Autopsie
En ce moment, j’ai comme des flashs.
D’ordinaire, quand je pense à Élise, c’est de façon abstraite. Sa réalité n’est que dans ma tête ; quand je pense à elle, elle est immatérielle, chimérique, comme irréelle. Et pourtant, depuis quelques jours, les images les plus crues et les plus triviales de son existence m’apparaissent devant les yeux, par surprise. Pourquoi ? Je ne sais pas vraiment. On a pourtant dépassé, du moins pour cette année, les dates anniversaires qui auraient pu raviver ce genre d'images.
Les images de son tout petit cercueil se refermant sur son tout petit corps.
Les images de la première fois où nous sommes allées la voir à la morgue, le vendredi 20 septembre 2013.
Les images - que je fantasme - de son autopsie…
Pour beaucoup, accepter une autopsie est une évidence quand on ignore la cause de la mort ou que l'on veut comprendre l'origine de malformations qui ont conduit, directement ou non, à la mort. Pour nous aussi - pour moi aussi - ça a été une évidence d'accepter l'autopsie d'Élise - sur le moment, du moins. Comme si j'espérais que l'autopsie nous apporte des réponses définitives, indiscutables. Comme si j'espérais surtout que l'autopsie légitime la décision que nous avons prise, comme pour me sentir moins responsable, moins coupable. Mais plus j'y pense et plus je me dis qu'il y a vraiment un truc qui ne tourne pas rond sur cette terre pour que des parents aient à associer les mots "enfant" et "autopsie" dans une même phrase, dans une même idée, dans une même réalité.
L'autopsie peut apporter des réponses - mais pas toujours. Dans notre cas, on nous a tellement fait comprendre que les malformations d'Élise étaient "la faute à pas de chance" que je crois que je n'attends plus rien des derniers résultats d'autopsie que nous n'avons pas encore. Du coup, je ne vois plus dans son autopsie qu'un acte sacrilège. Car il y a tellement de violence qu'on ne dit pas derrière une autopsie. Avez-vous jamais imaginé concrètement, réellement, physiquement ce qu'est une autopsie, en quoi elle consiste, ce qu'il advient du corps autopsié ? En ce moment, je n'arrête pas d'y penser.
Son petit corps nu, exposé, seul... sans la chaleur de la vie qui l'a quitté, sans la chaleur de nos bras autour de lui...
Son petit corps si innocent, si délicat, si pur... profané par des inconnus pour qui il n'est qu'un corps sans âme, qu'un organisme autrefois vivant, à étudier, examiner, disséquer...
Son petit corps silencieux et inoffensif... abîmé, martyrisé, torturé par des instruments froids, invasifs, étrangers.
Son petit corps sans vie, sans âme... confié - non, abandonné - à la science pour faire semblant de chercher des réponses que nous n’aurons jamais.
Je voudrais me débarrasser de ces images mais elles sont intrinsèquement liées à la relation, si courte et si incomplète, que nous avons eue avec elle. Je voudrais ne penser à elle que comme ma fille, mon enfant, mon bébé. Mais la réalité, froide, insensible et sans pitié, me rattrape sans cesse.
Rendez-vous post-natal
Aujourd'hui, nous avions rendez-vous avec le Pr Verspyck pour la consultation post-natale.
Je redoutais autant que j'attendais impatiemment ce rendez-vous.
L'appréhension de revivre ce que nous avons vécu tant de fois avant et après ce fameux 24 mai : la route jusqu'au CHU, le parking, l'enregistrement de notre visite à l'accueil, l'attente du rendez-vous.
L'appréhension de revoir le Pr Verspyck, tellement indissociable de ma fille et de son destin.
L'appréhension de retourner là où nous avons passé tant de temps cette année, là où nous avons appris la plus belle des nouvelles et où on nous a fait la pire des annonces, là où mon fils est né et où ma fille est morte.
Je vous passe les détails de l'examen clinique et de la prescription de séances de rééducation périnéale. Rien de bien intéressant ou différent de toute autre jeune accouchée à ce niveau-là.
Lorsque le Pr Verspyck a abordé la contraception, nous l'avons informé que nous ne souhaitions pas en reprendre, sous-entendant que nous souhaitions remettre en route un bébé rapidement. Nous avons enchaîné en lui demandant quand nous devrions nous inquiéter que ça ne fonctionne pas, entre l'allaitement (même s'il ne protège pas à 100%) et notre parcours d'AMP. À défaut de répondre clairement à la question (mais nous avons l'habitude, à force de le "pratiquer"), il nous a dit que tout était possible : que je retombe enceinte spontanément (d'après lui, 10 à 15% des grossesses post-FIV sont naturelles) ou que l'on doive repasser par l'AMP. Nous l'avons toutefois senti sur la réserve par rapport à notre désir de nouvelle grossesse si rapide, il nous a demandé comment je réagirais si je tombais enceinte dès demain. Je lui ai répondu que ça ne poserait pas problème, ce qui l'a clairement laissé sceptique. J'ai conscience qu'il est encore tôt, que cette nouvelle grossesse serait compliquée émotionnellement mais je sais que mes prochaines grossesses seront inévitablement compliquées, qu'elles arrivent dans un mois, un an ou dix ans. Il n'a pu que nous inciter à prendre notre temps... La nature décidera peut-être de l'écouter puisqu'elle n'en fait qu'à sa tête depuis le début...
Nous avons également parlé d'Élise, évidemment. Je crois même que c'est surtout d'elle que nous voulions parler à l'occasion de ce rendez-vous. Il n'avait malheureusement pas les résultats complets de l'autopsie d'Élise, uniquement la première partie de l'examen macroscopique. Manquaient la deuxième partie de cet examen et l'examen histologique. Le Pr Verspyck a tenté de savoir si ces résultats étaient disponibles, en vain. Nous lui avons dit que nous souhaitions les récupérer lorsqu'ils seraient prêts ; nous l'avons senti réticent, par rapport à l'aspect technique et déshumanisé de ces comptes-rendus, mais nous avons insisté pour obtenir tout ce qui concerne Élise. Il a alors promis de nous envoyer le compte-rendu final.
En réponse à nos questions, le Pr Verspyck nous a informés que l'autopsie n'avait pour l'instant pas permis de déterminer la cause des malformations faciales et cérébrale d'Élise, ajoutant que, dans de tels cas de syndromes polymalformatifs avec caryotype normal, leur origine restait quasiment toujours inconnue. Pour résumer, en l'état actuel des connaissances scientifiques, une seule explication : "la faute à pas de chance". Il faut donc que nous nous fassions à l'idée de ne jamais savoir ce qu'elle avait ni dans quel état, moteur et mental, elle aurait été si nous l'avions laissée vivre. Égoïstement sans doute, j'espérais que le rapport d'autopsie nous "conforte" dans notre décision en nous confirmant qu'elle aurait vécu une vie dont nous ne voulions pas pour elle.
Avant de nous confier une copie du premier résultat à sa disposition, nous avons bien senti que le Pr Verspyck a essayé de nous préparer au type de contenu que nous allions y trouver. Je savais à quoi m'attendre, j'ai parfaitement conscience de ce qu'impliquent une autopsie et un rapport d'autopsie, ne fût-ce qu'à travers le prisme, sans doute déformant, des polars que j'ai lus et vus. Mais entre l'approche rationnelle et distante véhiculée par les romans et la réalité appliquée froidement à son propre enfant, il y a un monde. En lisant moi-même le premier compte-rendu macroscopique, j'ai compris que le Pr Verspyck s'était contenté des données les moins violentes et que nous connaissions déjà plus ou moins : terme, sexe, poids, taille, anomalies faciales. Ce sont les autres éléments (que mon mari et moi souhaitions absolument connaître, ne serait-ce que pour en savoir le plus possible sur elle et sur ce qu'ils lui "ont fait" ensuite) qui ont donné une nouvelle dimension à la réalité d'Élise...
"Nature du prélèvement : foetus."
"Il s'agit d'un foetus de sexe féminin, non macéré. Il est examiné à l'état frais."
"L'encéphale a été prélevé."
"Congélation : poumon."
On a beau savoir à quoi s'attendre, l'émotion est vive...
En un peu plus de deux mois, Élise s'était désincarnée, était devenue irréelle, immatérielle, presque chimérique. Elle avait fini par devenir, jusqu'à ce matin, une image, un souvenir, une pensée, parmi les plus précieux de ma vie. Je croyais, à tort, m'être préparée à ce rendez-vous qui lui a brutalement redonné un corps, qui lui a redonné, de façon éphémère, les traits d'une réalité qui s'était peu à peu éloignée et qui est condamnée à s'éloigner de nouveau, à jamais cette fois.
RDV avec le Pr Verspyck - Beaucoup de réponses
S'il n'a pas pu répondre à l'intégralité de nos questions - certains facteurs étant encore soumis à une évolution impossible à maîtriser ou à prévoir, le Pr Verspyck a aujourd'hui pu éclaircir dans une certaine mesure la situation que nous allons vivre dans les prochaines semaines.
Il n'est pour l'instant pas possible de prévoir précisément la date de l'ISG. Dans la mesure où le dernier examen obstétrical (réalisé - heureux concours de circonstances - quatre heures avant notre entretien avec le Pr Verspyck) est rassurant (pas de menace d'accouchement prématuré), le Pr Verspyck préfère temporiser au maximum dans l'intérêt de Gaspard. S'il avait évoqué au départ une ISG à partir de 34 SA, compte tenu de mon état physique, toute semaine ou même journée de plus au chaud est bonne à prendre pour le p'tit loup !
Le Pr Verspyck a donc proposé de m'hospitaliser dans une quinzaine de jours pour faire un point à la fois médical (examen clinique, bilan sanguin de référence, échographie) et psychologique. Ma sortie dépendra des résultats de ce bilan : s'ils jugent préférable de me garder pour une raison ou une autre (indication médicale de pratiquer l'ISG rapidement, fragilité psychologique), il se pourrait que je reste hospitalisée jusqu'à l'accouchement.
Si nous avons bien compris, je serai de toutes façons hospitalisée à compter de l'ISG, d'une part pour que Gaspard et moi soyons sous surveillance - cette intervention n'étant pas anodine sur le plan médical non plus, d'autre part parce que mon mari (et moi aussi, je dois bien l'admettre) ne souhaite pas que je reste seule à cogiter toute la journée avec Élise morte et Gaspard vivant dans mon ventre pendant qu'il sera au travail.
Le cerveau d'Élise sera peut-être un peu drainé lors de l'ISG. Ce sera probablement confirmé lors de la prochaine échographie que réalisera le Pr Verspyck.
Du prochain bilan dépendra peut-être aussi la décision de programmer et déclencher l'accouchement.
Le rendez-vous du 13 septembre avec l'anesthésiste tombe finalement à point nommé.
Il est encore trop tôt pour savoir si l'accouchement se fera par voie basse ou par césarienne ; les voies naturelles ne semblent pas encore exclues.
En cas d'accouchement par voie basse, mon mari pourra rester avec moi en salle d'accouchement.
En cas de césarienne, il n'est pas impossible qu'il puisse rester avec moi, compte tenu du contexte particulier. Bien sûr, en cas de complications (souffrance fœtale ou ralentissement du rythme cardiaque chez Gaspard ou urgence médicale pour moi par exemple), moins il y aura de monde dans le bloc opératoire, mieux ce sera et nous le comprenons parfaitement.
Le Pr Verspyck nous a confirmé que nous pourrions voir Élise entre l'accouchement et l'autopsie et que nous pourrions choisir l'accueil que nous voulons lui faire : passer quelques minutes ou plusieurs heures avec elle, simplement la regarder ou la toucher et la prendre dans nos bras, la voir seule ou avec son frère, prendre des photos, prendre ses empreintes.
A priori, les premiers prélèvements pour l'autopsie seront réalisés dès le lendemain de l'accouchement et ne dureront que quelques jours au plus.
Après l'autopsie, nous pourrons la revoir, elle sera "visible" ; le Pr Verspyck nous a confirmé qu'elle ne serait pas "un bébé en mille morceaux".
Si nous avons bien compris, Élise ne restera pas très longtemps à la morgue, ce qui veut dire que, si Gaspard doit séjourner en néonatalogie, nous ne pourrons pas l'emmener avec nous à l'enterrement de sa soeur. Nous ne tenons pas spécialement à ce qu'il y "assiste", nous souhaiterions simplement pouvoir passer quelques jours dans la maison de vacances de mes parents après l'enterrement pour souffler un peu mais, si Gaspard est encore à l'hôpital, il sera inenvisageable que nous restions ne serait-ce qu'une nuit loin de lui.
RDV avec le Pr Verspyck - Des tas de questions
Demain, nous voyons le Pr Verspyck pour lui faire part de notre décision de pratiquer l'interruption de grossesse pour Élise. Au-delà de tous les doutes et interrogations qui nous assaillent, se posent aussi beaucoup de questions bêtement terre-à-terre...
- Quand aura lieu l'ISG ?
- Quand vais-je rentrer avant l'ISG ?
- Quand vais-je sortir après l'ISG ?
- Le cerveau d'Élise sera-t-il drainé lors de l'ISG, comme l'avait évoqué le Dr Diguet ?
- Mon mari pourra-t-il rester à mes côtés pendant l'ISG ?
- A part psychologiquement, est-ce que ça change quelque chose à la fin de la grossesse de porter un bébé mort et un bébé vivant ?
- L'accouchement sera-t-il programmé ?
- Si oui, quand ?
- Le rendez-vous avec l'anesthésiste prévu le 13 septembre est-il tardif ou non ?
- Est-ce que ce sera un accouchement par voie basse ou par césarienne ?
- Mon mari pourra-t-il rester avec moi dans les deux cas ?
- Qui sortira en premier : Élise ou Gaspard ?
- Pourrons-nous voir Élise entre l'accouchement et l'autopsie ?
- Si oui, pendant combien de temps ?
- Si oui, en même temps que son frère ?
- Si oui, sera-t-elle habillée entre l'accouchement et l'autopsie ?
- Si oui, comment : avec des langes de l'hôpital ou avec des vêtements que nous aurons apportés pour elle ?
- Si oui, qui l'habillera ?
- Pourrons-nous prendre des photos d'elle et avec elle ?
- Pourrons-nous prendre ses empreintes ?
- Élise aura-t-elle un bracelet de naissance que nous pourrons garder ?
- Au bout de combien de temps Élise sera-t-elle emmenée pour l'autopsie ?
- Combien de temps sera-t-elle gardée pour l'autopsie ?
- Où sera-t-elle entre l'autopsie et la mise en bière ?
- Qui habillera Élise après l'autopsie ?
- Pourrons-nous revoir Élise après l'autopsie ?
- L'hôpital pourra-t-il garder Élise jusqu'à ce que Gaspard et moi soyons aptes à quitter la maternité ?
- Si oui, combien de temps au maximum, au cas où Gaspard doive séjourner en néonatalogie ?
- Si j'accouche par césarienne, pourrai-je faire deux heures de route dès la sortie de la maternité pour aller enterrer Élise dans le Pas-de-Calais ?
- Si Gaspard est en bonne santé, pourrons-nous lui faire faire deux heures de route dès la sortie de la maternité pour l'emmener avec nous à l'enterrement d'Élise ?
Beaucoup de questions, quelques réponses
Suite à notre dernier rendez-vous avec le Professeur Marret avant notre semaine de répit, nous avions demandé à rencontrer à nouveau le Professeur Verspyck afin de discuter de l'interruption de grossesse, sans que cette demande d'entretien n'ait valeur de décision de notre part. Lors de notre rendez-vous d'hier, nous avons pu lui poser nos questions et obtenir quelques réponses.
Quand aura lieu l'IMG, dans notre cas ?
Comme le Professeur Marret nous l'a déjà expliqué et comme nous l'avons déjà bien compris : le plus tard possible, pour préserver Gaspard au maximum. Le Professeur Verspyck a été plutôt explicite concernant les risques liés à la prématurité, qu'avait évoqués le Professeur Marret : immaturité des organes, retard mental, retard moteur.
Cela veut dire que l'IMG puis l'accouchement auraient lieu, a priori, vers la deuxième quinzaine de septembre.
Si l'IMG est envisagée vers la mi-septembre, combien de temps avant devrons-nous communiquer notre décision ?
Quand nous le voudrons, quand nous serons prêts.
Combien de temps est-ce que je vais garder Élise morte dans mon ventre ?
Le Professeur Verspyck a parlé d'une quinzaine de jours entre l'IMG et l'accouchement mais nous n'avons pas bien compris pourquoi. À choisir, je préfèrerais que l'IMG et l'accouchement s'enchaînent le plus rapidement possible, quitte à retarder l'IMG.
Comment se passe l'IMG en elle-même ?
Comme pour une amniocentèse, ils introduisent une aiguille dans le ventre de la maman pour atteindre le bébé, lui injecter d'abord un produit anesthésiant puis un produit destiné à arrêter son cœur.
Lors de l'amniocentèse, j'avais réussi à rester calme et immobile mais je ne sais pas si je serai aussi forte pour un tel geste...
Est-ce que le papa pourra être présent à mes côtés lors de l'IMG ?
Le Professeur Verspyck nous a assuré que oui, ce qui nous a rassurés, la présence du papa n'étant pas possible dans certains hôpitaux, d'après les témoignages que j'ai déjà lus.
Est-ce que nous pourrons voir notre fille après l'accouchement ?
Le Professeur Verspyck nous l'a confirmé, précisant même qu'ils conseillaient aux parents de voir leur enfant, pour l'accueillir en tant qu'enfant et pour faciliter (si tant est que cela soit possible) le travail de deuil.
Est-ce qu'Élise sera autopsiée ?
Ils le proposent, c'est aux parents d'accepter ou non.
Nous savons déjà que nous souhaitons cette autopsie.
D'abord pour Élise et pour nous : pour essayer de déterminer ce qu'elle a et éventuellement écarter tout risque, s'il existe et s'il est décelable, de récidive lors d'une prochaine grossesse.
Ensuite pour les autres : pour qu'Élise puisse aider, dans une infime mesure, la recherche.
Est-ce que nous pourrons passer une échographie 3D avant l'accouchement pour nous préparer à l'apparence physique d'Élise ?
Le Professeur Verspyck n'a répondu ni par la négative ni par l'affirmative (comme à son habitude) mais nous avons bien compris qu'il n'y voyait pas forcément d'intérêt. Selon lui, même en cas d'anomalies physiques aussi marquées et visibles que celle(s) d'Élise, les parents ne sont pas traumatisés par l'apparence de leur enfant.
Est-ce que l'on peut déjà savoir quel bébé viendra en premier ?
Il est trop tôt pour le savoir.
Est-ce que l'on peut déjà savoir si l'accouchement se fera par voie basse ou par césarienne ?
Là encore, il est trop tôt pour le savoir.
Sans le dire explicitement, le Professeur Verspyck nous a fait comprendre qu'une des indications possibles de la césarienne serait que la dilatation ventriculaire d'Élise évolue à un point tel que sa tête ne passerait pas par voie basse, pour parler trivialement.
Au cours de l'entretien, j'ai exprimé à voix haute une réflexion que mon mari et moi nous faisons depuis le début et depuis qu'ils nous disent qu'ils ne savent pas (et ne sauront probablement pas avant l'accouchement, si tant est qu'ils parviennent à savoir un jour) de quoi souffre Élise : si les médecins étaient capables de nous dire "il s'agit de telle pathologie, avec telles difficultés et tels handicaps attendus", ce serait "plus facile" puisqu'il nous "suffirait" alors de décider si nous sommes capables d'assumer la situation exposée, alors que les incertitudes qui entourent sa pathologie et les difficultés et handicaps à venir nous conduisent à considérer la situation comme un pari. C'est alors que le Professeur Verspyck a rectifié les choses : pour lui, il est certain qu'Élise souffrira d'un handicap impossible à évaluer précisément certes mais qui sera au mieux modéré, au pire sévère, qu'elle ne pourra probablement pas suivre une scolarité classique même en maternelle, qu'elle sera incapable de marcher. Je crois que je n'avais pas encore pris (ou pas encore voulu prendre) conscience de la gravité du handicap dont elle pourrait être atteinte. Sans se transformer en déclic, ses propos m'ont fait un électrochoc.
Au détour de ces questions, le Professeur Verspyck nous a informés que l'étude pangénomique qui avait été lancée 3 semaines plus tôt n'avait rien donné : aucune anomalie n'a été détectée, suite au "zoom" sur les chromosomes d'Élise. Cela ne veut pas dire que l'origine génétique ou chromosomique des malformations d'Élise est définitivement écartée ; cela veut simplement dire qu'ils n'ont rien trouvé, en l'état actuel de leurs recherches et possibilités. Peut-être que l'autopsie permettra de rechercher ailleurs ou autrement et d'identifier quelque chose.
Le Professeur Verspyck nous a par ailleurs rappelé que, si nous sollicitions l'interruption de la grossesse d'Élise, notre demande serait acceptée. En effet, ce n'est pas aux médecins de proposer l'IMG mais aux parents d'en faire la demande - demande qui doit ensuite être examinée et acceptée ou refusée par un centre de diagnostic prénatal pluridisciplinaire, structure qui existe au sein de l'hôpital où nous sommes suivis.