J'ai testé pour vous...
Près de 2 mois après l’arrivée d’Agathe parmi nous, je prends/trouve (rayer la mention inutile ! ;-)) enfin le temps de revenir dessus !
Le terme était prévu pour le lundi 3 septembre, jour de rentrée scolaire de Gaspard et Hector. J’espérais donc qu’elle soit déjà née, voire que nous soyons de retour à la maison avant cette date, histoire de limiter autant que possible les perturbations de cette journée déjà particulière en soi.
Le mardi 28 août, j’ai choisi d’écouter ma belle-sœur, qui me conseillait de tenter l’homéopathie. Ma pharmacienne m’a donc préparé un cocktail spécial « déclenchement » (on s’entend, hein), que je me suis empressée de commencer dès que je l’ai récupéré.
J’ai pris ma première dose à 18h00... à 19h00, je fissurais la poche des eaux ! Véridique ! Déjà plutôt sceptique (mais pas opposée non plus) quant à l’homéopathie en général, je doute que l’on puisse y voir un lien de cause à effet, mais cet enchaînement prête à sourire, vous en conviendrez ! :-)
Autre anecdote amusante : j’ai toujours entendu dire que faire le ménage en fin de grossesse favorisait en général le déclenchement du travail. Là encore, nous avons choisi de faire confiance à cette idée reçue... sauf que c’est mon mari qui était en train de faire les poussières lorsque j’ai perdu les eaux ! :-)
Bref, suite à cette fissuration, nous nous sommes rendus à la maternité, où ils ont décidé de me garder après un monitoring normal mais toujours sans contractions, en raison du risque d'infection lié à toute fissuration ou rupture de la poche des eaux. Nous avons donc passé la nuit sur place, installés dans une chambre en suites de couches.
Le lendemain matin, en ce mercredi 29 août, j’ai refait un monitoring, toujours normal et toujours sans contractions. Je me suis donc efforcée de marcher et faire des exercices sur un ballon de grossesse pour essayer d’enclencher le travail, sans succès...
Le monitoring de l’après-midi étant toujours exempt de signes annonciateurs du travail, l’équipe a commencé à envisager de poser un ballonnet, un dispositif visant à favoriser la dilatation du col. Et c’est effectivement ce qui a été fait le soir même, non sans mal : elles ont dû s’y mettre à trois et s’y reprendre à deux fois pour y parvenir, ce qui n’a pas été indolore ! Mais une fois le ballonnet en place, rien à signaler hormis une légère sensation de gêne. Je suis donc retournée dans ma chambre vers 22h00 (seule cette fois, mon mari étant rentré chez nous entre-temps), dans l’idée de passer une ultime « bonne » nuit avant la dernière ligne droite !
Le ballonnet, une fois tombé !
C’était sans compter sur l’effet rapide du ballonnet, car, vers 1h00 du matin, j’ai été réveillée par la perte du ballonnet, mais aussi et surtout par des contractions douloureuses et relativement rapprochées ! J’ai hésité à attendre une heure de plus pour voir si ce rythme se maintenait, voire s’intensifiait, mais j’ai finalement décidé d’appeler une sage-femme qui m’a envoyée aux urgences maternité. Je m’y suis rendue « la fleur au fusil », avec mon téléphone et un bouquin, pensant devoir patienter encore de longues heures avant le dénouement. On m’a alors posé un nouveau monitoring en attendant de m’examiner à nouveau. J’ai demandé si je pouvais/devais prévenir mon mari ; on m’a confirmé que oui, mais qu’il pouvait prendre son temps pour arriver. Je l’ai donc appelé pour l’informer que le travail avait vraisemblablement commencé, mais qu’il avait tout le temps de se réveiller et d’avoir les idées claires pour parcourir les 45 km qui séparent notre domicile de la maternité.
Dans les minutes qui ont suivi, je me suis donc retrouvée seule en salle de monitoring à voir que le rythme cardiaque d’Agathe faiblissait considérablement à chacune des contractions, désormais rapprochées, régulières et de plus en plus douloureuses. Dès que la sage-femme, Héloïse, est revenue, je lui en ai parlé et elle a pu le vérifier sur le tracé. Elle m’a alors demandé de m’installer sur le côté gauche pour voir si cela soulageait Agathe. Lorsqu’elle est revenue peu après, elle a constaté que le cœur d’Agathe ralentissait toujours aussi fort (à peine 60 de pulsation cardiaque) et a été rejointe par sa collègue, Camille, qui m’a alors examinée. C’est à ce moment-là que tout s’est emballé.
À peine Camille a-t-elle commencé à examiner mon col qu’elle s’est exclamée, à l’intention de sa collègue : « J’ai le cordon ! ». Panique dans ma tête, dans mon cœur, dans ma voix : « Oh noooon !... ». Sans même savoir de quoi il retournait précisément, mais en entendant le terme « cordon » et en découvrant la surprise et l’inquiétude dans la voix et le regard de Camille, j’ai instantanément pensé à mon amie Laurie et à son petit Clément, décédé d’une multiple circulaire du cordon à quelques jours du terme, et je me suis vue basculer, à nouveau, du mauvais côté de la naissance... Un branle-bas de combat s’est alors enclenché : en quelques secondes, on m’a expliqué qu’on allait partir en césarienne d’urgence, car le cordon était engagé avant Agathe. Sur le coup, je n’ai évidemment pas bien saisi les tenants et les aboutissants de ce problème, j’ai juste compris que c’était grave et urgent. J’ai alors entendu et vu Héloïse appeler le reste de l’équipe (gynécologue, anesthésiste, aides-soignantes, brancardiers) sous l'injonction de Camille : « On part en césarienne d’urgence code rouge ! ».
Je me vois encore partir sur mon brancard de salle de monitoring vers le bloc obstétrical.
Je vois encore Camille, montée sur le brancard, à califourchon sur ma jambe, qui est obligée de maintenir sa main dans mon vagin, au prix d'un effort physique intense et durable, pour refouler la tête d’Agathe et éviter ainsi toute compression du cordon, ce qui privait Agathe d’oxygène.
Je vois encore la gynécologue arriver en quelques secondes, en train d’enfiler sa blouse.
Je l’entends encore qui demande à Camille si c’est « une latérocidence ou une procidence ».
J’entends encore Camille qui confirme qu’elle sent le cordon devant et qu’il s’agit donc d’une procidence.
Je m’entends encore répéter, apeurée, perdue, incrédule, tentant vainement de retenir mes larmes : « Vous me la perdez pas ! Vous me la perdez pas ! ».
J’entends encore l’aide-soignante essayer de me rassurer de mon entrée au bloc à mon endormissement.
Je me vois encore passer du brancard à la table d’opération.
Je sens encore la main de l’aide-soignante dans la mienne.
J’entends encore la gynécologue me dire, alors que je ne suis même pas encore prête à être anesthésiée, qu’elle commence à préparer l’intervention pour ne pas perdre de temps.
Je la sens encore me badigeonner le ventre au moment où je reçois le masque à oxygène.
J’entends encore l’anesthésiste me demander de décompter de 10 à 0. (La bonne blague ! Quelqu’un en train de subir une anesthésie générale a-t-il jamais réussi à dépasser 8 ?! :-))
Et puis c’est le trou noir.
Le trou béant.
Dans mon ventre, dans ma vie, dans ma mémoire.
Agathe est née à 1h59 ce jeudi 30 août 2018.
Même si je n’ai pas vraiment de doutes, je suis bien obligée de croire ce qu’on me dit puisque je n'étais pas vraiment là lors de sa naissance... Quelle frustration...
J’ouvre les yeux en salle de réveil vers 3h30 du matin. Je suis encore dans les vapes, évidemment. Mon mari est à mes côtés. Je demande comment va Agathe : « elle est en néonat’, je suis allé la voir, elle va bien ». Le soulagement me pousse à remercier chaque personne que je vois.
Je remercie les aides-soignantes, pour leur présence.
Je remercie Camille, qui n’en finit pas de s’excuser de m’avoir « maltraitée » (il est vrai que l’intimité que nous avons partagée lorsqu’elle refoulait la tête d’Agathe n’était pas des plus agréables, mais quelle importance, honnêtement ?!) et de m’avoir à peine expliqué ce qui se passait (elle m’a dit tout ce que j’étais capable d’entendre sur le moment, ça m’a suffi, alors je lui réponds que je m’en fiche et que ce n'était pas moi qui comptais).
Je remercie la gynécologue, qui prend le temps de venir m’expliquer ce qui s’est passé.
Je ne le dis à personne, mais je remercie aussi la vie.
J’ai appris par la suite que lors d’une « césarienne code rouge », le bébé doit naître en moins de 15 minutes eu égard à l’urgence de la situation : entre la détection de la procidence du cordon et la naissance d’Agathe, 12 minutes se sont écoulées !
Au cours des 12 petites heures qu’Agathe a passées en réanimation néonatale, mon mari a pu la voir dès son arrivée ; nous y sommes ensuite allés tous les deux à ma sortie de la salle de réveil, avant d’y retourner en fin de matinée. Et alors que nous étions en train de déjeuner dans ma chambre, une aide-soignante nous a fait la surprise de nous l’y amener : la pédiatre venait de vérifier le tracé de son encéphalogramme, qui était « strictement normal », et donc d'autoriser sa sortie du service. Nous avons alors pu commencer à nous découvrir, après cette arrivée rocambolesque et inattendue !
Au-delà des intenses émotions vécues sur le moment, cette naissance m'inspire plusieurs réflexions.
- Pour cet accouchement, je souhaitais une naissance plus naturelle, plus douce, plus physiologique. Je m'étais même mis en tête d'essayer de me passer de la péridurale. Finalement, j'ai réussi : je n'ai effectivement pas eu de péridurale ! (Comment ça, l'anesthésie générale, ça compte quand même ?! :-P)
Trêve de plaisanterie... :
- Cette naissance rappelle bien que rien n'est acquis lors d'une grossesse ou d'un accouchement. Malgré les angoisses et les quelques alertes de ces 9 mois, rien ne laissait présager que tout se finirait en urgence médicale ! Alors quand j'entends dire que plus rien ne peut mal se passer à quelques jours ou heures du terme, cela me hérisse le poil !
- Je me réjouis d'avoir à nouveau choisi d'accoucher dans une maternité de niveau 3, c'est-à-dire dotée d'une unité de réanimation néonatale. Même si Agathe n'en a eu besoin que quelques heures, cela nous a évité d'avoir à être transférées dans un autre établissement !
- Quelle ironie que ce cordon qui nourrit et fait vivre un bébé pendant toute grossesse puisse devenir dangereux, voire mortel...
- Je n'ose imaginer où nous en serions aujourd'hui si je n'avais pas déjà été sur place ou si j'avais ne serait-ce qu'attendu plus longtemps pour signaler mes contractions...
Mais MERCI LA VIE : AGATHE EST PARMI NOUS ET EN PLEINE FORME ! :-)
(En revanche, je préfère laaaargement l'accouchement par voie basse à la césarienne... Je vous expliquerai pourquoi bientôt !)
Retour en arrière - Épisode 3 - Du 16 au 17 septembre 2013
(Premier épisode ici)
(Deuxième épisode ici)
Lundi 16 septembre
On me fait la prise de sang pour le bilan hépatique.
Le Pr Verspyck passe dans la matinée et m'examine : le col est ouvert à 2 doigts mais reste tonique. Il prévoit alors une échographie dans l'après-midi ou le lendemain pour vérifier où en est la dilatation d'Élise.
Dans l'après-midi, j'apprends que mon bilan hépatique est normal, il ne manque plus que les résultats des acides biliaires qui doivent être disponibles le lendemain.
Comme convenu, la psychologue nous rend visite et, même si elle me fait toujours pleurer, elle parvient toujours à trouver les mots et à m'apaiser.
Une sage-femme nous informe que des lits d'appoint sont disponibles pour les accompagnants, nous prévoyons donc d'en demander un pour mon mari pour mercredi et/ou samedi soir.
Mardi 17 septembre
Mes acides biliaires sont normaux, toute pathologie hépatique est donc écartée : tous ces petits dérèglements sont probablement liés à la fin de la grossesse et à la gémellité.
Nous avons attendu le Pr Verspyck toute la journée, il est finalement venu nous chercher en fin d'après-midi pour l'échographie : alors que Gaspard continue à bien grandir (son poids est estimé à 2,4 kg), la dilatation d'Élise a elle aussi continué à évoluer... Le Pr Verspyck ne nous a pas donné de chiffre mais j'ai vu à l'écran que son périmètre crânien était de 35 cm... Il nous a simplement fait remarquer toute l'eau qu'elle avait dans le cerveau et qu'on ne distinguait plus du tout les structures cérébrales...
Après l'échographie, le temps que le Pr Verspcyk aille chercher notre dossier, mon mari m'a dit que, d'après la tête qu'il faisait pendant l'examen, il allait sûrement nous annoncer une date pour l'ISG. Il avait vu juste car, à son retour, après nous avoir résumé l'échographie en trois phrases, le Pr Verspcyk nous a parlé de pratiquer l'ISG le lundi suivant, le 23 septembre. Je lui ai fait préciser "l'ISG et l'accouchement dans la foulée", il a confirmé sans préciser le délai entre les deux.
Le Pr Verspyck m'a demandé quel mode d'accouchement je préférais, la voie naturelle étant encore possible selon lui. Comme j'avais eu le temps d'y penser, je lui ai dit que, même si ce serait probablement plus dur psychologiquement sur le coup, je préférais effectivement la voie basse à la césarienne, afin de me remettre plus facilement et plus rapidement. En plus, cela permettra à mon mari d'être assurément présent pendant l'accouchement, ce qui n'était pas garanti en cas de césarienne, et cela posera moins problème pour les prochaines grossesses.
Quelques minutes après notre retour dans la chambre, une sage-femme est venue nous informer que je pouvais aller dîner à l'extérieur si nous le souhaitions, suite à l'annonce du Pr Verspyck : nous avons accepté immédiatement, histoire d'essayer de nous changer les idées un minimum. Elle a également précisé que, tous mes examens étant redevenus normaux, il n'y avait plus de raison de me faire trois monitorings par jour et qu'un seul suffisait, si cela me convenait. J'ai accepté également, me disant que j'en demanderais un le dimanche soir ou le lundi matin.
En sortant de la chambre, nous avons croisé une autre sage-femme qui nous a dit qu'ils avaient prévenu la psychologue mais qu'elle ne pourrait passer que le surlendemain (ce qui nous allait très bien car cela nous laissait le temps de digérer un peu l'annonce avant d'en parler, de verbaliser).
Nous avons alors compris que le Pr Verspyck avait informé toute l'équipe de l'imminence de l'ISG et que le "réseau d'accompagnement" était déjà en marche, en quelques minutes à peine. Cela ne change rien à la situation ni à notre douleur mais un tel soutien et une telle prévenance font du bien.
Ce n'est pas arrivé souvent depuis le 24 mai mais mon homme a craqué dans la chambre, juste après l'annonce de Verspyck...
Au restaurant, la discussion a évidemment tourné autour de la grossesse et de la fin qui approche. Nous nous sentions abattus, comme si nous avions reçu un coup de massue sur la tête. Depuis que notre décision est prise, on essaie de se préparer à l'ISG, on sait que ce n'est qu'une question de temps, que ça ne va pas tarder mais ça fait forcément quelque chose d'avoir une date précise, de se dire que le compte à rebours a commencé, de comprendre que les projections qu'on se fait depuis un moment vont bientôt devenir réalité...
En vrac, quelques réflexions qui me sont passées par la tête :
- C'était notre dernier restaurant à quatre ce soir, la dernière fois qu'Élise "mangeait" en dehors de l'hôpital...
- Les grumeaux seront Balance finalement, ce qui prouve bien que l'astrologie est vraiment n'importe quoi : à quelques jours ou même heures près, sur simple décision médicale ou peut-être sur notre souhait, ils auraient pu être Vierge. Mais Balance, c'est pas si mal pour des jumeaux.
- Je me pose des questions "techniques" ou "logistiques" sur l'ISG et l'accouchement : où aura lieu l'ISG, est-ce que je changerai de pièce entre l'ISG et l'accouchement, est-ce que je vais sentir la différence entre Élise et Gaspard au niveau vitalité et mobilité des bébés lors de l'expulsion, est-ce qu'ils vont nous laisser au moins quelques minutes pour "accepter" l'ISG avant de déclencher l'accouchement ? Mais je ne veux pas les poser car je ne veux pas trop me projeter.
- Finalement, même si je sais maintenant que je ne veux pas garder Élise morte trop longtemps dans mon ventre, j'aimerais que l'ISG et la naissance n'aient pas lieu le même jour.
RDV avec le Pr Verspyck - Beaucoup de réponses
S'il n'a pas pu répondre à l'intégralité de nos questions - certains facteurs étant encore soumis à une évolution impossible à maîtriser ou à prévoir, le Pr Verspyck a aujourd'hui pu éclaircir dans une certaine mesure la situation que nous allons vivre dans les prochaines semaines.
Il n'est pour l'instant pas possible de prévoir précisément la date de l'ISG. Dans la mesure où le dernier examen obstétrical (réalisé - heureux concours de circonstances - quatre heures avant notre entretien avec le Pr Verspyck) est rassurant (pas de menace d'accouchement prématuré), le Pr Verspyck préfère temporiser au maximum dans l'intérêt de Gaspard. S'il avait évoqué au départ une ISG à partir de 34 SA, compte tenu de mon état physique, toute semaine ou même journée de plus au chaud est bonne à prendre pour le p'tit loup !
Le Pr Verspyck a donc proposé de m'hospitaliser dans une quinzaine de jours pour faire un point à la fois médical (examen clinique, bilan sanguin de référence, échographie) et psychologique. Ma sortie dépendra des résultats de ce bilan : s'ils jugent préférable de me garder pour une raison ou une autre (indication médicale de pratiquer l'ISG rapidement, fragilité psychologique), il se pourrait que je reste hospitalisée jusqu'à l'accouchement.
Si nous avons bien compris, je serai de toutes façons hospitalisée à compter de l'ISG, d'une part pour que Gaspard et moi soyons sous surveillance - cette intervention n'étant pas anodine sur le plan médical non plus, d'autre part parce que mon mari (et moi aussi, je dois bien l'admettre) ne souhaite pas que je reste seule à cogiter toute la journée avec Élise morte et Gaspard vivant dans mon ventre pendant qu'il sera au travail.
Le cerveau d'Élise sera peut-être un peu drainé lors de l'ISG. Ce sera probablement confirmé lors de la prochaine échographie que réalisera le Pr Verspyck.
Du prochain bilan dépendra peut-être aussi la décision de programmer et déclencher l'accouchement.
Le rendez-vous du 13 septembre avec l'anesthésiste tombe finalement à point nommé.
Il est encore trop tôt pour savoir si l'accouchement se fera par voie basse ou par césarienne ; les voies naturelles ne semblent pas encore exclues.
En cas d'accouchement par voie basse, mon mari pourra rester avec moi en salle d'accouchement.
En cas de césarienne, il n'est pas impossible qu'il puisse rester avec moi, compte tenu du contexte particulier. Bien sûr, en cas de complications (souffrance fœtale ou ralentissement du rythme cardiaque chez Gaspard ou urgence médicale pour moi par exemple), moins il y aura de monde dans le bloc opératoire, mieux ce sera et nous le comprenons parfaitement.
Le Pr Verspyck nous a confirmé que nous pourrions voir Élise entre l'accouchement et l'autopsie et que nous pourrions choisir l'accueil que nous voulons lui faire : passer quelques minutes ou plusieurs heures avec elle, simplement la regarder ou la toucher et la prendre dans nos bras, la voir seule ou avec son frère, prendre des photos, prendre ses empreintes.
A priori, les premiers prélèvements pour l'autopsie seront réalisés dès le lendemain de l'accouchement et ne dureront que quelques jours au plus.
Après l'autopsie, nous pourrons la revoir, elle sera "visible" ; le Pr Verspyck nous a confirmé qu'elle ne serait pas "un bébé en mille morceaux".
Si nous avons bien compris, Élise ne restera pas très longtemps à la morgue, ce qui veut dire que, si Gaspard doit séjourner en néonatalogie, nous ne pourrons pas l'emmener avec nous à l'enterrement de sa soeur. Nous ne tenons pas spécialement à ce qu'il y "assiste", nous souhaiterions simplement pouvoir passer quelques jours dans la maison de vacances de mes parents après l'enterrement pour souffler un peu mais, si Gaspard est encore à l'hôpital, il sera inenvisageable que nous restions ne serait-ce qu'une nuit loin de lui.
RDV avec le Pr Verspyck - Des tas de questions
Demain, nous voyons le Pr Verspyck pour lui faire part de notre décision de pratiquer l'interruption de grossesse pour Élise. Au-delà de tous les doutes et interrogations qui nous assaillent, se posent aussi beaucoup de questions bêtement terre-à-terre...
- Quand aura lieu l'ISG ?
- Quand vais-je rentrer avant l'ISG ?
- Quand vais-je sortir après l'ISG ?
- Le cerveau d'Élise sera-t-il drainé lors de l'ISG, comme l'avait évoqué le Dr Diguet ?
- Mon mari pourra-t-il rester à mes côtés pendant l'ISG ?
- A part psychologiquement, est-ce que ça change quelque chose à la fin de la grossesse de porter un bébé mort et un bébé vivant ?
- L'accouchement sera-t-il programmé ?
- Si oui, quand ?
- Le rendez-vous avec l'anesthésiste prévu le 13 septembre est-il tardif ou non ?
- Est-ce que ce sera un accouchement par voie basse ou par césarienne ?
- Mon mari pourra-t-il rester avec moi dans les deux cas ?
- Qui sortira en premier : Élise ou Gaspard ?
- Pourrons-nous voir Élise entre l'accouchement et l'autopsie ?
- Si oui, pendant combien de temps ?
- Si oui, en même temps que son frère ?
- Si oui, sera-t-elle habillée entre l'accouchement et l'autopsie ?
- Si oui, comment : avec des langes de l'hôpital ou avec des vêtements que nous aurons apportés pour elle ?
- Si oui, qui l'habillera ?
- Pourrons-nous prendre des photos d'elle et avec elle ?
- Pourrons-nous prendre ses empreintes ?
- Élise aura-t-elle un bracelet de naissance que nous pourrons garder ?
- Au bout de combien de temps Élise sera-t-elle emmenée pour l'autopsie ?
- Combien de temps sera-t-elle gardée pour l'autopsie ?
- Où sera-t-elle entre l'autopsie et la mise en bière ?
- Qui habillera Élise après l'autopsie ?
- Pourrons-nous revoir Élise après l'autopsie ?
- L'hôpital pourra-t-il garder Élise jusqu'à ce que Gaspard et moi soyons aptes à quitter la maternité ?
- Si oui, combien de temps au maximum, au cas où Gaspard doive séjourner en néonatalogie ?
- Si j'accouche par césarienne, pourrai-je faire deux heures de route dès la sortie de la maternité pour aller enterrer Élise dans le Pas-de-Calais ?
- Si Gaspard est en bonne santé, pourrons-nous lui faire faire deux heures de route dès la sortie de la maternité pour l'emmener avec nous à l'enterrement d'Élise ?
Rendez-vous à Necker
Après avoir hésité pendant un moment, compte tenu du suivi spécifique qui a été mis en place au CHU de Rouen depuis la détection des anomalies d'Élise, nous nous sommes finalement décidé la semaine dernière à solliciter un rendez-vous à l'hôpital Necker à Paris, non par défiance envers l'équipe de Rouen mais simplement pour obtenir un deuxième avis.
De ce rendez-vous qui avait lieu aujourd'hui, nous attendions soit d'être rassurés ("c'est grave mais on a des solutions à vous proposer"), soit que le diagnostic de Rouen soit confirmé, afin d'être sûrs de la décision que nous prendrons et d'éviter de nourrir des regrets, dans les semaines, mois ou années à venir.
Nous avions rendez-vous au service de diagnostic prénatal et avons d'abord rencontré une sage-femme, qui nous a fait bonne impression. J'avais expliqué à la secrétaire les raisons de notre demande lors de la prise de rendez-vous, le message avait été transmis et la sage-femme était donc déjà au courant. À la fois techniquement et humainement, nous avons senti qu'elle savait de quoi elle parlait, qu'il s'agisse de la fente et de la dilatation d'Élise ou de l'interruption de grossesse et du deuil périnatal. Elle a alors dressé un rapide historique - prises de sang, résultats chromosomiques et échographies à l'appui - avant d'évoquer, de son point-de-vue obstétrical, les possibilités envisagées : échographie, IRM, consultation en neuro-pédiatrie. Elle a ensuite photocopié tous les résultats dont elle avait besoin pour constituer notre dossier. L'échographie étant possible dans la foulée de notre consultation, nous avons patienté quelques minutes avant de passer notre dixième échographie.
Compte tenu du motif et du contexte de notre visite, l'échographiste est allé droit au but, aussi bien dans son examen que dans son discours. Alors qu'elle s'était à peu près stabilisée autour de 25 mm la semaine dernière, la dilatation ventriculaire d'Élise atteint désormais les 30 mm, soit trois fois plus que la normale et deux fois plus que le seuil de sévérité. Nul besoin de préciser que cette évolution continue aggrave de plus en plus le pronostic, à tel point que l'échographiste a été plus que clair sur l'état d'Élise si elle vient au monde : elle sera très probablement alitée en permanence, sans pouvoir bouger, marcher ni parler. Il a également ajouté, textuellement, que "son cerveau est complètement détruit". Quel sens donner à sa vie, dans ces conditions, si elle ne connaît qu'un état végétatif, si nous ne pouvons rien partager avec elle ?...
Autre sujet d'inquiétude, qui avait été évoqué à demi-mots par le Professeur Verspyck : compte tenu de la pression exercée par cette dilatation sur son cerveau, la boîte crânienne d'Élise continue à grossir de façon importante et disproportionnée. Si cette tendance se poursuit, la tête d'Élise sera tellement grosse qu'elle gênera le développement de Gaspard dans mon ventre, alors qu'a priori tout va bien pour lui, qu'elle rendra impossible l'accouchement par voie basse et qu'elle fera de la césarienne, alors devenue inévitable, une intervention plus compliquée et plus risquée pour moi qu'une césarienne "classique". Alors que les anomalies d'Élise ne "concernaient" qu'elle jusqu'à présent, voilà que ses problèmes se mettent à avoir un impact direct et risqué sur Gaspard et moi-même...
Autant dire que ce rendez-vous a fait plus que remplir sa mission : bien loin de nous rassurer, il nous a ôté tout espoir et tout doute quant à l'état cérébral d'Élise. L'échographiste nous a clairement conseillé l'interruption sélective de grossesse. Je crois que cette décision s'impose malheureusement d'elle-même au fil des examens mais il nous reste à l'accepter, l'assumer et l'officialiser avant de la programmer...
D'après l'échographiste que nous avons rencontré, si nous étions suivis à Necker, l'ISG serait pratiquée entre 30 et 32 SA, c'est-à-dire dans deux à quatre semaines, afin de limiter les risques liés à la place que prend la tête d'Élise. À Rouen, la dernière fois que nous avons évoqué le sujet, il était question de pratiquer l'ISG vers 34 SA, mais la dilatation n'en était alors "qu'à" 25 mm. Peut-être réviseront-ils partiellement leur position maintenant que la dilatation a à nouveau changé de dizaine, ce que le Dr Brasseur devrait constater lors de l'échographie prévue jeudi prochain.
Beaucoup de questions, quelques réponses
Suite à notre dernier rendez-vous avec le Professeur Marret avant notre semaine de répit, nous avions demandé à rencontrer à nouveau le Professeur Verspyck afin de discuter de l'interruption de grossesse, sans que cette demande d'entretien n'ait valeur de décision de notre part. Lors de notre rendez-vous d'hier, nous avons pu lui poser nos questions et obtenir quelques réponses.
Quand aura lieu l'IMG, dans notre cas ?
Comme le Professeur Marret nous l'a déjà expliqué et comme nous l'avons déjà bien compris : le plus tard possible, pour préserver Gaspard au maximum. Le Professeur Verspyck a été plutôt explicite concernant les risques liés à la prématurité, qu'avait évoqués le Professeur Marret : immaturité des organes, retard mental, retard moteur.
Cela veut dire que l'IMG puis l'accouchement auraient lieu, a priori, vers la deuxième quinzaine de septembre.
Si l'IMG est envisagée vers la mi-septembre, combien de temps avant devrons-nous communiquer notre décision ?
Quand nous le voudrons, quand nous serons prêts.
Combien de temps est-ce que je vais garder Élise morte dans mon ventre ?
Le Professeur Verspyck a parlé d'une quinzaine de jours entre l'IMG et l'accouchement mais nous n'avons pas bien compris pourquoi. À choisir, je préfèrerais que l'IMG et l'accouchement s'enchaînent le plus rapidement possible, quitte à retarder l'IMG.
Comment se passe l'IMG en elle-même ?
Comme pour une amniocentèse, ils introduisent une aiguille dans le ventre de la maman pour atteindre le bébé, lui injecter d'abord un produit anesthésiant puis un produit destiné à arrêter son cœur.
Lors de l'amniocentèse, j'avais réussi à rester calme et immobile mais je ne sais pas si je serai aussi forte pour un tel geste...
Est-ce que le papa pourra être présent à mes côtés lors de l'IMG ?
Le Professeur Verspyck nous a assuré que oui, ce qui nous a rassurés, la présence du papa n'étant pas possible dans certains hôpitaux, d'après les témoignages que j'ai déjà lus.
Est-ce que nous pourrons voir notre fille après l'accouchement ?
Le Professeur Verspyck nous l'a confirmé, précisant même qu'ils conseillaient aux parents de voir leur enfant, pour l'accueillir en tant qu'enfant et pour faciliter (si tant est que cela soit possible) le travail de deuil.
Est-ce qu'Élise sera autopsiée ?
Ils le proposent, c'est aux parents d'accepter ou non.
Nous savons déjà que nous souhaitons cette autopsie.
D'abord pour Élise et pour nous : pour essayer de déterminer ce qu'elle a et éventuellement écarter tout risque, s'il existe et s'il est décelable, de récidive lors d'une prochaine grossesse.
Ensuite pour les autres : pour qu'Élise puisse aider, dans une infime mesure, la recherche.
Est-ce que nous pourrons passer une échographie 3D avant l'accouchement pour nous préparer à l'apparence physique d'Élise ?
Le Professeur Verspyck n'a répondu ni par la négative ni par l'affirmative (comme à son habitude) mais nous avons bien compris qu'il n'y voyait pas forcément d'intérêt. Selon lui, même en cas d'anomalies physiques aussi marquées et visibles que celle(s) d'Élise, les parents ne sont pas traumatisés par l'apparence de leur enfant.
Est-ce que l'on peut déjà savoir quel bébé viendra en premier ?
Il est trop tôt pour le savoir.
Est-ce que l'on peut déjà savoir si l'accouchement se fera par voie basse ou par césarienne ?
Là encore, il est trop tôt pour le savoir.
Sans le dire explicitement, le Professeur Verspyck nous a fait comprendre qu'une des indications possibles de la césarienne serait que la dilatation ventriculaire d'Élise évolue à un point tel que sa tête ne passerait pas par voie basse, pour parler trivialement.
Au cours de l'entretien, j'ai exprimé à voix haute une réflexion que mon mari et moi nous faisons depuis le début et depuis qu'ils nous disent qu'ils ne savent pas (et ne sauront probablement pas avant l'accouchement, si tant est qu'ils parviennent à savoir un jour) de quoi souffre Élise : si les médecins étaient capables de nous dire "il s'agit de telle pathologie, avec telles difficultés et tels handicaps attendus", ce serait "plus facile" puisqu'il nous "suffirait" alors de décider si nous sommes capables d'assumer la situation exposée, alors que les incertitudes qui entourent sa pathologie et les difficultés et handicaps à venir nous conduisent à considérer la situation comme un pari. C'est alors que le Professeur Verspyck a rectifié les choses : pour lui, il est certain qu'Élise souffrira d'un handicap impossible à évaluer précisément certes mais qui sera au mieux modéré, au pire sévère, qu'elle ne pourra probablement pas suivre une scolarité classique même en maternelle, qu'elle sera incapable de marcher. Je crois que je n'avais pas encore pris (ou pas encore voulu prendre) conscience de la gravité du handicap dont elle pourrait être atteinte. Sans se transformer en déclic, ses propos m'ont fait un électrochoc.
Au détour de ces questions, le Professeur Verspyck nous a informés que l'étude pangénomique qui avait été lancée 3 semaines plus tôt n'avait rien donné : aucune anomalie n'a été détectée, suite au "zoom" sur les chromosomes d'Élise. Cela ne veut pas dire que l'origine génétique ou chromosomique des malformations d'Élise est définitivement écartée ; cela veut simplement dire qu'ils n'ont rien trouvé, en l'état actuel de leurs recherches et possibilités. Peut-être que l'autopsie permettra de rechercher ailleurs ou autrement et d'identifier quelque chose.
Le Professeur Verspyck nous a par ailleurs rappelé que, si nous sollicitions l'interruption de la grossesse d'Élise, notre demande serait acceptée. En effet, ce n'est pas aux médecins de proposer l'IMG mais aux parents d'en faire la demande - demande qui doit ensuite être examinée et acceptée ou refusée par un centre de diagnostic prénatal pluridisciplinaire, structure qui existe au sein de l'hôpital où nous sommes suivis.