03 janvier 2014

Il y a...

Dans sa boîte à souvenirs, sur un morceau du même tissu qui a servi à l'étagère de Gaspard, il y a...

  • une photo d'elle avec la grenouille que ma maman lui a tricotée et les chaussons que je lui avais tricotés
  • un doudou-ours brodé à son prénom et offert par des amis de mes beaux-parents
  • un doudou-lapin brodé à son prénom et sa date de naissance offert par le parrain de mon mari et son épouse
  • un kaléidoscope rempli d'étoiles offert par la cousine de mon mari et son époux
  • le papillon décoratif qu'il y avait parmi les premières fleurs posées sur sa tombe
  • le petit écriteau décoratif avec son prénom qu'il y avait parmi les premières fleurs posées sur sa tombe
  • le double de son bracelet de naissance
  • la même étoile que nous avons posée tout en haut de notre sapin de Noël et que nous avons offerte à nos parents, frères et belle-sœur pour leurs sapins de Noël
  • une branche de bruyère et un caillou de la première composition florale que nous lui avons déposée
  • l'enveloppe avec ses empreintes prises peu après sa naissance
  • l'album Starmyname à son prénom - le même que son frère
  • les cartes qui lui sont adressées : mon frère et ma belle-sœur, une amie de mes beaux-parents, une amie et son époux, le cousin de ma mère, son épouse et sa fille
  • un exemplaire du faire-part
  • le journal municipal de notre ville où elle et son frère figurent dans la rubrique Naissances
  • le body que la tante de mon mari avait acheté pour elle avant que l'on ne sache qu'elle ne viendrait pas au monde vivante
  • la pochette dans laquelle se trouvait le bracelet-étoile que mon mari m'a offert à Noël "au nom d'Élise"
  • la boule à neige-ange que des amis nous ont offerte
  • une rose séchée du jour de son enterrement
  • le coffret des pompes funèbres avec ce qui me relie au jour de son enterrement, ce 23 septembre : les cartes qui accompagnaient les fleurs, mon autorisation de sortie provisoire de l'hôpital, les tickets de péage, le texte qui a été lu
  • ses petites Converse - les mêmes que son frère
  • le courrier que nous avons reçu de la part du PDG de l'entreprise de mon mari et qui mentionne aussi bien Élise que Gaspard
  • le DVD des photos d'Élise en salle de naissance
  • le sac plastique rayé blanc et bleu dans lequel sa grenouille a patienté cet été en attendant de la rejoindre et que je n'ai pu me résoudre à jeter
  • le double des vêtements qu'elle porte : un body blanc, une robe gris clair avec de petites étoiles blanches brodées, une culotte assortie à sa robe, des soquettes blanches, les chaussons roses apportés par ses grands-parents paternels et le bonnet rose tricoté par sa grand-mère maternelle
  • le bonnet rayé blanc et gris tricoté par ma mère, qu'elle portait à sa naissance, qu'elle portait lors de l'autopsie, qui porte des traces de son sang et que je ne laverai jamais

Et toute ma vie je continuerai à remplir sa boîte, avec tout ce qui me fera penser à elle...

boîte à souvenirs


01 janvier 2014

Pour 2014...

... je fais le vœu que ta tombe soit toujours aussi fleurie...

Tombe 20131229

Posté par Tannabelle à 00:01 - - Commentaires [0] - Permalien [#]
Tags : , , , ,

28 novembre 2013

Retour en arrière - Épisode 7 - Une journée belle à pleurer

Dernier billet de retour en arrière pour clôturer cette drôle d'aventure, qui continue... différemment...

Comme mon mari et moi ne sommes Normands que d'adoption et que nous avons l'intention de remonter dans le Nord-Pas-de-Calais d'ici quelques années, nous avons décidé d'y enterrer Élise, pour qu'elle soit chez nous et que nous n'ayons pas à la faire exhumer quand nous déménagerons.
Nous avons choisi un lieu symbolique pour nous - celui où nous nous sommes rencontrés - et facile d'accès à la fois pour nous, pour ses grands-parents et pour ses oncles et tante.

Depuis l'accouchement, Élise reposait à la chambre mortuaire de l'hôpital. Pendant ces quelques jours, nous avons pu y aller aussi souvent que nous l'avons souhaité ; nous avons pu la toucher, la caresser, l'embrasser, la regarder, la prendre en photo. Mais, à chaque fois, nous avons dû limiter notre visite à quelques minutes car la trivialité de la réalité s'imposait rapidement à nous : de la condensation apparaissait sur sa peau, son visage, ses lèvres. Une façon cruelle de nous rappeler qu'elle n'était pas simplement endormie mais que, lorsque nous n'étions pas à ses côtés, elle reposait dans un frigo...

Ce lundi 23 septembre est la dernière fois où nous l'avons vue et prise en photo. Détail aussi précieux qu'insignifiant : j'ai une photo de ses cheveux aussi foncés que les miens, alors que son frère a les cheveux clairs du papa.
Ce lundi 23 septembre est la dernière fois où j'ai pu la regarder, la toucher, la caresser, poser ma main sur la sienne et lui dire que je l'aime en la regardant...

Elle était belle, elle portait un body blanc, une robe gris clair avec de petites étoiles blanches brodées, une culotte assortie à sa robe, des soquettes blanches, les chaussons roses apportés par ses grands-parents paternels et le bonnet rose tricoté par sa grand-mère maternelle. Elle était accompagnée par sa grenouille et les chaussons que je lui avais tricotés. Son bracelet de naissance était posé à côté d'elle (d'ailleurs, si nous avions su qu'ils le lui retireraient du poignet, nous aurions emporté son bracelet pour le remplacer par le double que Franck nous avait préparé). Mon mari aurait voulu déposer une photo de Gaspard à côté d'elle mais nous n'en avons pas eu la présence d'esprit suffisamment tôt.

L'officier des pompes funèbres est arrivé du Pas-de-Calais en début de matinée. La mise en bière a eu lieu à 11h15. Mon mari et moi avons pu assister à la fermeture du cercueil - un joli cercueil blanc, minuscule, avec son prénom et son nom et un petit nounours doré. Nous ignorions ce dernier détail mais nous l'avons préféré à un ange, une symbolique souvent associée aux bébés décédés mais qui ne nous parle pas vraiment.

Les scellés ont été posés à 11h30. Nous avons pris la route vers le Pas-de-Calais à 11h45. Nous avons suivi le corbillard toute la route. Arrivés à destination, nous avons laissé les pompes funèbres préparer l'inhumation loin de nos regards. Nous nous sommes retrouvés avec mes parents, mon frère et ma belle-soeur, les parents et le frère de mon mari pour déjeuner tous ensemble avant de retourner au cimetière à 15h30. Nous n'avions pas prévenu grand-monde que l'enterrement se déroulait ce jour-là mais Élise a quand même reçu des fleurs : ses grands-parents, nos amis proches, les parents d'une amie proche eux-mêmes touchés par la perte d'un bébé, les collègues de sa grand-mère maternelle, son arrière-grand-mère paternelle, mon oncle et sa famille, les oncles/tantes/cousines de mon mari. Parmi ces personnes, la plupart n'ont connu et ne connaîtront Élise qu'à travers nous, et pourtant...

Le soleil brillait de mille feux ; nous l'avons interprété comme la présence de son frère. Nous n'avions pas su choisir de texte, c'est donc l'officier des pompes funèbres qui en a choisi un pour nous, qu'il a lui-même lu sur une musique que mon mari et moi avions choisie, l'Adagio pour cordes de Samuel Barber.

Me glissant au creux du ventre de celle qui m'a tant desirée
Je ressens déjà son amour, le bonheur que je lui ai procuré

J'entends son coeur qui bat, cette douce mélodie qui me berce
Je sens la chaleur de ses mains, la douceur de ses caresses

Elle me parle, me dit combien elle m'aime
Moi aussi, Maman, tu ne peux imaginer à quel point je t'aime

Me voilà simplement qu'un infime petit être
Un petit être qui grandit de jour en jour et qui n'attend qu'à naître

Mais que se passe-t-il ? Que m'arrive-t-il ?
Moi qui étais tellement bien, en sécurité, enveloppée

Pourquoi me retire-t-on de ce nid qui m'était offert ?
Pourquoi m'enlève-t-on la chance de vivre sur cette terre ?

Je ne sais pas où je me dirige, où je m'en vais
Je ne comprends ce qui m'arrive, ce que j'ai fait

Maman, je voulais tellement vivre et dans tes bras me retrouver
Je ne t'ai que trop peu connue mais tellement aimée

Défilant devant la lune et les étoiles, je survole maintenant cette terre
Côtoyant les nuages, je suis un petit ange dans cet immence univers

Regrettant de tout cœur le malheur que vit ma mère 
Je ne cesse d'entendre sa voix qui m'appelle et qui m'espère

Arrêtant devant ma maison, je regarde à la fenêtre
C'est elle, qu'elle est belle, qu'elle est douce, elle était parfaite

Je l'entends qui m'appelle, je ressens tellement son amour maternel
J'entends ses prières, je l'entends supplier le ciel

Maman, j'aimerais terriblement mettre un baume sur ton cœur
Le soulager car il est tellement meurtri par la douleur

Je désirerais sécher tes larmes et ne pas t'incomber ce malheur
Revoir seulement ton sourire, celui qui était rempli de bonheur

Je ne suis qu'un ange qui a seulement envie de se retrouver
Dans les bras de celle qui lui était destinée

Mais la vie, contre mon gré, en a décidé autrement
N'oublie jamais à quel point je t'ai aimée, Maman

Je serai toujours là et toujours je veillerai sur toi
Ne t'en fais pas, je suis bien, ne pleure pas

Au fil des jours, je serai à tes côtés je t'épaulerai
Car n'oublie pas, Maman, un jour je te retrouverai

En substance, c'est ce moment que nous avons vécu, devant le cercueil de notre fille, prêt à être déposé au fond de son caveau :

 Nous nous sommes ensuite recueillis devant son cercueil, avec mon mari. Puis ce fut au tour de nos frères et belle-soeur. Enfin, ce sont les quatre grands-parents, se tenant par la main, qui ont pris quelques instants pour lui dire adieu. L'officier a ensuite proposé à mon mari de l'aider à porter son cercueil jusqu'à la tombe : j'ai porté ma fille dans mon ventre, mon mari l'a portée dans son cercueil... Tous ces moments se sont déroulés avec, pour fond sonore, la chanson Sois tranquille d'Emmanuel Moire, que nous avions également choisie :

Avant de lui dire adieu, je lui ai promis de parler d'elle à son frère, de la faire vivre à travers nous. Elle fait partie de notre famille, de notre histoire, de nous. Je n'oublierai jamais le moment où je l'ai vue pour la première fois, où je l'ai mise au monde...

 

Aujourd'hui, je revois sans cesse cette image : son tout petit cercueil reposant au fond de ce si grand caveau... Et j'imagine ma fille toute seule, loin de nous, dans le froid, dans le noir... et mon coeur se brise en mille morceaux à chaque fois...