12 décembre 2015

Si nous avions pu...

Ce soir, au milieu d'une phrase anodine, Gaspard a capté le mot "réparer". Fidèle à sa réputation de pipelette, il s'est alors amusé avec.

"Réparer Gaspard moi !
Réparer Papa moi !
Réparer Hector moi !
Réparer Élise moi !"

- On ne peut pas réparer Élise, tu sais. Si nous avions pu, nous l'aurions fait...
- Veux réparer Élise moi.

Si nous avions pu...
Mais nous n'avons même pas essayé...


15 septembre 2015

Toute une histoire

Vendredi prochain, nous serons le 18 septembre.
Vendredi prochain sera diffusée, sur France 2, une nouvelle émission Toute une histoire consacrée aux interruptions médicales de grossesse. J'ai failli y participer mais n'ai finalement pas été "retenue".
Vendredi prochain, cela fera deux ans que nous avons arrêté le cœur d'Élise.

Jeudi prochain sera diffusée l'émission Toute une histoire où Emmanuel Moire parle du décès de son frère jumeau.

Et aujourd'hui était diffusée l'émission Toute une histoire mettant à l'honneur deux frères, dont l'un lourdement handicapé depuis la naissance.

 

Élise, je te capte bien en ce moment, la liaison doit être meilleure qu'à l'accoutumée...

Différente ?

Une petite fille.
Une mère.

Une autre petite fille.
Une autre mère.

Cette petite fille. Qui est lourdement handicapée. Qui ne peut ni parler ni marcher.
Cette mère. Qui tue sa fille.

Cette autre petite fille. Qui sera lourdement handicapée. Qui ne pourra ni parler ni marcher.
Cette autre mère. Qui tue sa fille.

Cette mère. Qui risque la réclusion criminelle à perpétuité.
Cette autre mère. Qui vit en toute impunité - si ce n'est les démons qui me rongent.

Quelle différence ?!

Réflexion

06 août 2014

Handicap

Je sais que je me lance sur un terrain plus que sensible mais cette nouvelle ne m'a pas laissée indifférente, je ne peux qu'en parler ici.
Parce qu'il est question de jumeaux - un garçon et une fille, qui plus est.
Parce qu'il est question de handicap.
Parce qu'il est question de handicap pour l'un de ces jumeaux.

Je parle de ce jumeau porteur de trisomie 21 et de sa jumelle "saine", portés et mis au monde par une mère porteuse thaïlandaise pour un couple australien, qui a récupéré la petite fille mais abandonné le petit garçon.
(Je ne mettrai pas de lien vers un quelconque article parlant de ce "fait divers" car tous les commentaires que j'ai lus ici ou là sur tel ou tel article traitant de ce sujet me débectent. J'imagine toutefois que vous avez entendu parler de cette histoire ou qu'à défaut vous saurez bien trouver sur Internet ou ailleurs de quoi il s'agit.)
Tout le monde condamne ce couple et leur décision, y compris en France - en France où il est légal de pratiquer une interruption médicale de grossesse à n'importe quel stade de la grossesse, en France où il est légal de pratiquer une interruption médicale de grossesse parce que le bébé est porteur de trisomie 21, en France où il est légal de pratiquer une interruption sélective de grossesse.

Réflexion

Je ne veux pas me lancer dans le débat sur la gestation pour autrui.
Je ne veux pas non plus me lancer dans le débat sur l'interruption médicale de grossesse pour cause de trisomie 21.
Je m'interroge simplement sur le sens de cette condamnation publique, alors que d'autres couples font exactement la même démarche : rejeter, par le biais d'une IMG ou d'une ISG, leur enfant handicapé (et je ne parle pas ici que de trisomie 21).
Pourquoi condamner ce couple et pas ces parents - dont je fais partie depuis bientôt 11 mois - qui font pourtant le même choix ?
Pourquoi ce bébé, à qui je ne souhaite évidemment aucun mal, a-t-il récolté autant de dons pour sa survie alors qu'ils sont des millions à travers le monde à lutter pour survivre ?

Il y a une logique qui m'échappe.
Cette situation m'interpelle autant que les réactions si radicales qu'elle suscite.

21 janvier 2014

Des mots qui résonnent

Beaucoup de choses que je lis ou entends résonnent en moi différemment maintenant.

 

Comme dans cette interview de Mélissa Theuriau à propos de sa participation à "Rendez-vous en terre inconnue" chez les Massaï :
Mon rapport à la collectivité a changé. Voir qu'ils ne peuvent pas être heureux si tout le monde n'est pas heureux, c'est une leçon de vie fabuleuse.
C'est un peu (beaucoup) comme ça dans notre famille proche...

Rendez-vous en terre inconnue - Mélissa Theuriau - Massaï

 

Comme dans cette interview d'Églantine Émeyé à propos du documentaire "Mon fils, un si long combat" qu'elle consacre à son fils handicapé et autiste :
Je comprends cette peur car le handicap est une inconnue pour beaucoup. Alors je me suis dit : "Montrons-le."
C'est un peu (beaucoup) ce que je me dis par rapport à Élise et au deuil périnatal à travers mon blog.

Églantine Émeyé - Mon fils, un si long combat

 

Comme ce descriptif d'un épisode de la série documentaire "Baby boom" :
FIV, grossesse tardive ou handicap à surmonter : qu'importe les obstacles ou les coups du sort, il y a des pères et des mères qui ont tout surmonté pour tenir dans les bras leur bébé.
Sauf que certains obstacles ou coups du sort restent insurmontables et que certains bébés ne seront jamais bercés par leurs parents...

Baby boom


28 juillet 2013

Choisir...

Décider à la place des autres est tellement facile...
Choisir est tellement simple quand on n'a pas à faire ce choix...

Accepter l'ISG semble nous entraîner sur un chemin plus "facile", plus bordé, plus balisé - un chemin avec une douleur que l'on peut partager, avec des mots que l'on peut partager, des sentiments que l'on peut exprimer, des soutiens que l'on peut rencontrer.

Refuser l'ISG nous emmène sur un chemin inconnu, mystérieux, rempli de (mauvaises) surprises, de doutes.

Comment choisir entre un chemin de souffrance - où l'on se demandera toujours "Et si ?" - et un chemin d'ignorance - où l'on sait que l'on souffrira quand même ?

Chemins

17 juillet 2013

Beaucoup de questions, quelques réponses

Suite à notre dernier rendez-vous avec le Professeur Marret avant notre semaine de répit, nous avions demandé à rencontrer à nouveau le Professeur Verspyck afin de discuter de l'interruption de grossesse, sans que cette demande d'entretien n'ait valeur de décision de notre part. Lors de notre rendez-vous d'hier, nous avons pu lui poser nos questions et obtenir quelques réponses.

Questions

Quand aura lieu l'IMG, dans notre cas ?
Comme le Professeur Marret nous l'a déjà expliqué et comme nous l'avons déjà bien compris : le plus tard possible, pour préserver Gaspard au maximum. Le Professeur Verspyck a été plutôt explicite concernant les risques liés à la prématurité, qu'avait évoqués le Professeur Marret : immaturité des organes, retard mental, retard moteur.
Cela veut dire que l'IMG puis l'accouchement auraient lieu, a priori, vers la deuxième quinzaine de septembre.

Si l'IMG est envisagée vers la mi-septembre, combien de temps avant devrons-nous communiquer notre décision ?
Quand nous le voudrons, quand nous serons prêts.

Combien de temps est-ce que je vais garder Élise morte dans mon ventre ?
Le Professeur Verspyck a parlé d'une quinzaine de jours entre l'IMG et l'accouchement mais nous n'avons pas bien compris pourquoi. À choisir, je préfèrerais que l'IMG et l'accouchement s'enchaînent le plus rapidement possible, quitte à retarder l'IMG.

Comment se passe l'IMG en elle-même ?
Comme pour une amniocentèse, ils introduisent une aiguille dans le ventre de la maman pour atteindre le bébé, lui injecter d'abord un produit anesthésiant puis un produit destiné à arrêter son cœur.
Lors de l'amniocentèse, j'avais réussi à rester calme et immobile mais je ne sais pas si je serai aussi forte pour un tel geste...

Est-ce que le papa pourra être présent à mes côtés lors de l'IMG ?
Le Professeur Verspyck nous a assuré que oui, ce qui nous a rassurés, la présence du papa n'étant pas possible dans certains hôpitaux, d'après les témoignages que j'ai déjà lus.

Est-ce que nous pourrons voir notre fille après l'accouchement ?
Le Professeur Verspyck nous l'a confirmé, précisant même qu'ils conseillaient aux parents de voir leur enfant, pour l'accueillir en tant qu'enfant et pour faciliter (si tant est que cela soit possible) le travail de deuil.

Est-ce qu'Élise sera autopsiée ?
Ils le proposent, c'est aux parents d'accepter ou non.
Nous savons déjà que nous souhaitons cette autopsie.
D'abord pour Élise et pour nous : pour essayer de déterminer ce qu'elle a et éventuellement écarter tout risque, s'il existe et s'il est décelable, de récidive lors d'une prochaine grossesse.
Ensuite pour les autres : pour qu'Élise puisse aider, dans une infime mesure, la recherche.

Est-ce que nous pourrons passer une échographie 3D avant l'accouchement pour nous préparer à l'apparence physique d'Élise ?
Le Professeur Verspyck n'a répondu ni par la négative ni par l'affirmative (comme à son habitude) mais nous avons bien compris qu'il n'y voyait pas forcément d'intérêt. Selon lui, même en cas d'anomalies physiques aussi marquées et visibles que celle(s) d'Élise, les parents ne sont pas traumatisés par l'apparence de leur enfant.

Est-ce que l'on peut déjà savoir quel bébé viendra en premier ?
Il est trop tôt pour le savoir.

Est-ce que l'on peut déjà savoir si l'accouchement se fera par voie basse ou par césarienne ?
Là encore, il est trop tôt pour le savoir.
Sans le dire explicitement, le Professeur Verspyck nous a fait comprendre qu'une des indications possibles de la césarienne serait que la dilatation ventriculaire d'Élise évolue à un point tel que sa tête ne passerait pas par voie basse, pour parler trivialement.

 

Au cours de l'entretien, j'ai exprimé à voix haute une réflexion que mon mari et moi nous faisons depuis le début et depuis qu'ils nous disent qu'ils ne savent pas (et ne sauront probablement pas avant l'accouchement, si tant est qu'ils parviennent à savoir un jour) de quoi souffre Élise : si les médecins étaient capables de nous dire "il s'agit de telle pathologie, avec telles difficultés et tels handicaps attendus", ce serait "plus facile" puisqu'il nous "suffirait" alors de décider si nous sommes capables d'assumer la situation exposée, alors que les incertitudes qui entourent sa pathologie et les difficultés et handicaps à venir nous conduisent à considérer la situation comme un pari. C'est alors que le Professeur Verspyck a rectifié les choses : pour lui, il est certain qu'Élise souffrira d'un handicap impossible à évaluer précisément certes mais qui sera au mieux modéré, au pire sévère, qu'elle ne pourra probablement pas suivre une scolarité classique même en maternelle, qu'elle sera incapable de marcher. Je crois que je n'avais pas encore pris (ou pas encore voulu prendre) conscience de la gravité du handicap dont elle pourrait être atteinte. Sans se transformer en déclic, ses propos m'ont fait un électrochoc.

Au détour de ces questions, le Professeur Verspyck nous a informés que l'étude pangénomique qui avait été lancée 3 semaines plus tôt n'avait rien donné : aucune anomalie n'a été détectée, suite au "zoom" sur les chromosomes d'Élise. Cela ne veut pas dire que l'origine génétique ou chromosomique des malformations d'Élise est définitivement écartée ; cela veut simplement dire qu'ils n'ont rien trouvé, en l'état actuel de leurs recherches et possibilités. Peut-être que l'autopsie permettra de rechercher ailleurs ou autrement et d'identifier quelque chose.

Le Professeur Verspyck nous a par ailleurs rappelé que, si nous sollicitions l'interruption de la grossesse d'Élise, notre demande serait acceptée. En effet, ce n'est pas aux médecins de proposer l'IMG mais aux parents d'en faire la demande - demande qui doit ensuite être examinée et acceptée ou refusée par un centre de diagnostic prénatal pluridisciplinaire, structure qui existe au sein de l'hôpital où nous sommes suivis.

19 juin 2013

Même si...

Même si l'histoire se terminait bien, je sais que ne serai - et ne suis déjà - plus la même. Parce que chaque grossesse s'accompagne forcément de doutes, d'espoirs et de craintes mais que rares sont les parents (et tant mieux pour les autres) qui ont à affronter de telles angoisses, de telles incertitudes, de telles questions...

Sans rien me reprocher et tout en comprenant que chacun de nous deux gère cette grossesse comme il le peut, mon mari trouve qu'il est un peu tôt pour publier autant de vidéos sur la vie qu'Élise aura peut-être, sur l'éventuelle décision que nous aurons à prendre concernant Élise, sur l'épreuve qui nous attend peut-être, mais au fond de moi, je sais que, quelle que soit l'issue, cette expérience m'aura marquée et restera au mieux une épreuve difficile, au pire une douleur insurmontable. Rien que parce que nous aurons eu à nous poser ces questions, tout cela fait désormais partie de moi, de mon histoire, de notre histoire, de l'histoire de notre famille, quoi qu'il arrive. Et pour cette raison, je pense avoir la légitimité nécessaire pour en parler.

 

Je ne sais pas si les quelques phrases qui suivent m'auraient autant interpellée il y a quelques semaines, peut-être suis-je en train de devenir aigrie, intolérante, égocentrique... Il faut dire que, depuis quelque temps, tout est remis en perspective. Même si je n'étais probablement déjà pas du genre insouciante et inconséquente, mes priorités et mes préoccupations ont changé et peut-être que mon capital "empathie pour les petits bobos et autres futilités" en a pris un coup. Mea culpa.

Dans un reportage sur les rencontres sur Internet : "Je cherche quelqu'un de beau."
Ah oui, c'est vrai, les gens beaux valent plus que les autres...

Sur un forum sur Internet : "Je veux accoucher en clinique pour être sûre d'avoir une chambre toute seule."
Ah oui, c'est vrai, le confort de quelques jours prime sur la santé et la sécurité de son enfant...

Un commentaire sur la photo de la fille d'une amie Facebook : "Toute mimi. Tu dois être sacrement fière d'avoir une si jolie petite poupée."
J'avais oublié qu'on ne peut pas être fier de ses enfants s'ils ne sont pas beaux...

Toujours sur un forum sur Internet : "Je ne veux pas une dizaine d'internes autour de moi quand je serai à la maternité."
Sauf que sans les internes d'aujourd'hui, pas de médecins de demain...

Réflexion

15 juin 2013

Qu'est-ce que le handicap ?

Vidéo
Débat diffusé sur Public Sénat
Date : 8 juin 2013
Durée : 44 mn
Même s'il est encore trop tôt pour savoir si nous serons directement confrontés au handicap, je ne peux m'empêcher de me sentir désormais concernée, quel que soit le diagnostic pour Élise.

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Adapté(s)

Vidéo

Documentaire diffusé sur Public Sénat
Date : 8 juin 2013
Durée : 53 mn

Même s'il est encore trop tôt pour savoir si nous serons directement confrontés au handicap, je ne peux m'empêcher de me sentir désormais concernée, quel que soit le diagnostic pour Élise.

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