Avant de rencontrer des difficultés à tomber enceinte, je ne m'étais jamais posé de questions sur le sujet. Et puis, à force de vivre au rythme des espoirs et des déceptions (car on ne se rend pas tout de suite compte que l'on rejoint, progressivement mais sûrement, la catégorie de "ceux qui n'y arrivent pas") alors que les amis font des enfants à peu près quand et comme ils en ont envie, on se met forcément à réfléchir sur la maternité, la parentalité, ce fameux prétendu "droit à l'enfant". On y réfléchit aussi quand on est confrontés à une question insoluble à laquelle il faut pourtant bien donner une réponse. On y réfléchit encore plus quand on décide d'aller contre Dame Nature en ne donnant aucune chance à son enfant pourtant viable.
Au nom de quoi avoir un enfant serait-il un droit ? Pourquoi aller contre Dame Nature sur ce sujet-là ? La vie est injuste par nature alors pourquoi ne pas pouvoir avoir d'enfants serait-il une injustice plus injuste que les autres et contre laquelle il faudrait lutter particulièrement ? Toutes ces questions m'ont traversé l'esprit, avant même que je ne devienne mère, alors que je faisais tout pour le devenir, grâce à la médecine.

Et puis, il y a plusieurs années déjà, avant même de réussir à enfin tomber enceinte, j'ai pris conscience que c'était égoïste d'avoir recours à l'AMP uniquement pour nous alors que d'autres couples pourraient concrétiser leur désir d'enfant grâce à l'AMP et au coup de pouce de donneurs...
Je m'étais donc dit qu'un jour je donnerais. Parce que sans la science je ne serais peut-être jamais tombée enceinte et devenue mère. Et parce que si je peux participer à ce progrès scientifique - à mon modeste niveau - et à la concrétisation du rêve d'autres couples, je ne vois pas au nom de quoi je leur refuserais ce bonheur.

J'ai donc décidé, avec l'accord de mon mari (qui est de toutes façons nécessaire, légalement parlant), de me porter volontaire pour faire don de mes ovocytes.

Don d'ovocytes

En l'état actuel de la loi, pour prétendre être donneuse, il "suffit" de remplir quelques conditions :

  • Avoir déjà eu des enfants : je ne sais pas si les enfants morts rentrent en ligne de compte mais Gaspard et Hector me permettent de valider ce premier critère.
  • Avoir entre 18 et 37 ans : je peux cocher cette case pour quelques années encore ;-) (sept, exactement !).
  • Être en bonne santé : dans l'ensemble, je ne me plains pas.

Étant personnellement passée par la FIV, je sais parfaitement à quoi m'attendre en ce qui concerne les traitements, leurs effets, leurs contraintes. D'ailleurs, j'ai eu la chance de plutôt bien vivre ces traitements, même s'ils sont loin d'être une partie de plaisir évidemment. Ce côté médical un peu contraignant ne me rebute donc pas.
Et l'aspect "mon enfant vivra ailleurs" ne m'a jamais effleuré l'esprit tout simplement parce que le don d'ovocytes constitue, dans la conception d'un enfant, une étape tellement précoce, tellement désacralisée, tellement médicalisée qu'il m'est impossible d'associer, psychologiquement ou philosophiquement, le don d'ovocytes à l'enfant à venir. L'échec de nos deux premières FIV doit probablement m'aider aussi à dissocier un ovocyte et la fécondation au laboratoire dans une éprouvette de la naissance d'un enfant.

Je me suis donc inscrite sur le site officiel, chaperonné par l'agence de la biomédecine, où j'ai eu le plaisir de découvrir que le CHU où je suis suivie depuis des années (pour notre parcours d'AMP justement et pour mes grossesses) est un centre de dons d'ovocytes. J'attends maintenant d'être contactée pour la première étape du protocole, tout en gardant à l'esprit que ma seule volonté ne suffira peut-être pas pour aller jusqu'au bout de la démarche :

  • Notre propre parcours d'AMP ou mon endométriose sont-ils compatibles avec la "bonne santé" requise ?
  • Avoir eu un enfant atteint d'un syndrome polymalformatif pourrait-il contredire le critère "avoir eu des enfants" ?
  • Alors que j'ambitionne de faire mieux avec Hector qu'avec Gaspard, est-ce que l'allaitement sera un obstacle ou du moins une cause de report ?
  • Aurai-je les mêmes droits et libertés par rapport à mon travail que quand c'était pour moi que je subissais des échographies et des prises de sang plusieurs fois par semaine ?
  • Quel impact mon engagement dans ce processus aura-t-il sur une éventuelle future grossesse ?

Je voulais également donner mon sang, mon dernier don remontant à plusieurs années (avant notre parcours d'AMP et mes grossesses, en fait), mais il me faudra patienter encore 4 mois, puisqu'il faut attendre 6 mois après un accouchement pour pouvoir donner son sang, que l'on allaite ou pas, comme l'indique le site de la Leche LeagueLA référence en matière d'allaitement.