'avons acheté, sur le body qu'Élise porte, là où elle est - le seul body qu'elle portera jamais
- Entendre parler de notre deuxième enfant à venir
- Faire ma première sortie "loisir" avec Gaspard uniquement
- Dormir dans la chambre que l'un des grumeaux aurait occupée s'ils avaient été là tous les deux
- Mettre à jour notre demande de place en crèche pour un enfant, et non plus deux
- Ne réfléchir que par rapport aux grumeaux et par rapport à la grossesse quand j'entends parler d'évènements survenus en 2013 : "tout allait encore bien", "on savait déjà", "elle n'était plus là"
- Enfiler à Gaspard sa première paire de Converse, celle qui figurait sur notre faire-part de grossesse, à côté des nôtres et surtout de celle destinée à Élise
- Croiser une poussette double
- Entendre parler d'une Élise
- Accrocher le linge dans le jardin avec les épingles à linge que l'on avait utilisées pour notre faire-part de grossesse
- Constater que la date de péremption de la barquette de margarine est le 24 mai
- Enfiler le bonnet rayé à Gaspard, le même que porte Élise
- Retaper le lit qui aurait dû être celui d'Élise
- Aller sur la tombe d'Élise avec Gaspard dans les bras
- Croiser une Élise
- Imaginer conduire Gaspard à la mairie le jour de son mariage sans pouvoir imaginer mon mari en faire de même avec Élise
- Regarder des parents rhabiller leurs jumeaux - fille et garçon, qui plus est - en attendant notre tour chez le pédiatre
- Voir, dans un film, des roses blanches tomber sur le cercueil d'un enfant
- Passer près de Pleucadeuc pendant nos vacances en Bretagne
- ...
Cette liste est aussi décousue qu'incomplète. Elle aurait pu s'allonger indéfiniment car c'est tous les jours, dans tout ce que je fais avec/par rapport à/pour Gaspard, dans tout ce que Gaspard découvre, qu'Élise me manque.
Cette absurdité d'un jumeau sans sa jumelle, c'est comme un miroir sans reflet, c'est comme deux lignes parallèles mais dont l'une s'est arrêtée beaucoup plus tôt que l'autre, beaucoup trop tôt.
Je raisonne encore souvent avec des phrases du genre "C'est la première fois que (...) depuis que (...)" ou "La dernière fois que (...), c'était (...)", où les (...) font évidemment référence à la grossesse et au début de l'histoire des grumeaux. Mais il me faudra encore du temps avant d'arrêter avec tous ces "Nous aurions dû/devrions être", "Elle devrait être/aurait dû", "Ils auraient dû/devraient être". Ce qui est certain, c'est que ce n'est pas ce mois-ci, mois de leur premier anniversaire, que j'y arriverai.