Par tous les moyens
Cela fait plusieurs semaines que ça ne va pas, dans ma tête et dans mon coeur. En ce moment, je n'y arrive pas. J'ai besoin d'aide mais je ne sais pas vraiment de quelle aide.
J'ai fait l'aller-retour entre jeudi soir, après le boulot, et vendredi matin, avant le boulot jusqu'à Lille, à 2h30 de chez moi, pour assister au groupe de parole mensuel de l'association Nos tout-petits, dont je suis adhérente et membre bénévole à distance. Mon dernier groupe de parole remontait à décembre dernier, c'est dire si j'avais un trop-plein de chagrin à y déverser ! Il m'est toujours difficile d'expliquer précisément ce que m'apporte cet espace d'expression libre ; je sais juste que je suis toujours impatiente d'y retourner, même (ou surtout) si je ne peux y aller qu'occasionnellement...
J'ai également repris rendez-vous avec "ma" psychologue, celle de la maternité où j'ai accouché, celle qui me suit depuis le début, pour début novembre, faute de place avant. Mais ça me semble tellement loin encore...
J'ai donc également contacté le centre médico-psychologique de ma ville. La secrétaire que j'ai eue au téléphone m'a d'abord informée que le délai de rendez-vous se comptait en mois... encore pire qu'avec "ma" psychologue. Mais, lui ayant quand même confirmé que je souhaitais être inscrite sur la liste d'attente, elle a pris mes coordonnées et noté, avec mon accord, la raison de ma demande. En la lui expliquant en quelques phrases, j'avais la gorge nouée et la voix tremblante. Elle m'a alors dit qu'elle allait essayer de me donner un rendez-vous en "urgence".
Je prévois de prendre rendez-vous chez l'ostéopathe chez qui nous avons emmené Gaspard il y a quelques jours pour ses troubles du sommeil. Non que nous ayons déjà constaté une amélioration de ce côté-là, mais il nous a inspiré confiance et je me dis que ça ne peut sans doute pas me faire de mal.
J'envisage de reprendre rendez-vous avec la psychiatre que j'avais vue l'an dernier.
J'ai même pensé à accepter un traitement anti-dépresseur, tellement j'ai besoin d'aller mieux...
Pas que ça
Lui sourire.
Me détendre.
Provoquer le peau à peau.
Prendre plaisir à être avec lui.
Apprécier sa chaleur.
Plonger mon regard dans le sien.
Le faire rire.
Savourer sa douceur.
Me reconnecter à lui.
Prolonger l'instant.
C'est ce que j'ai vécu hier soir avec Hector, à l'occasion d'un bain partagé, pendant que Gaspard était avec son papa.
Je voulais en parler ici pour rétablir l'équilibre suite à mes deux derniers billets. Parce que, au milieu de ma tempête, il y a aussi des instants de grâce et que ce sont ces moments qui me donnent l'énergie d'affronter, tant bien que mal, les autres moments...
De l'air
Se balader en poussette dans la maison. Jouer dans le parc. Faire la sieste dans son lit. Me regarder depuis sa chaise haute.
...
Rien n'y fait : il veut être avec moi, sur moi.
Sa peau contre la mienne.
Sa chaleur.
Ses gémissements de contentement.
Ses doigts qui s'agrippent à mes vêtements.
Ses yeux qui cherchent les miens.
Sa respiration qui ralentit.
Sa lèvre inférieure qui tète dans le vide.
Ses soupirs d'aise.
Son corps qui s'abandonne en pleine confiance.
Tout ce que j'aurais voulu dire d'Élise, vivre avec Élise, voilà que je n'en peux plus, que je n'en veux plus avec lui.
Ce contact physique. Cette fusion. Cette vampirisation.
Mon coeur, mon esprit, mon âme veulent respirer. Mon corps cherche de l'air malgré moi. Littéralement. Je ne contrôle plus ma respiration. Ma fonction vitale a pris son indépendance et va chercher ce dont elle a besoin comme elle peut, où elle peut.
Lui sur moi.
Lui si bien.
Moi si mal.
Comment est-ce possible ?
La certitude d'être incapable de lui faire du mal, de mal le traiter, volontairement ou par négligence.
Mais le sentiment de le trahir.
Alors mon rejet de lui n'est-il pas déjà une négligence ou une maltraitance ?...
L'admettre et le dire
Souvenange
Parce qu'on n'y pense pas.
Parce qu'on n'ose pas.
Parce qu'on ne sait pas que c'est possible.
Parce qu'on pense qu'on n'en aura pas besoin.
Parce qu'on pense que ça nous fera plus de mal que de bien.
Parce qu'on pense qu'on n'osera jamais les regarder.
Parce qu'on ne réalise pas qu'il ne restera que ça.
Il y a des personnes qui sont là
pour y penser,
pour oser,
pour rendre ça possible,
pour savoir qu'on en aura besoin,
pour savoir que ça nous fera du bien,
pour savoir que leur simple existence est parfois suffisante,
pour savoir qu'il ne restera que ça.
Hélène est de ces personnes. Elle sait tout ça parce qu'elle est "passée par là", elle a été de l'autre côté de la barrière - et y est sans doute restée car c'est une frontière que l'on ne peut pas refranchir dans l'autre sens.
Hélène est aussi photographe à ses heures "perdues".
À ce doux mélange, Hélène a ajouté sa générosité, sa grandeur d'âme et son dévouement. Le résultat, c'est Souvenange, une association qui permet aux parents endeuillés qui le souhaitent de disposer de photographies de qualité professionnelle de leur enfant décédé, grâce à l'intervention d'Hélène, en partenariat officiel avec les trois maternités de sa ville.
Vous trouvez ça dérisoire, futile, morbide ? C'est que vous avez la chance de ne pas pouvoir comprendre.
C'est que vous n'avez jamais eu à vous demander si vous vouliez, si vous pouviez voir votre bébé décédé.
C'est que vous n'avez jamais regretté de ne pas avoir eu la force ou la possibilité de voir votre bébé décédé.
C'est que vous n'avez jamais regretté de ne pas avoir eu la présence d'esprit ou le courage de photographier votre bébé décédé.
C'est que vous n'avez jamais regretté que la seule trace concrète, réelle, tangible de votre bébé soit une photographie mal cadrée, avec une lumière ingrate, prise à la va-vite par une sage-femme mal à l'aise.
Un infini merci à Hélène, parce que je connais au plus profond de mon âme la valeur inestimable de sa démarche.
Aux États-Unis (et en Irlande depuis peu), c'est l'association Now I lay me down to sleep qui sert de relais entre la mort et la vie.
[MISE À JOUR DU 11 MAI 2018]
Trois ans après, l'association a bien grandi !
Nous sommes désormais plus de 160 bénévoles, dont plus de 150 photographes. Je dis "nous", car je suis aujourd'hui moi aussi bénévole (non photographe) dans cette association si essentielle à mes yeux.
Nous avons réalisé des centaines de retouches (gratuites) de photos existantes et des dizaines de séances en maternité.
Les conventions avec les établissements hospitaliers se multiplient, la popularité de l'association grandit auprès des parents et des soignants.
Nous avons un site Internet digne de ce nom : www.souvenange.fr.
Et... nous recherchons constamment de nouveaux photographes prêts à s'engager ! Alors n'hésitez pas à en parler autour de vous ! :-)
Donner la vie, le quotidien d'une maternité
Émission "C'est ma vie" diffusée sur M6
Date : 14 février 2015
Durée : 1h02
La maternité où l'émission a été tournée, c'est celle du CHU de Rouen, où j'ai accouché.
Le sage-femme qui est suivi, c'est Franck, qui a commencé l'accouchement d'Élise et Gaspard et terminé l'accouchement de Hector.
Préparatifs
Pour la sécurité sociale, le terme pour la naissance de Hector est prévu le 14 février. Pour beaucoup, c'est une bonne date - rapport à la Saint Valentin.
Premièrement, cette date ne veut rien dire pour mon mari et moi. Nous ne l'avons jamais fêtée, préférant célébrer nos anniversaires de rencontre et de mariage, bien plus significatifs.
Deuxièmement, je ne vois pas le rapport entre la Saint Valentin et la naissance prévue d'un enfant. Ah si, un enfant, c'est le fruit de l'amour de ses parents, tout ça, tout ça.
Pour l'hôpital où je suis suivie, le terme serait plutôt prévu le 10 février, c'est-à-dire dans un moins d'un mois. Le compte-à-rebours ayant commencé et une fausse alerte ayant retenti il y a quelques jours déjà, il est temps de poursuivre les préparatifs de l'arrivée de Hector.
Nous ne savons même pas encore comment nous allons faire, en termes d'organisation et d'aménagement des chambres, notamment par rapport au fait que Gaspard porte encore des couches et que notre commode à langer est dans la chambre de Hector. Mais il y a au moins deux choses que nous avons préparées : les premiers vêtements de Hector et la valise pour la maternité.
Les vêtements
Concrètement, ça a commencé samedi par du tri dans les vêtements de bébé. Heureusement que ma cousine, qui nous avait prêté des vêtements pour Gaspard, est elle aussi enceinte (de quelques semaines de moins que moi) : c'est ce qui m'a motivée à mettre de côté d'une part les vêtements à lui rendre, d'autre part les premiers vêtements que Hector portera.
J'ai voulu commencer ce tri alors que j'étais seule avec Gaspard. Vaquer à ses occupations tout en veillant sur un petit bout de presque 16 mois qui court partout n'est pas chose aisée, surtout à 8 mois de grossesse et quand lesdites occupations ne sont pas neutres émotionnellement.
Je n'en avais pas conscience (mais devais le savoir quand même, quelque part au fond de moi, vu le nombre de fois où j'ai reporté ce tri pourtant inévitable) mais m'occuper de ces vêtements a fait (re)surgir beaucoup d'émotions. De la nostalgie, des regrets, des fantasmes, de la joie, de l'impatience, de la peur.
Parce que la dernière fois que j'ai préparé ces mêmes vêtements, c'était pour Gaspard et Élise était encore là, encore vivante même. Quelle situation cruelle, quand j'y repense : préparer des vêtements pour son fils en faisant comme sa fille n'était pas là !
Parce que la dernière fois que j'ai préparé des vêtements de nouveau-né, j'aurais dû les préparer pour deux nouveaux-nés.
Parce que je suis heureuse de préparer ces vêtements pour Hector mais que tant qu'il ne sera pas là, dans mes bras, vivant, une alarme sera active dans ma tête.
Je n'arrivais pas à me concentrer, à m'organiser ; Gaspard m'énervait pour un oui ou pour un non ; les larmes coulaient. Mon mari est finalement rentré et s'est occupé de Gaspard pour me laisser souffler et terminer aussi tranquillement que possible.
Ces préparatifs, en apparence si banals et si joyeux, ne se sont pas faits sans mal.
Et dire qu'il faudra bientôt remettre ça, puisque je me suis pour l'instant contentée du minimum : mettre de côté les vêtements taille naissance et taille 1 mois.
La valise
Déjà avant la fausse alerte de fin décembre, mon mari et moi avions en tête qu'il ne faudrait pas tarder à préparer la fameuse "valise pour la maternité". Là encore, j'ai repoussé le moment fatidique, plus ou moins consciemment. Ce n'est que dimanche que je me suis décidée à rechercher, sur l'ordinateur, la liste que j'avais faite pour la naissance des grumeaux. Doutant de l'avoir conservée, je n'étais pas sûre de la retrouver. Finalement, elle m'attendait bien sagement. Et quelle ironie en voyant la date de dernier enregistrement de ladite liste : le 7 septembre 2013. Même si j'ai passé deux autres nuits chez moi entre ce 7 septembre et la naissance d'Élise et Gaspard, cette date marque pour moi le début de la fin de la grossesse des grumeaux.
Mon mari s'attend donc à ce que l'histoire se reproduise : le jour où j'aurai bouclé la valise pour Hector marquera la fin de cette grossesse. ;-) Et c'est justement aujourd'hui que je m'y attelle !
Là aussi, beaucoup d'émotions en passant en revue ce que nous avions prévu d'emporter pour Gaspard et Élise : la liste était tellement plus courte et plus lourde de sens d'un côté que de l'autre...
Une preuve de plus, pour ceux qui en auraient besoin, qu'apprendre à vivre avec l'absence de son enfant est un travail de tous les instants...
Fausse alerte
Malgré mon souhait, toute raison gardée, de voir Hector naître en 2014, il est désormais certain qu'il naîtra en 2015 puisque nous avons changé d'année il y a quelques jours et qu'il est toujours au chaud dans mon ventre ! J'y ai pourtant presque cru dans la nuit du dimanche 28 au lundi 29 décembre !...
L'avantage, c'est que cette solution nous a permis de passer du temps "près" d'Élise autour de Noël.
Tous les services... ou presque !
Depuis le début des essais bébés jusqu'à la naissance de mes grumeaux, et même si je me serais contentée de deux ou trois services, j'ai réussi à avoir le quinté du pavillon mère-enfant dans le désordre !
Au rez-de-chaussée :
- Consultations : fait
- Echographies : fait
- Urgences : fait
Au premier étage :
- Hospitalisation de jour : fait
- Grossesses pathologiques : fait
- Diagnostic anténatal : fait
- Assistance médicale à la procréation : fait
Au deuxième étage :
- Salles de naissance : fait
- Unité kangourou : fait
RDV avec le Pr Verspyck - Beaucoup de réponses
S'il n'a pas pu répondre à l'intégralité de nos questions - certains facteurs étant encore soumis à une évolution impossible à maîtriser ou à prévoir, le Pr Verspyck a aujourd'hui pu éclaircir dans une certaine mesure la situation que nous allons vivre dans les prochaines semaines.
Il n'est pour l'instant pas possible de prévoir précisément la date de l'ISG. Dans la mesure où le dernier examen obstétrical (réalisé - heureux concours de circonstances - quatre heures avant notre entretien avec le Pr Verspyck) est rassurant (pas de menace d'accouchement prématuré), le Pr Verspyck préfère temporiser au maximum dans l'intérêt de Gaspard. S'il avait évoqué au départ une ISG à partir de 34 SA, compte tenu de mon état physique, toute semaine ou même journée de plus au chaud est bonne à prendre pour le p'tit loup !
Le Pr Verspyck a donc proposé de m'hospitaliser dans une quinzaine de jours pour faire un point à la fois médical (examen clinique, bilan sanguin de référence, échographie) et psychologique. Ma sortie dépendra des résultats de ce bilan : s'ils jugent préférable de me garder pour une raison ou une autre (indication médicale de pratiquer l'ISG rapidement, fragilité psychologique), il se pourrait que je reste hospitalisée jusqu'à l'accouchement.
Si nous avons bien compris, je serai de toutes façons hospitalisée à compter de l'ISG, d'une part pour que Gaspard et moi soyons sous surveillance - cette intervention n'étant pas anodine sur le plan médical non plus, d'autre part parce que mon mari (et moi aussi, je dois bien l'admettre) ne souhaite pas que je reste seule à cogiter toute la journée avec Élise morte et Gaspard vivant dans mon ventre pendant qu'il sera au travail.
Le cerveau d'Élise sera peut-être un peu drainé lors de l'ISG. Ce sera probablement confirmé lors de la prochaine échographie que réalisera le Pr Verspyck.
Du prochain bilan dépendra peut-être aussi la décision de programmer et déclencher l'accouchement.
Le rendez-vous du 13 septembre avec l'anesthésiste tombe finalement à point nommé.
Il est encore trop tôt pour savoir si l'accouchement se fera par voie basse ou par césarienne ; les voies naturelles ne semblent pas encore exclues.
En cas d'accouchement par voie basse, mon mari pourra rester avec moi en salle d'accouchement.
En cas de césarienne, il n'est pas impossible qu'il puisse rester avec moi, compte tenu du contexte particulier. Bien sûr, en cas de complications (souffrance fœtale ou ralentissement du rythme cardiaque chez Gaspard ou urgence médicale pour moi par exemple), moins il y aura de monde dans le bloc opératoire, mieux ce sera et nous le comprenons parfaitement.
Le Pr Verspyck nous a confirmé que nous pourrions voir Élise entre l'accouchement et l'autopsie et que nous pourrions choisir l'accueil que nous voulons lui faire : passer quelques minutes ou plusieurs heures avec elle, simplement la regarder ou la toucher et la prendre dans nos bras, la voir seule ou avec son frère, prendre des photos, prendre ses empreintes.
A priori, les premiers prélèvements pour l'autopsie seront réalisés dès le lendemain de l'accouchement et ne dureront que quelques jours au plus.
Après l'autopsie, nous pourrons la revoir, elle sera "visible" ; le Pr Verspyck nous a confirmé qu'elle ne serait pas "un bébé en mille morceaux".
Si nous avons bien compris, Élise ne restera pas très longtemps à la morgue, ce qui veut dire que, si Gaspard doit séjourner en néonatalogie, nous ne pourrons pas l'emmener avec nous à l'enterrement de sa soeur. Nous ne tenons pas spécialement à ce qu'il y "assiste", nous souhaiterions simplement pouvoir passer quelques jours dans la maison de vacances de mes parents après l'enterrement pour souffler un peu mais, si Gaspard est encore à l'hôpital, il sera inenvisageable que nous restions ne serait-ce qu'une nuit loin de lui.