24 mai
Aujourd'hui, nous sommes le 23 mai.
Il y a 8 mois, c'était presque la première fois que nous voyions ton visage, que nous prenions ta main, que nous t'embrassions. Et pourtant c'était aussi et surtout la dernière fois.
Demain, nous serons le 24 mai.
Il y a un an, j'avais passé une belle après-midi avec des amis venus égayer mes journées en solitaire.
Nous nous étions amusés de mon statut temporaire de "personne à mobilité réduite", en raison de l'hématome qui m'obligeait à limiter mes déplacements.
Nous avions parlé des sexes qui devaient rester secrets jusqu'à la naissance.
Nous avions évoqué les trois couples de prénoms que nous avions choisis.
Il y a un an, mon mari et moi étions sur le point de découvrir que la vie peut se comporter en traîtresse.
Il y a un an, mon mari et moi étions sur le point de recevoir un message de ces amis désireux, en toute bienveillance et en toute innocence, de savoir si mon statut de PMR était prolongé ou non.
Il y a un an, mon mari et moi étions sur le point d'apprendre les sexes de nos jumeaux de façon un peu fortuite.
Il y a un an, mon mari et moi étions sur le point de commencer à appeler, un peu plus tôt que prévu, nos jumeaux par leurs prénoms.
Il y a un an, notre vie a commencé à basculer. Lentement, progressivement, inexorablement.
Ce 24 mai 2013, la plus grosse inquiétude que nous a laissée l'échographie était liée à la fente labio-palatine d'Élise.
C'était l'anomalie la plus visible.
C'était l'anomalie la plus grave.
C'était l'anomalie qui avait bien voulu dire son nom immédiatement.
C'était l'anomalie définitive, celle qui ne pourrait de toutes façons pas disparaître d'elle-même in utero.
C'était l'anomalie qu'il faudrait traiter et opérer dès les premiers mois de vie d'Élise.
C'était l'anomalie qui nous "parlait" le plus, à nous, les profanes.
C'était l'anomalie qui nous laissait entrevoir que nous avions des moyens d'action.
C'était l'anomalie qui ne nous interdisait pas de nous projeter.
Ce 24 mai 2013, nous avons occulté la deuxième anomalie d'Élise : la dilatation des ventricules de son cerveau.
C'était l'anomalie la moins visible.
C'était l'anomalie la moins grave.
C'était l'anomalie qui pouvait n'être qu'une fausse alerte, celle qui pouvait stagner, voire régresser ou même se résorber d'elle-même in utero.
C'était aussi l'anomalie qui faisait peur, celle-dont-il-ne-fallait-pas-prononcer-le-nom.
C'était surtout l'anomalie qui pouvait faire basculer notre vie.
Le vendredi, c'est neuro-pédiatrie - Épisode 1
Vendredi, nous avons rencontré un autre Professeur du CHU, spécialiste en neuro-pédiatrie, suite à notre rendez-vous avec la généticienne et à la troisième présentation de notre dossier lors du staff du lundi.
La situation est aussi simple à décrire qu'elle est complexe à vivre : les médecins ne savent quasiment rien de l'état d'Élise.
- Ils savent qu'elle a une fente labio-palatine bilatérale et une dilatation ventriculaire cérébrale bilatérale sévère et évolutive.
- Ils savent que chacune de ces anomalies se présente dans une forme grave en soi et que l'association des deux est d'autant plus inquiétante.
- Ils ne savent pas quelle pathologie se cache derrière ces deux malformations.
- Ils ne savent pas si les examens génétiques en cours permettront d'identifier sa pathologie mais ils savent qu'il est possible qu'elle ne soit pas identifiée, ce qui empêcherait de préciser le diagnostic et le pronostic.
- Ils ne savent pas si sa pathologie induira un retard mental et intellectuel mais ils savent que ce risque existe.
- Ils ne savent pas quel sera le degré de son retard mental et intellectuel, le cas échéant.
La prochaine échographie permettra de savoir si la dilatation s'est résorbée (on ne sait jamais...), s'est stabilisée (ce serait déjà ça) ou a continué à évoluer. Dans ce dernier cas, cette dilatation entraînerait une hydrocéphalie, c'est-à-dire une quantité trop importante de liquide céphalo-rachidien dans le cerveau, non par excès de production mais par défaut de circulation/d'absorption. La pose d'une dérivation serait alors envisageable, après la naissance évidemment, sans que cette intervention ne garantisse pour autant une évolution favorable de l'état d'Élise.
Et c'est avec ces informations que nous devrons décider de garder Élise ou non car, sans être annoncée clairement comme possible, peut-être par précaution psychologique à notre égard ou par prudence médicale, l'interruption sélective de grossesse revient de plus en plus souvent dans la bouche des médecins. L'équation est relativement simple :
- Si nous gardons Élise, il faudra provoquer l'accouchement aux alentours de 34 SA (c'est-à-dire vers début/mi-septembre), avec tous les risques de prématurité à la fois pour Élise et Gaspard, pour pouvoir intervenir le plus tôt possible sur le cerveau d'Élise.
- Si nous ne gardons pas Élise, il faudra faire cesser son cœur dans mon ventre pour laisser Gaspard venir de lui-même afin de lui faire courir le moins de risques possible, puisque le destin de sa sœur sera de toutes façons déjà scellé.
Programme de la semaine à venir :
- mardi : consultation avec la gynécologue qui nous suit et qui, d'après le neuro-pédiatre, nous expliquera les modalités de l'interruption de grossesse, juste pour notre information et sans que ces explications impliquent d'ores et déjà un début de décision de notre part,
- mercredi : échographie (la neuvième !) avec la spécialiste en imagerie pédiatrique et fœtale qui a découvert les problèmes d'Élise et qui devrait désormais nous faire passer toutes les échographies d'ici la fin de la grossesse,
- vendredi : nouvelle consultation avec le neuro-pédiatre pour discuter de l'échographie de mercredi.
Autre non-information issue de notre rendez-vous avec le neuro-pédiatre : il n'est pas exclu, sans qu'il puisse le confirmer ou l'infirmer avec certitude, que mon décollement du début (qui était localisé du côté d'Élise) ait un rapport avec les anomalies détectées chez elle. Peut-être que ce décollement était en fait une menace de fausse couche qui, à défaut de se concrétiser, a eu des répercussions sur son développement...
Des questions inutiles...
C'est la sage-femme qui nous a fait passer la première échographie "classique" du 12 avril qui nous a pris rendez-vous pour la fameuse échographie dans le service d'imagerie pédiatrique du CHU que nous avons passée le 24 mai et au cours de laquelle les problèmes d'Élise ont été détectés.
Pourquoi avons-nous atterri là-bas ? Nous ne le savons pas vraiment. Nous avions compris au départ que cette échographie intermédiaire se justifiait par rapport à la fois au caractère gémellaire de la grossesse et à l'hématome qui m'embêtait depuis le début mais, avec le recul, nous nous demandons si la sage-femme n'avait pas suspecté quelque chose dont elle ne nous aurait pas parlé, même si le compte-rendu de cette échographie ne mentionne rien de particulier.
De toutes façons, si elle avait effectivement suspecté quelque chose, qu'est-ce ça nous aurait apporté de le savoir avant l'échographie du 24 mai, à part un mois et demi de plus à angoisser, extrapoler, supposer, fantasmer, imaginer ?
Si nous n'avions pas passé l'échographie du 24 mai, qu'est-ce que ça aurait changé de découvrir les problèmes d'Élise à la prochaine échographie "classique" prévue début juillet ?
Est-ce que ces 6 semaines entre fin mai et début juillet auraient été 6 semaines supplémentaires de "répit" ou 6 semaines de moins pour intégrer la nouvelle, passer d'autres examens, rencontrer des spécialistes, entamer notre cheminement, essayer de nous préparer ?
Est-ce que le décollement placentaire, l'hématome et les saignements du début ont quelque chose à voir avec les problèmes d'Élise ?
De toutes façons, qu'est-ce que ça nous apporterait d'avoir la réponse à cette question ?
Première rencontre...
Aujourd'hui, nous avons passé la première "vraie" échographie et... tout va bien ! :-)
Moi qui suis une grosse dormeuse, j'ai très mal dormi et me suis réveillée à 5h du matin : étonnant, non ? ;-)
Au-delà de toutes les inquiétudes de malformations et autres anomalies qui peuvent accompagner une grossesse, ma principale angoisse était de savoir s'ils étaient encore là tous les deux et s'ils étaient encore en vie. J'ai donc pu me détendre dès le début de l'échographie, lorsque l'échographiste a confirmé ces deux points.
L'examen s'est ensuite déroulé normalement et l'échographiste a pu prendre quasiment toutes les mesures qu'elle souhaitait, au gré des mouvements des bébés ! Le premier qu'elle a examiné s'est plutôt laissé faire mais le deuxième s'est montré plus récalcitrant. A sa décharge, c'est dans sa "poche" que se trouve l'hématome - toujours présent et de taille sensiblement identique : on comprend donc qu'il soit moins à son aise et donc moins coopératif !
L'échographiste, très agréable au demeurant, ne disposait pas de l'historique des précédentes échographies (il suffisait pourtant de descendre le dossier du premier étage, celui de la PMA, au rez-de-chaussée, consacré à la gynécologie !) et n'a donc pu comparer l'aspect de l'hématome : elle n'a donc rien pu faire d'autre qu'espérer que, en dépit de la taille plutôt stable depuis la dernière échographie réalisée il y a quelques semaines, l'hématome soit en train de cicatriser. Réponse au prochain épisode !
En attendant, qu'il soit en train de cicatriser ou non, l'hématome est toujours présent et signifie donc que mon arrêt est prolongé jusqu'à la prochaine échographie prévue fin mai.
Les montagnes russes - Episode 5
L'échographie d'aujourd'hui, réalisée par l'interne dont nous avions apprécié le professionnalisme et la sérénité la semaine dernière, a tout confirmé : les deux embryons vont toujours bien et l'hématome est toujours là mais n'a pas grossi - c'est déjà ça.
L'hématome n'ayant pas disparu et la première échographie "officielle" (les 4 que nous venons de passer n'étaient que du "bonus" !) étant prévue le vendredi 12 avril, mon arrêt est prolongé jusqu'à cette date, où nous verrons alors si ce fichu hématome a évolué.
Nous allons pouvoir souffler (un peu), croiser les doigts (beaucoup) et, en ce qui me concerne, me reposer... encore plus, puisque c'est le seul facteur de réussite de la grossesse qui dépende de moi, les autres n'étant malheureusement pas entre mes mains.
Les montagnes russes - Episode 4
Mon arrêt de travail s'arrêtait vendredi soir et je n'avais plus que des pertes marron "normales". J'ai donc repris le travail hier matin. Cette absence impromptue de deux semaines a suscité quelques questions chez mes collègues, mais il est bien trop tôt pour en expliquer l'origine, même lorsque la grossesse se déroule sans heurts et a fortiori quand elle semble si fragile...
Hier soir, j'ai de nouveau eu des saignements rouges abondants. La conséquence de mon retour au travail (qui est pourtant loin d'être physique ou pénible) ? En tout cas, notre première expérience d'il y a deux semaines nous a appris qu'il pouvait ne pas s'agir d'une fausse couche, nous nous sommes donc efforcés de garder la tête froide en attendant l'échographie de ce matin.
Une étudiante sage-femme épaulée d'une interne plus expérimentée m'examinent. L'hématome est toujours là et a même sensiblement grossi. L'interne nous soulage alors autant qu'elle nous surprend : "le premier va bien... et le deuxième aussi". Mon mari et moi échangeons des regards interloqués, pas encore prêts à nous réjouir, encore refroidis par la mauvaise nouvelle de la semaine dernière censée rendre impossible l'annonce qu'elle vient de nous faire. Nous lui demandons confirmation en lui expliquant en deux mots les raisons de notre surprise : elle nous réaffirme, sûre d'elle, qu'il y en a bien deux et nous les montre, chacun leur tour. A vrai dire, de moi-même je n'aurais pas su distinguer qu'il s'agissait de deux embryons différents mais elle nous inspire confiance et semble si sûre d'elle et si sereine que nous décidons de la croire.
L'interne nous accompagne dans le bureau de la sage-femme qui nous suit et lui confirme la double bonne nouvelle, en précisant qu'une nouvelle échographie de contrôle s'impose, en raison de la persistance de l'hématome, la semaine prochaine, ce qui lui donnera l'occasion de prendre un cliché bichorionique. Traduction : une image sur laquelle on verra bien les deux embryons.
Cette fois, nous quittons le CHU pas complètement rassurés mais le coeur un peu plus léger, en attendant la prochaine échographie, et avec, pour moi, un nouvel arrêt jusqu'au 21 mars, puisque l'hématome fait toujours des siennes.
Les montagnes russes - Episode 3
Comme prévu, nous retournons aux urgences gynécologiques ce lundi matin, la boule au ventre, les saignements ayant persisté quelques jours...
Nous voyons une autre interne qui nous affirme qu'il n'y a qu'un seul embryon, dont elle nous fait même percevoir les battements du coeur. Elle ignore s'il y en a eu deux à un moment donné ou si le deuxième embryon suspecté la semaine dernière par sa collègue n'était en réalité que l'hématome. Il semble en tout cas qu'il n'y ait pas de fausse couche en cours ou passée et que les saignements soient effectivement dus à l'hématome.
Nous quittons donc l'hôpital à la fois soulagés et déçus. Soulagés car tout n'est pas perdu ; déçus car l'idée d'avoir des jumeaux nous réjouissait. Mon mari semble mieux passer ce cap, tandis que je ressens le besoin de "faire le deuil" de ce qui n'était encore (peut-être, qui plus est) qu'un embryon. Il me faut digérer la nouvelle : même si le deuxième embryon n'était qu'une erreur d'interprétation de l'échographie de la semaine dernière, il a existé dans ma tête et dans mon coeur pendant quelques jours.
Prochaine étape dans la construction fragile de cette grossesse : une nouvelle échographie prévue dans 8 jours, planifiée dès le résultat positif du test grossesse puisqu'il s'agit d'une FIV et qui tombe donc à point nommé !
Les montagnes russes - Episode 2
Je me rends à mon travail quand même et appelle la PMA, juste avant de m'installer à mon poste. La sage-femme que j'ai au téléphone ne cache pas sa crainte sérieuse de la fausse couche et m'oriente vers les urgences gynécologiques du CHU, où nous sommes suivis en temps normal, pour s'assurer que j'ai bien tout évacué...
Mon mari me rejoint sur place, l'interne qui m'examine nous apprend ce qui pourrait être une bonne nouvelle sans pouvoir écarter la mauvaise nouvelle tant redoutée. Alors qu'elle voit deux poches embryonnaires, ce qui veut dire qu'il s'agi(rai)t de jumeaux, et qu'elle nous confirme la présence du premier embryon, sans pouvoir affirmer s'il est toujours vivant, la grossesse est encore trop peu avancée pour qu'elle puisse confirmer la présence du deuxième embryon. Elle voit également un hématome d'environ 5 cm, qui pourrait être à l'origine des saignements, mais ne peut exclure définitivement la fausse couche...
Par précaution, le seul remède contre l'hématome étant le repos, on m'arrête jusqu'à la fin de semaine prochaine... précisément pendant les congés de ma responsable (nous ne sommes que 2 dans mon service). Après un passage éclair au bureau pour assurer, tant bien que mal, la passation d'informations à une autre collègue en attendant le retour de ma responsable, je rentre chez moi, le coeur partagé entre espoir et angoisse, dans l'attente de la prochaine échographie prévue lundi prochain pour laisser le temps à la grossesse d'évoluer un peu - si grossesse il y a toujours - et ainsi donner des images plus fiables.
Les montagnes russes - Episode 1
Après quelques pertes marron considérées comme normales par l'équipe de PMA qui me suit et par toutes les références que j'ai pu consultées sur Internet, j'ai eu des pertes rouges très abondantes, autant que mes règles, et aucun des sites (que je consulte parmi les plus sérieux, j'espère) n'est rassurant sur leur origine et leurs conséquences... La journée se poursuit entre pleurs et angoisse de la fausse couche, loin de Marc Lavoine, au concert duquel je devais assister à l'Olympia avec ma mère.
Nous ne sommes pas du genre à nous précipiter aux urgences au moindre bobo alors j'attends demain matin pour appeler la PMA.