29 janvier 2017

Et bam !

Hier soir, pendant le repas.

Alors qu'il venait de se faire reprendre parce qu'il avait fait une petite bêtise, Gaspard, après être resté silencieux un instant, s'est tourné vers moi, l'air penaud, les yeux humides. Je lui ai demandé s'il pleurait parce que Papa l'avait disputé et m'apprêtais à lui réexpliquer tranquillement le pourquoi du comment lorsqu'il m'a interrompue : "non, je suis kriste" - "Ah bon, pourquoi tu es triste ?" - "Ze suis kriste passque Élise elle est morte"

Et bam, on l'avait pas vue venir celle-là ! Une maman au bord des larmes, un papa en pleurs...

Larme

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Je m'en contenterais

Un matin de cette semaine, dans la voiture.

Nous venions de déposer Hector à la crèche et étions en route pour l'école. Comme cela lui arrive régulièrement, Gaspard m'a demandé de "mettre Élise". Je vous explique : notre voiture possède un GPS intégré et qui affiche, l'espace de quelques secondes, un fond d'écran à chaque fois que nous mettons le moteur en marche. Le fond d'écran par défaut, nous l'avons remplacé par cette image, que nous pouvons par ailleurs afficher à volonté. Gaspard m'a donc demandé de mettre à l'écran ce dessin où apparaît Élise. Pourquoi n'y associe-t-il qu'Élise, alors qu'il sait parfaitement qui sont les deux petits garçons, je ne sais pas, mais peu importe.

J'affiche donc le dessin en question, mais après quelques secondes à peine, Gaspard change d'avis et s'exclame, comme s'il était agacé : "ze veux plus Élise !". Dans ces cas-là, je ne discute pas, j'ai la hantise chevillée au corps de lui imposer malgré moi l'envahissante absence de sa sœur. Mais j'essaie quand même de désamorcer la colère que je pense avoir détectée. Et lui de me répondre, sur un ton de reproche : "je veux qu'Élise elle vienne jouer avec nous !".

Moi aussi, mon amour, je voudrais qu'elle vienne jouer avec vous. Pour tout te dire, je n'en demande même pas plus. Qu'elle vienne occasionnellement s'amuser en famille. Même juste un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires, ça me suffirait... Je ne ferais pas la gourmande : je veux bien la laisser où elle est même à Noël et le jour de la fête des mères ! Puisqu'il n'y a pas de mot pour nous désigner, moi ou mon mari, empruntons ceux qui existent : je veux bien être juste "divorcée de ma fille" plutôt qu'être "veuve de ma fille"...

Quand on n'a rien, on se contenterait de peu...

 

Cela me rappelle d'ailleurs une chanson d'Isabelle Boulay qui résonne, en grande partie, différemment aujourd'hui : "Je m'en contenterai"...

Audio

Tu es comme une odeur
Dans un coin de mon coeur
Qui me colle aux regrets
Et même t'apercevoir
À travers le brouillard
Je m'en contenterai

Sur le grand tableau noir
La craie de ma mémoire
Ne peut pas s'effacer
Et même te voir de loin
Dire adieu à un train
Je m'en contenterai

Je m'en contenterai

Je n'ai pas d'autres choix
Tu es le seul été
Qui me sauve du froid
Même de tes non-dits
Et même de ton mépris
Sache que bon gré mal gré

Je m'en contenterai

Tu erres en mon chagrin
Comme on promène un chien
Dans un mauvais quartier
De ces mots de bazar
Que t'écris au hasard
Sur du mauvais papier

Je m'en contenterai

Je n'ai pas d'autres choix
Tu es le seul baiser
Que je n'oublierai pas
Mon coeur vide de mots
Et mon corps, de ta peau

Je m'en contenterai

Dans un coin de mon lit
Ton absence est un cri
Que je n'ai pas poussé
Un cri du fond de moi
Qui grandit chaque fois
Que je crois t'oublier
Jusqu'au bout de ma vie

Je me contenterai
D'un reflet dans la nuit
Je me contenterai
Et faute d'avoir le tout
Je me contenterai
De toi par petits bouts
Je me contenterai
De t'attendre partout

Et si je meurs de ça,
Tu t'en contenteras

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26 janvier 2017

On refait le match

Internet n'oublie rien et Facebook ne déroge pas à la règle. Au contraire, le non-droit à l'oubli a même été institutionnalisé sur ce réseau social. Aujourd'hui, il m'a donc rappelé ce que j'avais publié il y a quatre ans jour pour jour :

Dans le désordre, en près de 3 ans de traitement, à quelques heures de la 3e FIV :

  • 25 échographies
  • 1 IRM
  • 1 ponction de kystes
  • 29 prises de sang
  • 2 suppositoires
  • 1 hystérographie
  • 190 comprimés
  • 2 ponctions d'ovocytes
  • 1 replacement
  • 78 piqûres
  • 2 embryons non viables
  • 1 embryon viable
  • 0 bébé
Cela me fait d'ailleurs penser à une photo qui circule depuis un moment déjà et qui s'est elle aussi rappelée à mon souvenir il y a peu :

traitements FIV


Quatre ans plus tard, je peux refaire mon bilan. À ce même décompte, on peut désormais ajouter :
  • 1 grossesse provoquée
  • 1 grossesse spontanée
  • 2 bébés vivants
  • 1 bébé mort
Sur le papier, le compte est bon : 2 grossesses, 2 bébés à la maison. Mais dans les faits, les statistiques sont moins réjouissantes : 33% de perte, pour laisser parler la froideur implacable des chiffres... Si, avec un peu de chance, d'autres bébés rejoignent notre foyer, le taux diminuera peut-être à 25% voire 20%, mais Elle me manquera toujours autant...
Comme quoi, des chiffres, ça ne veut pas dire grand-chose. Seul ce que l'on ressent importe vraiment.

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17 janvier 2017

Avec et sans

Tu avances, tu ne réfléchis pas, tu te laisses emporter par le tourbillon de la vie, tu gères le quotidien. Et puis, de temps en temps, tu n’arrives plus à donner le change, à faire semblant, à te concentrer. Sans savoir pourquoi, sans raison apparente, sans date particulière, sans facteur déclenchant.
Ça ira mieux demain, certainement. Juste un jour « sans », probablement.

Comme pour reprendre ma dose de souffrance avant de repartir au front, histoire de ne pas oublier que, malgré les apparences, elle est toujours là, tapie, sournoise, préférant la surprise à l’habitude.
Comme pour ouvrir les vannes, laisser se déverser tout le flot qui m’envahit, faire semblant d’assécher pour mieux se laisser submerger, encore et encore. Remplissage, évacuation. Remplissage, évacuation. Le niveau ne se stabilisera-t-il jamais ?!

Ces jours-là, j’ai l’âme en miettes, le regard ailleurs, le manque à fleur de peau.
J’ai envie de m’enfermer dans ma bulle de mélancolie.
J’ai l’humeur à écouter tous ceux qui me parlent de toi sans même le savoir.

 

Parmi eux, il y a Benjamin Biolay.

« Si tu n'fleuris pas les tombes
Mais chéris les absents »

Je fleuris rarement ta tombe. J’y vais rarement ; je n’ai pas envie d’y aller, je n’en ai pas besoin non plus. Cela ne m’apporte rien d’y aller et ne m’enlève rien de m’en abstenir. Remarque, j’ai arrêté de culpabiliser de m’y rendre si rarement, quel progrès ! Heureusement, ma culpabilité a encore de quoi se nourrir avec tout le reste...

« Ça n'est pas ta faute
C'est ta chair, ton sang
Il va falloir faire avec
Ou... plutôt sans »

Choisir, mais subir. Subir ce que l’on a choisi. Il va falloir faire sans. Sans toi. « Avec eux » et « sans toi ». Pire, « avec eux » est « sans toi ».
Il y a toujours l’absence, en creux, et le silence, en écho.
Comme le négatif d’une photo.

 

Parmi eux, il y a Lynda Lemay.

« Qu'est-ce qu'il fout Dieu le Père
Quand il ne répond pas
Qu'a-t-il de tout puissant
Ce vieux fantôme-là
Qui n'lève pas le p'tit doigt
Pour sauver mon enfant »

Ça aurait été commode de croire en quelque chose pour supporter tout ça. J’ai souvent regretté de ne pas avoir la foi, que ce soit pendant ta grossesse, pour savoir quoi faire, ou depuis, pour savoir quoi en penser. Mais aucune grâce divine ni occulte ne m’a jamais touchée, ni avant, ni pendant, ni après. Je reste seule face à moi-même et à la décision que nous avons prise. Seule. Tous les « vous avez bien fait », « vous avez pris la bonne décision », « vous lui avez évité des souffrances », « vous avez fait ça pour elle » glissent sur moi, ruissellent le long de mes questionnements sans fin et se fracassent contre le mur de ma culpabilité.

Larme

Juste un jour « sans », probablement. Ça ira mieux demain, certainement.

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12 janvier 2017

Bon appétit !

Hier midi, j'ai déjeuné en tête-à-tête avec Gaspard, qui n'a ni école ni centre aéré le mercredi.

Alors que nous nous apprêtons à manger, il me souhaite un bon appétit. Il me demande alors où sont Papa ("au travail") et Hector ("à la crèche"), puis lance un joyeux "Bon appétit Élise !". Je me contente de le regarder, un sourire attendri au coin des lèvres, ce qui suscite son interrogation: "Tu dis pas bon appétit à Élise ?". Je lui explique alors que je ne le lui souhaite pas parce qu'Élise est morte et que quand on est mort, on ne peut pas manger. Et lui de s'écrier, avec enthousiasme, fier de sa trouvaille : "Bonne mort Élise !".

Oui, c'est ça, bonne mort Élise... Profite bien de l'au-delà, en nous attendant...

Réflexion

 

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