24 mai 2020

7 ans et puis s’en va...

7 ans... Il y a 7 ans, le 24 mai tombait un vendredi, en pleine insouciance.
Hier soir, en me couchant, j’ai repensé à ce jeudi 23 mai 2013, à cette dernière nuit de légèreté. Et j’ai éprouvé comme de la honte ou de la gêne pour celle, si naïve, que j’étais alors...

Il s’en est passé, des choses, en 7 ans. Pour vous, pour nous, pour tout le monde.
En 7 ans, nous avons déménagé 3 fois, mon mari a changé de métier et d’entreprise, j’ai quitté le salariat pour m’installer à mon compte, nous avons perdu - ne serait-ce que de vue - des personnes chères à notre cœur.
Et surtout, nous avons rempli notre vie de rires et de chagrins d’enfants, de rires et de chagrins d’adultes... pour combler ce vide immense, ce gouffre, cet abime qui s’est ouvert ce jour-là, ce vendredi 24 mai 2013.

Ce vide est toujours là. Il est rempli de tout ce que la vie a à offrir, de bon ou de mauvais, de réjouissant ou de désespérant, mais il est toujours là et sera toujours là. Ma fille, mon Élise, c’est un trou éternel dans le cœur.

Je crois que ce 24 mai est, pour moi du moins, la pire journée de ma vie de maman d’Élise - pire encore que la journée fatale du 18 septembre - parce que c’est ce jour-là que je suis tombée... non, que j’ai commencé à tomber, à tomber, à tomber, jusqu’à toucher le fond... pour un jour commencer à remonter à la surface... 

Ce blog, dans sa véritable essence, a débuté il y a 7 ans jour pour jour. 7 ans, l’âge de raison ? L’âge pour y mettre un terme, en tout cas. Je n’ai pas encore décidé si j’allais le supprimer ou non de la toile et j'en conserverai de toute façon une archive personnelle qui passera peut-être à la postérité familiale, si un jour Gaspard, Hector et Agathe veulent en savoir davantage, mais il est certain que je n’y publierai plus rien.
Cette aventure sur le net a vu le jour par ennui ou par hasard, elle se termine par choix. D’aucuns diront que c’est parce que j’ai « tourné la page ». Je ne suis pas d’accord : à la rigueur, j’ai « tourné une page », mais mon livre d’Élise ne se refermera jamais. Je pense à elle CHAQUE JOUR et il en sera ainsi jusqu’à ma mort.

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Merci à celles et ceux qui m'ont lue, assidument ou sporadiquement, qui m'ont soutenue de près ou de loin, qui m'ont écrit en privé ou ont commenté en public, qui se sont manifestés d'une manière ou d'une autre ou qui sont restés dans l'ombre.Rendez-vous dans cette vie-là ou dans celle d'après !

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23 mai 2019

Smile Train

Comme certains le savent, je suis traductrice.
Comme peu le savent, depuis quelques mois, je traduis bénévolement pour Traducteurs sans frontières.

J'ai déjà traduit pas mal de choses sur des sujets aussi variés que les droits de l'Homme, la pauvreté, la malnutrition ou le handicap. Et voilà qu'aujourd'hui, en cette veille de ce p..... de 24 mai où nous avons découvert les malformations faciales et cérébrales d'Élise, j'accepte pour la première fois une traduction pour Smile Train, un organisme humanitaire qui - je vous le donne en mille - s'occupe... des fentes labiales et palatines !

J'ai envie d'y voir un signe... mais un signe, c'est censé avoir une signification, non ? Alors quelle est-elle ?

SmileTrain

 

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24 mai 2018

Le jour où...

Il n’y a rien à faire.
Tous les ans, c’est la même chose et cette année n’échappe pas à la règle.
Nous y sommes.
Nous sommes le 24 mai.

Pourtant, rien ne s’est réellement passé ce jour-là. Tout était déjà en marche avant. Depuis quand, nous ne le savons pas. Depuis le traitement en AMP, depuis la fécondation in vitro, depuis la formation de cet embryon, depuis sa réimplantation, depuis mes saignements en tout début de grossesse ? Tout était déjà en préparation, en latence.
Toute cette bulle de malheur et de désespoir a grossi, en secret, avec lâcheté, de façon insidieuse… jusqu’à éclater en ce jour de mai.

Elles s’étaient déjà invitées dans mon ventre à notre insu, mais c’est ce jour-là que la maladie, les malformations, la mort ont fait une entrée fracassante dans notre vie.

Le vendredi 24 mai 2013.
Le jour où tout a basculé.
Le jour où nous avons atteint un point de non-retour.
Le jour qui marque la frontière entre l’avant et l’après.
Ce jour-là, nous avons su.
La macabre machination destinée à nous faire choisir était enclenchée.
Cette boîte de Pandore qu’on ne pouvait plus refermer.
Cet engrenage infernal qu’on ne pouvait plus arrêter.

Neuropédiatrie

23 mai 2017

Comme par surprise

Tu avances, plutôt bon gré que mal gré depuis quelque temps. Tu fais des projets, à court, moyen et long terme. Tu envisages même de fermer ce blog, faute d'inspiration. On peut le dire : malgré les souvenirs amers, les regrets que tu ne parviens pas à éteindre, les chansons que tu ne peux plus écouter les yeux au sec, tu vas plutôt bien, globalement.
Grâce à une certaine rencontre fin 2016, qui a peut-être éveillé des choses en toi, ou eu un simple effet placebo, ou purement coïncidé avec le bon moment au fond de toi.
Grâce au sport, auquel tu t'es enfin mise, depuis plusieurs mois, assidûment, et qui te fait du bien physiquement et mentalement.
Grâce au temps qui passe, aussi, certainement.

Et puis tu la vois arriver, l'air de rien. Tu te dis que ça va aller, que ton moral est suffisamment solide par ailleurs pour réussir à l'affronter, que tu ne vas pas poser un genou à terre juste à cause d'elle.
À mesure qu'elle se rapproche, tu l'observes, la toises, la guettes, comme pour la défier, et te rassurer un peu, aussi.
Tu ne parles pas d'elle, comme pour lui donner moins d'emprise sur toi.
Tu t'efforces de l'ignorer, comme pour la forcer à t'ignorer en retour.

Et finalement, elle est là. Tu te retrouves au pied du mur, tu ne peux plus l'éviter ni faire semblant et tu te la prends en pleine face, comme sans t'y attendre, comme si tu ne l'avais pas vue arriver, comme si tu croyais pouvoir la rayer, chaque année, de ta vie, de tes souvenirs et de tes pensées.

Cette putain de date anniversaire.
Cette putain de date qui a fait basculer ta vie, il y a quatre ans.
Celle qui n'arrive pas qu'aux autres, finalement.
Celle qui a donné un sexe, un prénom... et des malformations à ta fille.
Celle qui a rendu ta fille malade.
Celle qui a rendu ta fille mortelle.

Larme

24 mai 2015

24

Mon "bébé de droite" devenait un petit garçon.
Mon "bébé de gauche" devenait une petite fille.
Seul mon mari devait connaître le sexe des grumeaux avant leur naissance. Mais l'échographiste, après avoir commencé par le bébé de droite et après en avoir révélé le sexe à mon mari à l'abri de mes yeux et de mes oreilles, avait pensé à voix haute, toute concentrée qu'elle était sur ce qu'elle était en train de découvrir et de comprendre : "Pour la petite fille, c'est plus compliqué", avait-elle gaffé, d'un air sérieux. Une phrase, quatre informations : ce bébé est une petite fille, l'autre bébé est un petit garçon, ce bébé ne semble pas aller bien, l'autre bébé semble aller bien.

Mon "bébé de droite" devenait Gaspard.
Mon "bébé de gauche" devenait Élise.
Les prénoms de nos bébés étaient déjà choisis en fonction des trois "combinaisons" de sexes possibles. Mais nous ne devions les appeler par leurs prénoms qu'à leur naissance.

Mon "bébé de droite" restait un bébé a priori en bonne santé.
Mon "bébé de gauche" devenait effectivement un bébé malade, malformé, anormal.
Dans tous ces qualificatifs devenus indissociables d'Élise, il y a le mot "mal". Ne pas être en bonne santé, c'est mal. Ne pas être correctement formé, c'est mal. Ne pas être dans les normes, c'est mal. De là à dire qu'Élise était l'incarnation du Mal, que le Mal était en elle...

Tout cela s'est passé un 24 mai. Le 24 mai 2013. Il y a 24 mois.

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23 mai 2014

24 mai

Aujourd'hui, nous sommes le 23 mai.

Il y a 8 mois, c'était presque la première fois que nous voyions ton visage, que nous prenions ta main, que nous t'embrassions. Et pourtant c'était aussi et surtout la dernière fois.

Demain, nous serons le 24 mai.

Il y a un an, j'avais passé une belle après-midi avec des amis venus égayer mes journées en solitaire.
Nous nous étions amusés de mon statut temporaire de "personne à mobilité réduite", en raison de l'hématome qui m'obligeait à limiter mes déplacements.
Nous avions parlé des sexes qui devaient rester secrets jusqu'à la naissance.
Nous avions évoqué les trois couples de prénoms que nous avions choisis.

Il y a un an, mon mari et moi étions sur le point de découvrir que la vie peut se comporter en traîtresse.
Il y a un an, mon mari et moi étions sur le point de recevoir un message de ces amis désireux, en toute bienveillance et en toute innocence, de savoir si mon statut de PMR était prolongé ou non.
Il y a un an, mon mari et moi étions sur le point d'apprendre les sexes de nos jumeaux de façon un peu fortuite.
Il y a un an, mon mari et moi étions sur le point de commencer à appeler, un peu plus tôt que prévu, nos jumeaux par leurs prénoms.

Il y a un an, notre vie a commencé à basculer. Lentement, progressivement, inexorablement.

Ce 24 mai 2013, la plus grosse inquiétude que nous a laissée l'échographie était liée à la fente labio-palatine d'Élise.
C'était l'anomalie la plus visible.
C'était l'anomalie la plus grave.
C'était l'anomalie qui avait bien voulu dire son nom immédiatement.
C'était l'anomalie définitive, celle qui ne pourrait de toutes façons pas disparaître d'elle-même in utero.
C'était l'anomalie qu'il faudrait traiter et opérer dès les premiers mois de vie d'Élise.
C'était l'anomalie qui nous "parlait" le plus, à nous, les profanes.
C'était l'anomalie qui nous laissait entrevoir que nous avions des moyens d'action.
C'était l'anomalie qui ne nous interdisait pas de nous projeter.

Ce 24 mai 2013, nous avons occulté la deuxième anomalie d'Élise : la dilatation des ventricules de son cerveau.
C'était l'anomalie la moins visible.
C'était l'anomalie la moins grave.
C'était l'anomalie qui pouvait n'être qu'une fausse alerte, celle qui pouvait stagner, voire régresser ou même se résorber d'elle-même in utero.
C'était aussi l'anomalie qui faisait peur, celle-dont-il-ne-fallait-pas-prononcer-le-nom.
C'était surtout l'anomalie qui pouvait faire basculer notre vie.