15 avril 2015

Donner la vie, le quotidien d'une maternité

Vidéo

Émission "C'est ma vie" diffusée sur M6
Date : 14 février 2015
Durée : 1h02

La maternité où l'émission a été tournée, c'est celle du CHU de Rouen, où j'ai accouché.
Le sage-femme qui est suivi, c'est Franck, qui a commencé l'accouchement d'Élise et Gaspard et terminé l'accouchement de Hector.

Posté par Tannabelle à 14:50 - - Commentaires [3] - Permalien [#]
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Franck

Franck, c'est le sage-femme qui s'est occupé de nous le 18 septembre 2013 et le 9 février 2015. Un pur hasard, une heureuse coïncidence, le destin qui se trouve pris de remords ? Peu importe. Nous avons été heureux de croiser sa route il y a bientôt 19 mois et de la croiser à nouveau il y a un peu plus de 2 mois.

Franck, c'est cet homme qui exerce un "métier de femme", auprès des femmes.
Franck, c'est celui qui sait se montrer à la fois présent et discret, impliqué et pudique, rassurant et respectueux.
Franck, c'est celui qui sait trouver les mots ou le silence qu'il faut quand il faut.
Franck, c'est celui qui connaît notre histoire et sait quoi en faire.
Franck, c'est celui que le destin a mis sur notre chemin pour deux des dates les plus importantes de notre vie.
Franck, c'est celui qui fait partie de notre histoire et de l'histoire de nos enfants.
Franck, c'est l'un de ceux qu'Élise a entendus en dernier avant de mourir.
Franck, c'est l'un de ceux que Gaspard a entendus en dernier avant de naître.
Franck, c'est celui que Hector a vu en premier.

Je me souviendrai toute ma vie de la douceur et du respect avec lesquels Franck s'est occupé de moi, de mon mari, d'Élise et Gaspard, de ses gestes rassurants, de ses yeux remplis d'empathie.

Je me souviendrai aussi toute ma vie des regards que nous avons échangés avec Franck à l'instant où Hector est né, des plaisanteries que nous avons partagées avec lui pendant l'accouchement, de son regard complice lorsque j'ai dit à Hector qui venait de naître qu'il était aussi brun que sa sœur.

Rien que de repenser aux moments si forts, si intenses que nous avons partagés avec lui m'émeut aux larmes. Je suis tellement heureuse d'avoir recroisé sa route.

merci

Mon seul regret, c'est de n'avoir pas osé lui demander de faire une photo de ou avec lui au moment où nous nous sommes quittés dans la nuit du 9 au 10 février 2015, moi dans le lit, Hector dans son berceau, mon mari à côté de moi et lui sur le pas de la porte de la chambre. Regret que je nourrissais chaque jour jusqu'à ce 14 février où j'ai eu la joie de découvrir (grâce à une amie qui m'a transmis l'information) qu'il était à l'honneur dans un reportage diffusé sur M6. Grâce à cette vidéo, nous pourrons garder une image de lui ; mieux, nous pourrons même nous remémorer sa voix et sa douceur, en écho à ce que nous avons vécu avec lui. Quel réconfort pour nous qui savons si bien que tous les souvenirs finissent par s'effacer, même les plus beaux, même les plus précieux...

Naissance de Hector

Mon séjour à la maternité a duré moins longtemps pour Hector que pour Élise et Gaspard ; j'ai par ailleurs vécu de plein fouet le fameux baby-blues dès le mercredi soir (Hector étant né un lundi soir), ce qui m'a rendue très émotive et donc peu disponible pour autre chose que Hector ou moi. Ainsi, je n'ai pas eu autant d'occasions que je l'aurais souhaité de coucher sur le papier ce que nous venions de vivre et les émotions qui m'habitaient immédiatement autour de cette naissance.

J'ai commencé à ressentir des contractions de plus en plus intenses et rapprochées le samedi 7 février. Le dimanche soir, j'ai même perdu un peu de sang, ce qui m'a conduite à téléphoner aux urgences maternité du CHU où je suis suivie pour m'entendre dire qu'il s'agissait probablement du col qui commençait à se préparer un peu ou de la perte du bouchon muqueux.
Le lendemain matin, le lundi 9 février donc, les contractions étaient toujours aussi présentes. J'ai passé la matinée allongée alternativement dans le lit, le canapé et un bon bain chaud, histoire d'essayer de me dé-contracter. Mon mari est rentré déjeuner comme tous les midis et m'a trouvée à moitié contorsionnée à chaque contraction. En début d'après-midi, à 14h49 exactement (je le sais, mon appel figure encore dans l'historique de mon téléphone ^^), ayant constaté que les contractions, en plus d'être douloureuses, étaient espacées de moins de cinq minutes, j'ai téléphoné aux urgences maternité où l'on m'a conseillé de venir leur rendre une petite visite.
Le temps de prévenir mon mari, de finaliser les affaires de Gaspard, d'aller le récupérer à la crèche et de le déposer chez ma belle-sœur (qui était par chance en congé ce jour-là), mon mari et moi avons dû arriver au CHU vers 16h30.

Prise en charge aux urgences maternité, monitoring, examen clinique... et finalement, vers 17h30, LA petite phrase tant attendue : "on vous garde". Ouf ! Contrairement à ce que je craignais, il s'agissait bien de contractions d'accouchement et non d'un faux travail.
La sage-femme qui nous prend alors en charge s'appelle Aurélie ; je la connais déjà puisque c'est elle qui s'est occupée de moi en unité kangourou après la naissance d'Élise et Gaspard. Elle est douce, gentille, prévenante et au courant de notre histoire particulière. Que demander de plus ?

Je ne me souviens plus du timing exact mais je me rappelle que l'anesthésiste n'a pas tellement tardé à venir me poser la péridurale. Je me rappelle surtout son humour décalé, pince-sans-rire, qui pourrait même en vexer plus d'un. Heureusement, je suis sur la même longueur d'ondes que lui et rentre dans son jeu.
Petit florilège :

  • Selon lui, la péridurale n'est pas nécessaire puisque je ne semble pas souffrir tant que ça. C'est que je sais me tenir, moi, Môssieur ! Rester digne en toutes circonstances, tel est mon credo.
  • Il m'interroge sur ma gestité. Je lui résume ma première grossesse en quelques mots. Et lui de s'exclamer : "et à part des enfants, vous faites quoi dans la vie ?"
  • D'où la question suivante, quand je lui apprends que je travaille dans la traduction : "vos parents sont étrangers ?". Non, non, mes parents sont franco-français. "Ah oui, des ploucs de base, quoi". "Oui, comme vous et moi."

Bref, une fois la péridurale posée, Aurélie m'examine de temps en temps et se montre à la fois inquiète et rassurante : Hector n'est pas très bien positionné, il regarde vers le haut, mais l'examen clinique laisse penser que je pourrais accoucher assez rapidement, d'ici 21h00.
Peu avant la fin de son service, Aurélie nous informe qu'elle ne pourra pas pas terminer l'accouchement avec nous et qu'elle va devoir passer le relais. À tout hasard, nous lui parlons de Franck. Quelques minutes plus tard, elle revient avec une nouvelle qui nous ravit : Franck est de service ce soir et va pouvoir s'occuper de nous ! L'accouchement touche à sa fin, nous ne passerons que quelques petites heures ensemble mais nous sommes heureux de le retrouver.

Hector continue à faire des siennes en regardant vers le haut. Franck me fait changer de position pour l'aider à se placer naturellement dans la bonne position.
En parallèle, le monitoring révèle que Hector commence à souffrir du travail : son rythme cardiaque ralentit considérablement à chaque contraction. Franck prélève alors sur son crâne de quoi tester ses lactates (et nous informe au passage que "c'est pas la fête du cheveu" ^^) afin de confirmer ou infirmer le manque d'oxygène dont semble souffrir Hector. Le taux se révèle rassurant à ce stade de l'accouchement.
Un peu plus tard, alors que Franck revient m'examiner pour voir où en est la dilatation de mon col,je me fais gentiment rappeler à l'ordre car il semblerait que j'aie légèrement abusé de la péridurale : je n'arrive pas à bouger seule mes jambes et mon bassin. "Va falloir se calmer un peu". Bien, chef ! À ma décharge, quand on me dit de ne pas hésiter à appuyer, eh bien je n'hésite pas à appuyer...! ^^
Franck nous annonce ensuite que c'est pour bientôt. Là encore, je ne me souviens plus du timing exact mais, alors que Franck craignait de devoir recourir aux forceps pour sortir Hector en raison de sa mauvaise position, ce dernier a finalement eu la bonne idée de se retourner de lui-même.
Quelques poussées plus tard, Hector pointe le bout de son crâne et mon mari peut alors, comme Franck le lui avait proposé et comme il le souhaitait, finir de le sortir lui-même, avant de couper son cordon, comme pour Élise et Gaspard. Hector met un peu de temps à réagir, il semble légèrement sonné, l'accouchement a été éprouvant pour lui, ce que nous confirme Franck après avoir à nouveau testé ses lactates : il était temps que Hector sorte car il commençait véritablement à manquer d'oxygène. Comme quoi, tout peut basculer à n'importe quel moment, même quand la grossesse s'est parfaitement déroulée... Petite frayeur a posteriori donc, heureusement vite balayée par la confirmation de Franck : Hector va très bien.

Pendant que je reprends mes esprits, mon mari en profite pour accueillir Hector par une petite séance de peau-à-peau, avant que je ne l'accueille à mon tour par la "tétée de bienvenue".Ensuite, alors que Franck répare la petite déchirure que j'ai paraît-il subie, mon mari habille Hector avec l'aide de l'auxiliaire de puériculture. La taille "naissance" est vite écartée : Hector enfile directement la taille "1 mois", là où Gaspard a porté pendant quelque temps la taille "prématuré" et où Élise n'a porté que du naissance, puisque nous n'avons pas trouvé de vêtement (et non un pyjama) en taille "prématuré" pour elle.

Arrive ensuite le moment pour Hector, mon mari et moi de rejoindre la chambre et de quitter Franck, à regrets mais avec le bonheur d'avoir partagé avec lui tous ces moments si forts.

17 octobre 2013

Retour en arrière - Épisode 4 - Mourir avant de naître

(Premier épisode ici)
(Deuxième épisode ici)
(Troisième épisode ici)

Nuit du mardi 17 au mercredi 18 septembre
Mon mari venant au CHU en métro, nous sommes piétons pour sortir nous changer les idées et le seul restaurant sympa que nous connaissons à proximité se situe à une vingtaine de minutes à pieds (compte tenu du rythme que m'impose mon bidon). Après une quarantaine de minutes de marche aller-retour, pas étonnant que j'aie eu beaucoup de contractions dans la soirée et en début de nuit. Je n'ai pas réussi à fermer les yeux avant 2h du matin, pour me réveiller vers 3h15, puis me rendormir jusque 4h30, heure à laquelle j'ai été réveillée par une brusque et importante sensation d'humidité qui s'est plus que confirmée le temps que j'arrive à la salle de bains. J'ai immédiatement appelé la sage-femme de garde (à qui j'avais déjà eu affaire à de nombreuses reprises pendant notre parcours d'AMP) qui a confirmé qu'il s'agissait bien cette fois de la rupture de la poche des eaux et non d'une simple suspicion comme le week-end précédent. Elle m'a alors donné de quoi rester à peu près au sec, m'a installé un monitoring pour vérifier que les grumeaux allaient bien, m'a fait une prise de sang et m'a mise sous antibiotiques pour prévenir toute infection. Elle a également prévenu l'interne de garde qui devait avertir le Pr Verspyck à son arrivée quelques heures plus tard. Elle a ajouté que, étant donné le contexte, il était probable que tout soit précipité afin d'éviter toute intervention dans l'urgence au cas où le travail se déclencherait spontanément dans les 48 heures.

Mercredi 18 septembre
Je n'ai bien sûr pas pu me rendormir mais n'ai prévenu mon mari que vers 6h30, histoire de le laisser faire une nuit correcte, même si je me doutais que son sommeil ne devait pas être plus serein que le mien. Il est arrivé au CHU moins d'une heure plus tard, tandis que le Pr Verspyck est passé nous voir dès son arrivée à 9h et nous a alors confirmé qu'il souhaitait "écouter la nature" et tout déclencher aujourd'hui. Une sage-femme nous a alors amenés en salle de naissance vers 9h30 et nous a informés que l'ISG et l'accouchement s'y dérouleraient. Un sage-femme, Franck, a alors pris le relais : c'est lui qui allait s'occuper de nous pour la journée. Il nous a annoncé l'ordre des évènements : pose de la péridurale (vu le tableau assez effrayant qui en est fait dans les médias, j'appréhendais un peu mais elle s'est parfaitement déroulée), ISG, déclenchement artificiel, accouchement.

Nous avons patienté jusqu'à l'arrivée du Pr Verspyck et de l'interne, vers 11h30, pour l'ISG.
Mon mari et moi nous demandions si nous souhaitions voir l'échographie en cours d'ISG pour dire au-revoir à Élise mais nous n'avons finalement pas eu de questions à nous poser car ils nous ont isolés derrière un champ opératoire placé sous ma poitrine, comme pour une césarienne. Par ailleurs, pendant toute l'intervention, le Pr Verspyck, l'interne et Franck ont eu la délicatesse de chuchoter. Nous avons donc été épargnés autant que possible pendant ce moment si particulier, le Pr Verspyck se contentant d'annoncer, ce mercredi 18 septembre 2013 à 12h15 : "le bébé est décédé".
Il nous a ensuite simplement prévenus juste avant de procéder au drainage du cerveau d'Élise.

J'avais peur d'être secouée de sanglots pendant l'acte, au risque de gêner la précision nécessaire des gestes, mais j'ai finalement réussi à prendre à peu près sur moi, ne ressentant que le besoin de prendre quelques grandes inspirations.
A l'annonce du décès d'Élise, j'ai demandé à mon mari s'il avait pu lui dire au-revoir dans sa tête et dans son cœur, il m'a répondu que oui.
C'est seulement une fois l'ISG terminée que j'ai fondu en larmes...

Une fois que nous nous sommes retrouvés seuls à nouveau, j'ai demandé à mon mari s'il pensait que nous avions bien fait, il m'a répondu qu'il ne fallait plus se poser la question.