Il est rare que je parle ici de ce qui me fait souffrir si cela n'est pas lié à Élise.
Comme si ce blog était exclusivement le sien.
Comme s'il m'était interdit de me plaindre de quoi que ce soit puisque le pire est déjà avec moi.
Mais j'ai besoin de me décharger.
 
J'ai bien entamé mon capital de mère au foyer en restant quasiment 12 mois à la maison avec Gaspard.
Dans deux semaines, je l'aurai encore grignoté en restant plus de 6,5 mois à la maison avec Hector.
Sans compter les presque 7 mois et presque 2 mois de femme au foyer qui ont précédé la naissance d'Élise et Gaspard puis de Hector.
 
Et voilà que j'arrive au bout de mes capacités.
 
Ce soulagement honteux quand l'un ou l'autre fait la sieste.
Cette impatience de ne plus être seule avec eux.
Ce rêve coupable qu'ils fassent la sieste en même temps, même rien que dix minutes.
Cette lassitude de ne rien pouvoir faire d'autre que ranger, nettoyer ou cuisiner quand ils me laissent un peu de répit.
Cette crainte de ne pas leur apporter ce dont ils ont besoin
Ce regret de n'être complètement ni avec l'un ni avec l'autre tant ils ont besoin d'attention tous les deux.
Cette patience qui s'est envolée.
Cette maman que je suis et que je peine parfois à reconnaître.
Ce besoin - cette nécessité - de repos physique et nerveux.
 
Cette vie n'est pas pour moi.
 
Il me tarde de reprendre le travail, malgré tout.
Pour être une femme. Pour travailler. Pour être entourée d'adultes.
Pour quitter la maison. Pour y revenir avec plaisir.
Pour lâcher du lest.
Pour ne plus être qu'une mère.
Pour être plus qu'une mère.
 


Le cercle vicieux
Tu as vécu - tu vis - le pire : le deuil de ton enfant.
Rien n'est grave, rien n'est important, rien ne vaut le décès de ton enfant, rien ne mérite que tu t'y attardes autant.
Ce que tu vis en ce moment avec tes autres enfants n'est donc ni grave, ni important.
Prends sur toi et ça passera.
Mais tu prends sur toi et ça ne passe pas.
 
Alors tu prends sur toi à nouveau. Pas pour continuer à lutter cette fois mais pour ravaler ta fierté.
Ne pas y arriver. Ne plus y arriver.
Le reconnaître.
L'accepter.
Le dire.
Demander de l'aide. À la famille. Aux amis.
 
Mais par-dessus tout ça : la culpabilité.
De ne pas y arriver, justement.
De ne pas être la mère que tu voulais - que tu voudrais - être.
De te dire - à nouveau, alors que ta relation avec Hector s'est apaisée et ressemble à celle que tu imaginais - que si c'était à refaire, tu ne le referais pas. Pas si vite en tout cas.
De te plaindre de tes deux fils bien vivants alors que tu donnerais tout pour que leur soeur soit là aussi et être encore plus épuisée.
 
Et en même temps le sentiment d'être légitime.
Parce que le décès de ta fille a remis beaucoup de choses à leur place.
Parce que tu sais ce qui est grave ou important.
Et parce que tu sens qu'en ce moment ce n'est pas anodin.

Réflexion