20 novembre 2019

"Ces décisions qu'on n'aurait jamais imaginé prendre"

Flavie Flament

Il y a quelques jours, en tant qu'auditrice régulière de l'émission "On est fait pour s'entendre" de Flavie Flament sur RTL, j'ai réagi sur la page Facebook au thème qui devait être abordé l'après-midi même :

Ces décisions qu'on n'aurait jamais imaginé prendre

"Nous ne nous y étions pas projetés.
Nous ne les avions pas anticipées.
Nous n'y avions pas pensé et peut-être même
qu'elles ne nous avaient absolument pas traversé l'esprit.
Pourtant, la vie nous met parfois face à des choix
auxquels nous n'aurions pas pensé.
Pour notre invitée Florence Bouté,
c'est la mort de sa jeune fille
qui l'a mise face la possibilité de donner ses organes...
Comment vit-on ces décisions qu'on aurait jamais imaginé prendre ?
Qu'est-ce qui motive finalement notre choix ?"

Mon commentaire a retenu l'attention de l'équipe au point que j'ai été contactée en privé et invitée à témoigner à l'antenne en direct.

Je vous laisse découvrir l'émission ici : https://www.rtl.fr/actu/conso/ces-decisions-qu-on-n-aurait-jamais-imagine-prendre-7799371043

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La jolie histoire autour de mon intervention, c'est qu'une mamie a été touchée par mon témoignage au point d'en parler le lendemain à son kiné, qui n'est autre que le mari de la présidente de Nos tout-petits, l'association d'accompagnement du deuil périnatal pour laquelle je suis bénévole ! Mon Élise voyage de cœur en cœur !


28 janvier 2015

Un choix cauchemardesque

D'ordinaire, lorsque quelque chose me "travaille", mon sommeil s'en ressent. Mon pauvre mari peut en témoigner : combien de fois m'a-t-il réconfortée en pleine nuit après un rêve qui m'a laissée paniquée et en larmes, empêchée de tomber du lit ou retenue de le protéger avec un peu trop d'enthousiasme d'un hypothétique danger, alors que je n'en étais même pas consciente ?

Étonnamment, depuis le décès d'Élise, cela ne s'est pas souvent vérifié. J'ai probablement rêvé plusieurs fois d'elle mais les rêves qui la concernent et dont je me souviens se comptent sur les doigts d'une main. Parmi eux figure celui que j'ai fait le week-end dernier, dans la nuit de samedi à dimanche. Mes souvenirs en sont très flous mais je me rappelle l'essentiel.

Dans ce rêve, nous étions en ce moment, dans notre vie, avec notre réalité. J'étais enceinte de Hector, après les grumeaux, après le décès d'Élise. Et le cœur de ce rêve, c'était la naissance de Hector. Je suis incapable de décrire l'accouchement ; je ne sais pas où j'étais, si mon mari était à mes côtés, s'il s'agissait d'un accouchement par les voies naturelles ou par césarienne.
En revanche, je me souviens que nous découvrions, moi, mon mari et l'équipe médicale, pendant l'accouchement qu'il s'agissait en fait de jumeaux, de deux petits garçons.
Je me souviens aussi que nous découvrions à leur naissance que l'un d'entre eux était mort et que l'autre était lourdement handicapé.

Au réveil, je me sentais mal, évidemment, mais j'avais aussi un sentiment d'accomplissement, comme si, dans ce rêve, j'avais résolu le dilemme qui nous a habités pendant la grossesse des grumeaux et qui nous habite encore, comme si j'avais eu - ou du moins je pouvais avoir - LA réponse qui me manquera toujours. Ces deux bébés - l'un mort, l'autre handicapé - incarnaient l'alternative à laquelle nous avons dû faire face pour Élise : l'empêcher de vivre en dehors de mon ventre ou la laisser venir au monde vivante mais lourdement handicapée.
J'ai souvent souhaité - et le souhaite encore, même si je sais parfaitement que c'était impossible et que ça l'est d'autant plus a posteriori - pouvoir avoir vraiment le choix, pouvoir "tester" chacune des deux possibilités que l'on nous proposait.
Certes, je n'ai pas rêvé plus loin que l'accouchement mais ce que je retiens, c'est que, dans ce rêve, nous allions enfin savoir ce qui était le pire entre un bébé né sans vie et un bébé lourdement handicapé - cette certitude qui nous manquait pour prendre notre décision, cette certitude sans laquelle nous avons dû décider quand même, cette certitude aussi cruelle que triviale. Pourtant, je sais que cela n'aurait rien changé puisque, même dans mon rêve, Élise était déjà morte à cause de notre décision.

Je crois tout simplement que ce rêve symbolise la question qui me hante toujours : avons-nous eu raison, avons-nous fait le bon choix, avons-nous pris la bonne décision ?
Je crois aussi que ce n'est pas anodin que je me sois réveillée "si tôt" dans le rêve : la réponse à cette question est sans doute quelque part en moi mais je n'y ai pas encore accès, je ne l'ai pas encore trouvée ou acceptée, il serait donc complètement insensé qu'elle m'apparaisse aussi clairement en rêve...

Réflexion

27 octobre 2014

Question sans réponse

Une question me revient régulièrement en tête :

Si j’avais eu le choix, qu’aurais-je préféré : que l’embryon d’Élise ne tienne pas, quitte à ne jamais la connaître et à ce qu’elle ne devienne jamais mon petit supplément d’âme, ou la connaître, au prix des souffrances que son passage dans nos vies a engendrées ?

Je n’ai toujours pas la réponse à cette question.
Je sais que certains ne comprennent pas que je me torture avec ce genre d’interrogations stériles. Je sais que certains ne comprennent pas que je m’encombre le cœur et l’esprit avec ces « et si ».
Pourtant je n’entretiens pas spécialement ces questions ; elles font partie de moi maintenant.

Je crois pourtant que trouver la réponse à cette question m’aiderait à avancer dans le sens où elle participerait à mon acceptation de la réalité et à mon apaisement.
Bien sûr, si la réponse était « j’aurais préféré ne jamais la connaître », un autre travail débuterait : accepter que cette réponse ne signifie pas que je rejette Élise, accepter que cette réponse ne soit pas incompatible avec le fait que je l’aime inconditionnellement et que je suis heureuse de l’avoir connue malgré tout.
Mais si la réponse était « j’aurais choisi de la connaître », je me sentirais apaisée et rassurée – et peut-être, en un sens, sûre de moi et de la décision que nous avons prise.

Pour l’instant, je me sens juste encore torturée parce que des questions dont je suis la seule à détenir les réponses, quelque part, en moi, restent suspendues dans le vide de son absence.

 

11 mars 2014

Décision

La décision de l'ISG est, je crois, la pire décision que j'aurai - nous aurons - à prendre de ma - notre - vie.

La pire, parce qu'il n'y a rien de plus puissant que d'avoir le pouvoir - et le droit - de vie ou de mort sur un être vivant, sur un être humain.
La pire, parce que la conséquence de cette décision est que ma fille est morte.
La pire, parce que cette décision est irrémédiable, définitive, irrévocable, éternelle, irréparable.
La pire, parce que je me dis souvent que rien ne peut être pire que son absence, que même la vie qu'elle et nous aurions eue valait plus que son absence.
La pire, parce que je me dis souvent que ce n'est pas pour elle que nous avons pris cette décision, mais pour nous. Pour préserver notre petite vie tranquille. Pour épargner notre confort bien douillet. Pour nous éviter un quotidien pénible.

Je lis et entends souvent que tels ou tels parents qui ont choisi l'IMG pour leur enfant l'ont fait pour lui, parce qu'ils préféraient souffrir à la place de leur enfant. Je n'arrive pas à y croire totalement dans mon cas. Il y avait trop d'incertitudes - même si les certitudes que nous avions étaient effrayantes - pour que notre décision ait été guidée uniquement par notre amour de parents.

À d'autres moments, je me dis que c'est aussi ça être parents et avoir "charge d'âme" : prendre des décisions dans l'intérêt de son enfant, de la fratrie, des parents, de la famille.

Réflexion

17 juillet 2013

Accepter l'inacceptable

Légalement, c'est aux parents de demander l'interruption médicale de grossesse et aux médecins d'accéder ou non à cette demande. Mais dans ma tête, je ne peux admettre que nous demandions d'arrêter le cœur de notre fille. C'est pourquoi je parle toujours, en notre nom, d'accepter ou de refuser l'IMG. Vous pouvez trouver ça égoïste ou hypocrite mais c'est aussi une façon de se protéger...

Chemins

Accepter ou refuser l'IMG ?

Comment accepter que mon ventre devienne à la fois berceau et tombeau ?

Est-ce que j'ai le droit de refuser l'IMG juste parce que je veux m'épargner d'avoir à porter et mettre au monde un enfant mort ?

Comment accepter de laisser Élise grandir et vivre dans mon ventre si on la sait condamnée ?

Selon moi, on fait des enfants pour être heureux : est-ce que nous serons forcément malheureux si Élise est handicapée ?

Est-ce que nous avons le droit de ne pas accueillir Élise juste parce qu'elle ne rentre pas dans le moule de la vie de famille dont nous rêvions ?

Que deviendra Élise, lorsque nous ne serons plus là, si elle n'est pas autonome ?

Les médecins disent que, pour l'instant, Élise ne souffre ni physiquement, ni mentalement dans mon ventre. Mais qu'en sera-t-il si elle vient au monde ?
Est-ce qu'elle souffrira physiquement de sa dilatation ?
Si Élise est au moins partiellement consciente d'elle-même et de son environnement, est-ce qu'elle souffrira mentalement ? Est-ce qu'elle sera malheureuse ? Est-ce qu'elle nous reprochera de l'avoir laissée venir au monde ?

Ce n'est pas comme si Élise souffrait d'une pathologie fatale qui la rendrait non viable à plus ou moins court terme : c'est à nous de décider de vie ou de mort sur notre fille.

Accepter l'IMG, c'est penser à elle ou à nous ?

Dire que nous acceptons l'IMG pour elle, est-ce que ce n'est pas hypocrite ?

Si nous gardons Élise, il y aura toujours des gens pour nous reprocher la "vie au rabais" qu'on lui offre.
Si nous ne gardons pas Élise,il y aura toujours des gens pour nous reprocher de nous être débarrassés d'elle.

Accepter l'IMG...

Quand on nous demandera combien nous avons d'enfants, qu'est-ce que nous répondrons ? Comment se protéger sans nier l'existence d'Élise ?
Déjà aujourd'hui, je voudrais parfois répondre aux gens que je n'attends qu'un garçon, non pas pour nier et rejeter ma fille mais pour me protéger, pour l'après...
Qu'est-ce que nous allons dire à tous ces gens qui savent simplement que nous attendons des jumeaux quand nous les reverrons après l'accouchement ?

De façon un peu anecdotique et nombriliste, je me réjouissais tellement d'être une maman de jumeaux, que l'on devienne des parents un peu à part. Pour le coup, on va vraiment devenir des parents à part...

Alors que l'IMG n'est toujours pas une évidence pour moi (le sera-t-elle un jour ?...), j'ai l'impression qu'elle est de toutes façons inéluctable, que la décision d'accepter l'IMG ne vient pas et ne viendra pas de moi mais que je ne pourrai y échapper.

J'ai le sentiment d'être la seule à ne pas vouloir interrompre la vie d'Élise...  Mais peut-être que je m'en persuade pour me protéger, pour me donner "le beau rôle" de la mère courage qui est la seule à vouloir garder son enfant... Peut-être que je m'autorise à penser que je veux la garder parce que je sais qu'au fond de moi, ça n'arrivera pas... Je ne sais même plus faire la part des choses, au fond de mon cœur et de ma tête.

J'ai l'impression que l'IMG est inévitable et que c'est à moi de cheminer vers cette décision. J'ai l'impression que les semaines qui nous séparent de la fin de cette grossesse ne doivent pas me servir à savoir ce que je veux vraiment mais à accepter l'IMG.

 

Je ne veux pas qu'on nous dise que nous avons pris la bonne décision ; il n'y a pas de bonne décision.
Je ne veux pas qu'on nous dise que nous avons pris cette décision pour elle ; je n'en suis pas sûre.
Je ne veux pas qu'on nous dise que c'est mieux comme ça ; il n'y a pas de mieux dans cette histoire, il n'y a que du pire.
Je ne veux pas qu'on nous dise que nous nous en remettrons et que le temps fera son œuvre ; on ne se remet jamais de la perte d'un enfant.

28 juin 2013

Il y a des jours...

Il y a des jours où je me dis que j'aurais préféré ne jamais tomber enceinte, quitte à ne jamais devenir mère.

Il y a des jours où je me dis que, quitte à ce qu'Élise ait une pathologie qui justifie de se poser la question de l'IMG, je préfèrerais qu'elle "parte" d'elle-même dans mon ventre, pour qu'elle nous épargne d'avoir à prendre une décision trop lourde à porter.

Il y a des jours où je me dis que, quitte à ce qu'Élise ait une pathologie grave, je préfèrerais que cette pathologie ne rentre pas dans le cadre de la loi sur l'IMG, pour qu'on nous épargne d'avoir à prendre une décision trop lourde à porter.

Réflexion