Gaspard qui rejoignait Morphée si facilement, dormait si paisiblement, se réveillait si tardivement... à part une zone de turbulences inexpliquées en août 2014 et une autre juste avant l'arrivée de Hector !

Voilà plus de trois mois que Gaspard dort mal.
Il se réveille toutes les nuits, voire plusieurs fois par nuit.
Il se rendort parfois seul en quelques instants, mais la plupart du temps il a besoin au moins de notre présence.

Voilà aussi - surtout - trois semaines que Gaspard n'arrive plus à s'endormir seul. Je crois que nous avons tout essayé ou presque.

La veilleuse.
Le faire rire.
L'histoire.
Se fâcher.
La veilleuse à projection orientable.
Jouer.
Le lit sans barreaux.
Lui parler de ses copains Timothée et Hillel.
La lumière de l'escalier allumée.
Lui rappeler les bons moments de sa journée.
La porte ouverte.
Le chatouiller.
La lampe de chevet allumée.
Lui parler de son biberon et de sa tartine au chocolat du lendemain matin.
Le volet pas complètement fermé.
Le rassurer.
La musique.
Chanter.

Rien n'y fait : il ne s'endort qu'avec nous à ses côtés ou dans nos bras.

Notre dernier recours, que dis-je, notre dernier espoir : l'osthéopathie, qu'on nous a conseillée à plusieurs reprises ces derniers jours. J'attends que l'osthéopathe qu'on nous a recommandé me rappelle pour fixer un rendez-vous.

En plus de ce sommeil complètement chamboulé, Gaspard nous semble perturbé à la maison, tandis que résonne toujours le même son de cloche le soir à la crèche : "Bonne journée. Bien mangé. Bien dormi. Bien joué". Et pourtant, chez nous, notre petit bonhomme si facile à vivre jusqu'à présent en vient à "chouiner" pour un oui ou pour un non, à ne réclamer que "Maman, Maman" au point de se débattre dans les bras de son père, à faire des difficultés à manger, à se montrer indifférent ou jaloux envers Hector, à avoir peur de choses qui ne l'effrayaient pas jusqu'à présent, à paniquer face à des situations connues, à sursauter même à des bruits familiers.

Étrangement - ou non (c'est toute la question) - nous sommes entrés dans cette nouvelle zone de turbulences au moment où :

  • Gaspard a repris la crèche après trois semaines de vacances,
  • j'ai repris le travail,
  • Hector a commencé son adaptation à la crèche.

Cela fait donc trois semaines que cela dure, avec un point culminant (sommes-nous sur la pente descendante ?!) la semaine dernière où, par lassitude, découragement, fatigue ou un peu de tout ça, nous l'avons laissé commencer toutes ses nuits avec nous dans le canapé pour les finir dans notre lit.
Là encore, étrangement ou non, ce "pic" coïncide avec le retour en force de mon mal-être par rapport à Élise, à l'approche de leurs deux ans.

Réflexion

Et la frustration qui nous assaille, l'incompréhension qui nous taraude, l'inquiétude qui nous tourmente nous poussent à nous poser des questions. Des questions que nous ne nous poserions pas si Élise n'était pas morte.

Même si nous sommes nécessairement différents des parents que nous aurions été si nous n'avions pas perdu d'enfant, nous essayons d'être ceux que nous voulions être, malgré tout. Nous nous efforçons donc de ne pas tout voir à travers le prisme du décès d'Élise. Il n'empêche...

Je me trouvais ridicule de me poser ces questions-là. Et puis, en échangeant avec mon homme, je me suis rendu compte qu'il se posait les mêmes.

Dans quelle mesure cela est-il "normal" ou lié à Élise ?
Est-ce que Gaspard est perturbé par rapport à Élise ?
Est-ce que c’est à travers ce qu'il ressent, lui ? Ou à travers ce qu’on lui communique - surtout moi - en ce moment ?
Cette période anniversaire est particulière pour nous. L’est-elle aussi pour lui ?
Il nous semble avoir peur de quelque chose le soir. Est-ce du noir ? Est-ce de dormir ? Est-ce d'être abandonné ?
Associe-t-il le sommeil à la mort ?

Le plus frustrant, c'est de le voir aller moins bien qu'avant et de ne pas savoir l'aider.
Le plus culpabilisant, c'est de se dire que, même s'il y a probablement d'autres choses là-dessous et qu'il est probablement trop jeune pour être affecté à ce point par le décès de sa jumelle, notre histoire avec Élise ne doit pas faciliter sa construction...