Endométriose : cette maladie dont les femmes ne parlent pas
Émission "Toute une histoire" diffusée sur France 2
Date : 8 septembre 2015
Durée : 1h00
Entre déception et raison
N'ayant pas encore eu de nouvelles suite à mon inscription au don d'ovocytes en ligne mi-avril, je doutais qu'elle eût été (bonjour la concordance des temps et l'imparfait du subjonctif !) prise en compte ou qu'elle fût (rebonjour !) parvenue aux bonnes personnes. J'ai donc téléphoné avant-hier au CECOS du CHU de Rouen pour aller aux nouvelles. La dame qui m'a répondu m'a alors informée que l'activité "don de gamètes" n'était plus gérée par leur centre mais par le service du Dr Chanavaz-Lacheray (LA spécialiste régionale (voire plus) de l'endométriose et, par extension, de l'infertilité), à qui elle allait transmettre mes coordonnées pour qu'elle me recontacte.
Elle a visiblement et rapidement tenu sa promesse puisque le Dr Chanavaz-Lacheray m'a effectivement appelée hier. Après quelques questions banales (adresse, âge, etc.) en guise de prélude avant une éventuelle rencontre de visu, je lui dis que je la connais déjà pour avoir assisté à l'une de ses conférences en fin d'année dernière pour la simple raison que je suis atteinte d'endométriose. Sa réaction ne s'est pas fait attendre : ma démarche s'arrête là.
Les traitements de stimulation inhérents au don d'ovocytes (qui est ni plus ni moins qu'une FIVETE - fécondation in vitro et transfert embryonnaire - à la différence près que la ponction d'ovocytes et le replacement d'embryons ne se font pas chez la même femme) risquant de favoriser le développement de ma maladie, il est inenvisageable que je puisse faire don de mes gamètes. Elle m'a bien demandé si je savais de quoi il retournait, je lui ai donc raconté la version ultra-résumée de mon histoire (AMP, FIV, Élise) pour lui faire comprendre en quoi mon rapport à la fertilité et à la maternité me poussait à vouloir donner. Je lui ai également confié que, maintenant que je connais d'autres femmes atteintes de formes d'endométriose plus graves que la mienne, je crois que je ne souffre pas tant que ça au final. Sa réponse m'a interpellée, mais dans le bon sens : c'est peut-être à cause de l'endométriose et du "c'est normal d'avoir mal pendant ses règles" que l'on m'a rabâché À TORT pendant des années que je me suis endurcie et suis devenue plus résistante à la douleur. Elle s'est en tout cas montrée "impressionnée" par mon courage, ma détermination et ma générosité mais se refuse, en tant que spécialiste de l'endométriose, à prendre le risque de réactiver chez moi la maladie qu'elle combat ardemment par ailleurs.
Je suis donc obligée de renoncer à donner mes ovocytes et j'en suis vraiment déçue. J'étais prête à subir les traitements, les piqûres, les ponctions. J'ai failli insister mais je préfère écouter le Dr Chanavaz : si elle, l'experte en endométriose et en infertilité, ne veut pas que je donne mes ovocytes, je n'irai pas contre son avis (je ne sais même pas si je pourrais insister si je le voulais vraiment, de toutes façons).
Les couples en attente d'ovocytes ne pourront donc pas compter sur moi et j'en suis désolée. En revanche, j'y ai gagné quelque chose : elle m'a dit qu'elle était prête à me suivre pour mon endométriose, alors que je pensais ne pas être légitime pour être suivie par elle, comparée aux autres femmes bien plus atteintes. Je n'ai pas tardé à saisir la perche qu'elle m'a tendue : j'ai appelé son secrétariat ce matin et ai obtenu un rendez-vous avec elle au mois d'août.
Cet échec a un petit arrière-goût de soulagement, malgré tout.
Malgré moi
En ce moment, le moral n'est pas très haut, c'est le moins que l'on puisse dire. Certains d'entre vous s'en sont aperçus à la lecture des derniers billets. Je n'ai pourtant pas identifié d'élément déclencheur particulier. J'imagine qu'il s'agit "juste" d'un "bas", qui a été précédé et sera probablement suivi d'un "haut".
Toujours est-il que je suis en ce moment hyper sensible et incapable de gérer des émotions qui se rapprochent trop de ce que nous avons vécu avec Élise. J'ai en tête trois exemples précis et récents.
Le premier remonte à vendredi soir, lors de la conférence organisée par Endofrance sur le thème "Endométriose et douleur" avec pour intervenants Isabella Chanavaz-Lacheray, une gynécologue-obstétricien spécialiste de l'endométriose qui a abordé concrètement les caractéristiques de cette maladie protéiforme, deux médecins anesthésistes qui ont parlé de la prise en charge de la douleur et de l'hypnose et, pour finir, Sophie Bonnet, la psychologue qui nous suit, qui a évoqué le soutien psychologique qu'elle peut proposer aux femmes et couples confrontés à l'endométriose, entre autres à travers l'hypnose.
De ces quatre présentations, j'ai surtout retenu le discours sur la "douleur" - qui concerne d'abord le corporel - qui résonnait tellement en moi, pour peu que l'on remplace ce terme par "souffrance" - davantage liée au psychisme. J'ai par ailleurs été spécialement attentive aux discours sur l'hypnose et l'auto-hypnose.
À la fin de la conférence, Mme Bonnet et moi nous sommes saluées. Et pour toute réponse à sa question "Comment allez-vous ?", j'ai fondu en larmes. Elle m'a alors proposé que l'on se voie dans les jours à venir, et non en janvier comme prévu lors de notre dernier rendez-vous début octobre. Je pense évoquer avec elle l'idée de tenter l'hypnose. Je ne suis ni sceptique ni convaincue ; je ne demande qu'à voir et me sens prête à accepter une nouvelle forme d'aide, sans pour autant savoir quels bénéfices je peux en attendre.
Le deuxième exemple remonte à hier soir. Nous avons essayé de nous distraire devant "Braquage à l'anglaise", diffusé sur France 2, mais, après un quart d'heure à ne rien comprendre et à nous ennuyer, nous avons basculé sur M6, qui diffusait un numéro de Zone interdite consacré à l'euthanasie, notamment à l'histoire de Vincent Humbert et de sa famille. Malheureusement, nous sommes tombés précisément au moment où son épouse, favorable à l'arrêt des soins - contrairement aux parents de son mari, lisait un extrait d'une lettre qu'elle a reçue de militants anti-euthanasie. Je n'ai pu retenir mes larmes face à la souffrance qu'elle éprouvait indéniablement en lisant ces mots bien-pensants et accusateurs - une souffrance et des mots qui faisaient douloureusement écho à ce billet publié l'an dernier (et surtout à un certain commentaire) et à la réponse que j'y avais apportée. Je n'ai pas pu aller plus loin dans cette émission.
Le troisième exemple remonte à quelques heures à peine. L'épisode de Plus belle la vie (personne n'est parfait ! :-)) de ce soir s'est ouvert de façon inattendue sur la mort d'une adolescente. S'en sont suivies l'annonce du décès à la maman et la visite de cette dernière auprès de sa fille à la morgue. Je ne suis pourtant pas du genre à me laisser attendrir devant ce feuilleton mais il m'a été impossible de lutter ce soir, d'autant plus que l'adolescente en question s'appelle... Élise ! Une Élise qui décède (même pour de faux) le jour de la Sainte Élise, la veille des 14 mois du décès de mon Élise... Comment rester indifférente ?
Famili
Comme un double fait exprès, le Famili de février-mars, que m'a prêté une copine, parle, en page 98, de sujets qui ne peuvent que trouver écho en moi !
S'ils avaient ajouté une mention "Dédicace à Tannabelle", ça m'aurait fait le même effet !
Dommage qu'ils se soient limités à deux encarts de quelques lignes chacun. Mais c'est vrai que parler en profondeur d'une affection pathologique ou d'une grossesse qui se passe mal, ça ferait mauvais genre dans leur magazine où "tout le monde est beau, tout le monde est gentil"...
Témoignage d'une "endogirl"
Je vous ai déjà parlé de l'endométriose, cette maladie qui touche des millions de femmes à travers le monde et dont le diagnostic et la prise en charge ressemblent à un parcours du combattant.
Il semblerait que les choses commencent à bouger dans les médias puisque Rue89 a publié le témoignage d'une "endogirl" ce matin : http://www.rue89.com/2014/02/22/cest-normal-davoir-mal-pendant-regles-non-cest-lendometriose-250155. Je ne peux que vous inviter à aller le lire !
Pourvu que d'autres médias emboîtent le pas de Rue89 et que la marche mondiale contre l'endométriose organisée le 13 mars prochain dans plusieurs dizaines de capitales à travers le monde, dont Paris, bénéficie de l'écho médiatique qu'elle mérite !
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C'est le mercredi 13 février 2013 que j'ai appris que j'étais enceinte. À l'époque, je ne savais pas encore qu'ils avaient "tenu" tous les deux. Cela fait un an aujourd'hui et - bizarrement - je me sens moins mal que ces derniers jours. Ça ne durera peut-être pas mais c'est toujours une journée "avec" de plus.
Le 13 mars prochain auront lieu trois "évènements" importants pour moi à des niveaux différents mais je ne pourrai pas participer à tous. Il me faut choisir l'un d'entre eux :
- la marche contre l'endométriose à Paris, entre autres : c'est un évènement qui se déroule le même jour dans 35 capitales à travers le monde et dont le but est de médiatiser et faire reconnaître l'endométriose, cette maladie qui touche des millions de femmes à travers le monde. Vous en faites peut-être partie, parfois sans le savoir vous-même ; vous en connaissez certainement dans votre entourage personnel ou professionnel.
- une des dernières répétitions avant une série de cinq concerts auxquels je dois participer en tant qu'altiste ;
- un groupe de paroles de l'association Nos tout-petits à Lille, ce qui me donne l'occasion, à chaque fois que j'y participe, de passer quelques jours chez mes parents avec Gaspard.
Vous l'aurez compris : la reconnaissance de l'endométriose et la musique me tiennent à coeur mais rien n'égale la possibilité de me délester un peu de ma douleur, de mes questions, de mes craintes en parlant de ma fille. Alors le 13 mars, je ne serai ni parmi les "Endogirls" ni parmi les musiciens mais "avec" Élise.
Une question d'équilibre
Voici ce que j'ai entendu il y a quelques jours, lors d'une rencontre sur l'endométriose dont je vous parlerai peut-être plus tard, de la bouche d'une fille qui est maman, qui a perdu son frère, qui a vu sa mère perdre un enfant :
"Tu as ton fils." "Tu en feras un autre."
"Ton fils est là, c'est son équilibre qui est en jeu. Il ne faut pas vivre ton deuil quand il est avec toi."
Sauf qu'il est tout le temps avec moi et que je fais comme je peux, avec mes forces et mes failles, mes doutes et mes craintes, mes angoisses et mes envies.
Je suis consciente de l'impact que mon état peut avoir sur Gaspard et je redouble de vigilance pour ne pas l'étouffer avec ma douleur mais c'est un effort qui demande beaucoup d'énergie, de force, de maîtrise de soi, de lâcher prise aussi.
Et comme dirait la psy, cela fera partie de son histoire, de sa construction. Il aura peut-être, sûrement même, une maman plus fragile en tant que personne, en tant que femme, en tant que "maman d'Élise" mais je ferai tout pour être la "maman de Gaspard" qu'il mérite et dont il a besoin pour grandir, se construire, s'épanouir.
La situation s'impose à moi. Je n'arrive pas à être tout-à-fait dans la vie, ni tout-à-fait dans le deuil ; je n'arrive pas à être toute à Gaspard, ni toute à Élise. Vous me direz que ce serait la même chose s'ils étaient là tous les deux. Sauf que s'ils étaient là tous les deux, j'avancerais sur deux chemins parallèles alors qu'aujourd'hui j'ai l'impression d'avancer avec Gaspard et de faire du sur-place avec Élise. Une partie de moi qui avance, une partie de moi qui reste figée. Pour l'instant Gaspard est encore petit, il nous est facile de projeter Élise sur Gaspard mais avec le temps et Gaspard qui va grandir, nous allons nous éloigner d'elle, il va nous éloigner d'elle et j'ai l'impression que ça va rendre ce chemin encore plus bancal... Comment fait-on pour se construire sur un chemin aussi bancal ?
Lors de cette rencontre entre femmes atteintes d'endométriose, il a été question de FIV ; je savais que j'allais pleurer et que je m'exposais à des paroles blessantes ou maladroites mais je n'ai pas pu faire comme si un seul embryon avait été replacé, j'aurais eu l'impression de trahir ma fille. Petit à petit, je me rends compte que notre histoire ne peut pas être évoquée au détour d'une conversation de quelques minutes avec des inconnus mais je ne suis pas (encore ?) capable de faire de ma fille mon jardin secret. J'ai lu, ça et là, des témoignages de mamans qui ont fait de leur histoire et de leur enfant envolé un trésor qu'elles ne partagent qu'avec les personnes capables d'en comprendre la valeur. Peut-être atteindrai-je ce stade un jour, ou du moins trouverai-je une façon de ne pas m'exposer à l'incompréhension sans avoir l'impression de trahir ma fille. En plus de préserver l'équilibre de Gaspard et de reconstruire mon équilibre, il me faut aussi trouver l'équilibre entre ma douleur face aux réactions des gens et la fidélité à ma fille, l'équilibre entre mon combat pour aller mieux et pour pouvoir de nouveau dire un jour "je vais bien" et ma lutte pour sa reconnaissance et sa mémoire.
Sur ce long chemin bancal, il me reste encore tellement à apprendre.
Apprendre à vivre sereinement le fait de ne pas parler d'elle à tout le monde.
Apprendre à ne pas me sentir honteuse ou infidèle de vouloir me protéger plutôt que de parler d'elle.
C'est ça en fait, c'est un travail d'équilibriste - un équilibriste sans cesse menacé de tomber d'un côté ou de l'autre de son fil : se préserver sans la trahir et sans faillir à mon devoir de mémoire, de témoignage.
L'endométri-quoi ?
L'endométriose ! Une maladie méconnue, à la fois du grand public et - plus grave - du corps médical lui-même.
J'en suis atteinte, c'est pour cette raison que je me sens d'une part concernée par la question, d'autre part légitime pour en parler, à travers mon expérience et en m'appuyant sur le site d'Endofrance, l'association française de référence qui lutte contre l'endométriose.
C'est quoi, cette bête-là ?
L'endomètre, c'est le tissu qui tapisse l'utérus. Au cours du cycle menstruel et sous l'effet des hormones, il s'épaissit en prévision d'une grossesse éventuelle, et s'il n'y a pas fécondation, il se désagrège en saignant : ce sont les règles.
L'endométriose, c'est le tissu utérin qui s'étend et provoque des lésions, des adhérences et des kystes en dehors de l'utérus (par exemple sur les ovaires, la vessie, le rectum, etc.).
Et ça fait quoi, d'être atteinte d'endométriose ?
Dans mon cas, la maladie se rappelle à mon bon souvenir principalement au début des règles (désolée si vous me trouvez triviale ou impudique mais c'est la réalité de la maladie) et sous la forme :
- de douleurs lancinantes insupportables (et je ne pense pas être particulièrement douillette, en toute objectivité) au niveau des ovaires, de l'abdomen, du bas du dos, du rectum et des jambes,
- de malaises, tellement les douleurs sont fortes,
- de diarrhées,
- de "pincements" intenses et plus ou moins brefs lorsque j'urine, quel que soit le moment du cycle.
Il n'est pas rare que je ne puisse pas travailler en début de cycle, les douleurs rendant impossible toute concentration. Dans mon malheur, j'ai quand même la chance que ces douleurs ne durent que les 2 ou 3 premiers jours des règles (exceptées les douleurs urinaires), alors que certaines femmes sont handicapées plusieurs jours, voire semaines, par mois. Les conséquences peuvent également s'avérer graves, voire dramatiques, en fonction de la sévérité de l'endométriose et des organes touchés.
Et - last but not least - l'infertilité est également l'un des symptômes fréquents de l'endométriose. C'est d'ailleurs à l'occasion d'un bilan de fertilité (comme souvent) que la maladie m'a enfin été diagnostiquée, alors que cela faisait des années que ces symptômes existaient.
Endométriose, médecins et remèdes
L'endométriose est encore méconnue et, même lorsqu'elle est diagnostiquée clairement, les médecins (même les femmes !) ont du mal à s'en préoccuper réellement, les femmes se plaignant de fortes douleurs menstruelles (l'un des symptômes les plus fréquents) étant vues comme des "chochottes" et leurs douleurs étant considérées comme normales pendant les règles. Dans ma vie de (jeune) femme, j'ai rencontré plusieurs gynécologues et sages-femmes. J'ai fait part de mes douleurs à chacun d'entre eux, aucun n'a pris la peine de se pencher sur le problème. Le diagnostic a donc été posé tardivement et un peu par hasard.
Au fil des années, j'ai testé différents médicaments au fur et à mesure que les douleurs s'intensifiaient et que les anti-douleurs devenaient inefficaces. Dernièrement, seule la codéine parvenait à me soulager, et encore pas complètement et pas à chaque fois. La chaleur a aussi un effet bénéfique : bouillotte et bain chaud deviennent donc régulièrement mes meilleurs amis.
Endométriose, infertilité et grossesse
J'ai appris récemment, en regardant l'émission Les maternelles (sur France 5) consacrée à la maladie, qu'en cas d'endométriose et de "désir d'enfant", comme on dit, il faut choisir entre traiter les douleurs et traiter l'infertilité. Si l'on m'avait posé le problème en ces termes, il est évident que j'aurais préféré que l'on s'occupe de mon infertilité, quitte à devoir supporter ces douleurs pour une durée indéterminée. Au final, c'est ce qui s'est passé puisque les médecins ont choisi pour moi, par méconnaissance, désintérêt ou incompétence.
J'ai lu à plusieurs reprises que la grossesse empêcherait la progression de la maladie, voire la ferait régresser. Si seulement cela pouvait être vrai, ce serait double bénéf' ! En tout cas, après la grossesse, je suis bien décidée à me faire entendre et à faire entendre mes douleurs, quitte à passer pour une chochotte ou une emmerdeuse, le temps que quelqu'un se décide à me prendre au sérieux.
Surtout que j'ai eu aujourd'hui, et contre toute attente, une "crise d'endométriose" au niveau du bas du ventre et du rectum. Impossible de marcher ou de m'asseoir pendant plusieurs heures, que j'ai passées à me tordre de douleur pour trouver la position la moins inconfortable. J'avais prévu un billet sur l'endométriose dans les jours prochains mais je me suis dit qu'aujourd'hui était le bon jour pour en parler...