2014
Nous allons bientôt changer d'année. Mon sentiment à cet égard est moins douloureux, moins violent que l'an passé - sans doute la preuve que le temps, ce traître de temps qui passe, fait son oeuvre.
Car le temps qui passe fait grandir Gaspard et me rapproche de l'arrivée de Hector.
Mais le temps qui passe m'éloigne de toi, ma fille, qui ne grandiras jamais, qui seras pour tes frères "la-grande-soeur-qui-restera-toujours-petite".
Aujourd'hui, et pour quelques heures à peine encore, je peux dire que tu es née, ou morte, "l'an dernier".
Bientôt, ce ne sera plus vrai et je devrai rajouter du temps au temps. Bientôt, il me faudra compter en années et non plus en mois. Bientôt, si ce n'est pas déjà fait, on jugera que je te pleure depuis trop longtemps déjà, que je te pleure trop tout court. Peut-on jamais trop pleurer son enfant ?...
Le papa
Conte de Noël
C'est un conte de Noël que j'ai découvert l'an dernier déjà. Depuis, il "tourne" régulièrement entre les parents endeuillés.
Je ne sais pas s'il m'aurait autant touchée il y a plusieurs mois de cela, je l'aurais peut-être trouvé "gnangnan". Toujours est-il qu'aujourd'hui il me parle et m'émeut. J'y lis l'espoir que mon Élise reçoive, au plus profond et au plus pur de son âme, tout l'amour que j'ai pour elle, particulièrement en ces moments censés être partagés en famille.
Comme souvent sur Internet, les pillages et autres emprunts sont nombreux et loin de moi l'idée de m'approprier ce qui ne m'appartient pas. J'espère simplement honorer le bon auteur de ce texte en citant Céline Claire.
C’est la nuit de Noël… Il est très tard… Si tard que seules quelques lumières oubliées clignotent encore dans la ville. Si tard que tous les yeux sont profondément fermés. Si tard que la ville est entièrement recouverte d’un fin manteau de givre glacé…
Dans le silence flottent neuf carillons qui tintinnabulent à chaque saut des rennes… Le Père Noël n’a pas fini son travail. Il est éreinté mais continue inlassablement à remplir les cheminées des maisons endormies…
Enfin le dernier paquet…
Le Père Noël est heureux pour ses rennes aussi : il les sent épuisés de tant de kilomètres parcourus, tirant un traîneau qui, au lieu de s’alléger, semblait de plus en plus lourd au fur et à mesure de la distribution. Le Père Noël ne comprend pas. Pourquoi tant de fatigue ? Et cette impression de labeur non fini ?
Le Père Noël attrape le dernier cadeau : vraisemblablement un cheval à bascule vu la forme et la grosseur du paquet.
Il le soulève avec peine et court le déposer au pied du sapin. Il remonte dans son traîneau, fait claquer sa langue, et les rennes se remettent péniblement en marche…
Pourquoi tant de mal ? Le traîneau est pourtant vide maintenant.
Comme animé d’un soupçon, le Père Noël se retourne… Et ce qu’il voit le remplit de stupeur : cachés au fond du traîneau, longtemps dissimulés sous le cheval à bascule, une multitude de petits sacs de velours bleu attendent sagement.
Qu’est-ce ?
Le Père Noël n’en croit pas ses yeux. Ce n’est pas lui qui a déposé tout cela… Il se rappelle chaque jouet fabriqué, chaque cadeau emballé, chaque désir d’enfant. Et quel enfant réclamerait un petit sac de velours ?
Le Père Noël ordonne aux rennes de s’arrêter, il descend du traîneau et saisit un de ces sacs.
Stupeur !
Il est gonflé à bloc et lourd comme du plomb ! Le Père Noël le regarde longuement, le tourne et le retourne sans oser l’ouvrir. Il réfléchit, retrace le fil de sa tournée, persuadé que ces cadeaux n’étaient pas là quand il a embarqué.
C’est alors qu’il se rappelle…
Lors de sa tournée, il a vu sortir de quelques-une des maisons un papa ou une maman et s’approcher discrètement du traîneau. Il n’a guère fait attention : le Père Noël se soucie plus des enfants que des adultes… mais il se pourrait fort bien que ces parents aient glissé un petit paquet dans le traîneau…
Cherchant la clé de ce mystère, tournant et retournant le petit sac, il découvre, brodé sur le ruban qui le ferme, un prénom d’enfant…
Chaque sachet serait donc destiné à un petit ?
Une douceur infinie traverse le regard usé du Père Noël…
Il a compris.
Alors il remonte dans son traîneau, fait claquer sa langue, se cambre sous l’allure des rennes repartis au triple galop et les guide à travers la ville et le froid.
Ils montent, dépassent les lumières, glissent sur les nuages pour un pays que tous imaginent sans jamais le connaître.
Une multitude d’enfants impatients l’attendent en file indienne.
Ils ont interrompu leurs jeux à l’écoute des carillons et se tortillent d’aise à l’envie d’avoir leur cadeau…
Ils n’attendent pas de jouets, de poupées ou de camions… Ils attendent un simple petit sac de velours bleu. Des étoiles brillent déjà dans leurs yeux et les regards filent du côté du traîneau.
Le Père Noël prend un des sacs si lourds entre ses mains, soulève le ruban qui le ferme et lit le prénom brodé.
Aussitôt, le visage d’un petit garçon en habit de prince s’éclaire. Il s’avance timidement et tend ses mains. Le sac qui semblait de plomb se fait plume ! L’enfant sourit, défait d’un geste le ruban et surgissent alors une multitude de bisous, chatouilles, câlins et caresses qui retombent comme une pluie de bonheur sur les cheveux, les mains, les joues du garçonnet qui éclate de rire sous cette tendresse attendue.
Autour de lui, comme un écho à sa joie, d’autres sacs se distribuent, d’autres rubans se défont, d’autres rires retentissent…
Le pays imaginaire n’est plus qu’un immense éclat joyeux qui carillonne plus fort encore que les clochettes des rennes…
Car une maman restera toujours une machine à faire les bisous, un papa restera toujours une machine à faire les câlins et l’amour trouvera toujours un messager pour arriver à son destinataire.
Troisième, bordel !
Je savais que mon directeur brillerait à nouveau par son intelligence avant mon départ en congé maternité, prévu à la fin de la semaine. Cette fois encore, il ne m'a pas déçue !
Hier midi, à l'occasion du repas de fin d'année de l'entreprise, nous étions réunis au restaurant. Pour seul représentant du groupe auquel notre société appartient, un dirigeant qui ne connaissait pour ainsi dire quasiment personne de notre entité. Alors que je posais une question rapide à une collègue assise à une autre table, autour de laquelle siégeaient également ma chef, mon directeur et ce dirigeant, ce dernier a remarqué mon bidon quelque peu proéminent :-) Il s'est alors demandé, plus auprès de ses voisins de table que de moi, s'il s'agissait de mon premier enfant. Juste au moment où je rejoignais ma table, j'ai entendu mon directeur répondre, pour faire comme s'il était proche de ses employés et très au courant de leurs situations personnelles : "Deuxième". J'ai corrigé, pourtant à voix haute, "Troisième" mais je n'ai pas été entendue. J'ai toutefois été agréablement surprise d'entendre ma chef commencer à rectifier : "Deuxième grossesse mais...". Je n'ai pas entendu la suite, je n'ai pas voulu m'attarder alors que la conversation, bien que me concernant on-ne-peut-plus directement, ne m'impliquait pas. Je ne sais donc pas ce qu'elle a dit à propos de ma première grossesse ou d'Élise, mais je sais qu'elle a au moins nuancé la contre-vérité assénée par mon directeur.
Ça peut paraître anodin, on peut me reprocher de faire tout un plat de ce qui passerait aux yeux de beaucoup pour une simple anecdote, mais ça m'a vraiment affectée. Je sais qu'il est irrécupérable mais je ne peux me résoudre à ce que l'existence de ma fille soit bafouée à ce point.
Je lui en veux de ne rien comprendre, de ne rien vouloir comprendre.
Je lui en veux de ne pas reconnaître l'existence d'Élise.
Je lui en veux de ne pas me reconnaître en tant que mère d'Élise.
Je lui en veux de réussir - en un rien de temps, en un seul mot lâché négligemment - à me miner.
Je sais que cette colère et cette rancoeur sont négatives et viennent me polluer à un moment où je n'en ai vraiment pas besoin mais je n'arrive pas à "lâcher prise" par rapport à ça. C'est d'ailleurs pour cela que j'en parle sur le blog, même si ce billet peut paraître "inconsistant" : pour me libérer un minimum. Tout ce que j'écris, ici ou ailleurs, c'est toujours ça qui tourne un peu moins en boucle dans ma tête.
A-t-il besoin que je lui impose des photos de ma fille ? (Je reviendrai d'ailleurs sur ce sujet un jour prochain...)
A-t-il besoin que je lui raconte mon accouchement de deux bébés ?
A-t-il besoin que je lui montre le rapport d'autopsie ?
A-t-il besoin que je l'emmène sur sa tombe ?
De quoi a-t-il besoin, à part d'un cerveau et d'un coeur, pour comprendre qu'Élise a été et qu'elle existe ?!
Pourtant, il est l'une des personnes les mieux placées pour savoir, de façon très concrète, que Hector est mon troisième enfant : s'il était mon deuxième enfant, comme il se borne à le penser, mon congé maternité durerait 16 semaines et non 26, une différence pourtant conséquente quand il faut remplacer sa salariée absente !
Vivant - Ben Mazué
Il y a quelques jours, l'émission musicale Alcaline de France 2 a mis à l'honneur Ben Mazué, que mon mari et moi avions découvert par hasard il y a quelques mois, notamment à travers une chanson qui nous avait bouleversés. Et c'est précisément cette chanson qui a été diffusée jeudi soir.
En prime, voici les paroles de ce petit bijou de poésie et d'émotion :
Je t’écris depuis ma chambre
Depuis le mois de septembre
Depuis que les choses ont changé
Je t’écris les mains qui tremblent
C'est plus facile de s'interdire de l’évoquer
Je pense à toi mille fois par an
J'essaie pas de faire autrement
Même s'ils me disent de laisser
Le temps faire ses affaires
Pour te garder vivante
Je te raconterai l’ardente épopée
De ton équipe d'hier
Je ne pallierai pas l'absence
C'est tout le bien que je me souhaite
De rappeler ton élégance
De faire tout pour que ça reste
Je ne pallierai pas l'absence
C'est tout le bien que je me souhaite
De rappeler ton élégance aux gens
De faire tout pour que ça reste vivant
Vivant
Je t’écris depuis mon antre
Depuis le mois de novembre
Depuis que le froid s'est pointé
Après le déni vient la colère
Comme je suis pas très énervé
Je me dis que j'ai pas trop avancé
Mes affaires
Pas mal, Milan grandit ça c'est normal
Chaque fois je réalise que je peux pas
T'appeler pour ses progrès
Je me dis que la mort mène d'un regret
Mais aussitôt j'égalise
Je ne pallierai pas l'absence
C'est tout le bien que je me souhaite
De rappeler ton élégance
De faire tout pour que ça reste
Je ne pallierai pas l'absence
C'est tout le bien que je me souhaite
De rappeler ton élégance aux gens
De faire tout pour que ça reste vivant
Vivant
Vivant
Je t’écris du 23ème étage
Je te parle comme on parle aux mirages
Et je me souviens
Quand je t'ai dit de mourir sereine
Que je serai solide que j'ai de la peine
Mais que tu m'as donné les armes
Tes réponses mon credo
Sont gravées sur mes abdos
C'est pas comme ça qu'on tourne la page
Tes conseils tatoués
Cicatrisés au sel
Dans chacun de mes virages
Y aura ton visage
Je ne pallierai pas l'absence
C'est tout le bien que je me souhaite
De rappeler ton élégance
De faire tout pour que ça reste
Je ne pallierai pas l'absence
C'est tout le bien que je me souhaite
De rappeler ton élégance
De faire tout pour que ça reste
Vivant vivant vivant
Vivant vivant vivant
Vivant vivant vivant
Vivant vivant vivant
Faire tout pour que ça reste...
Grand écart
Lors du dernier tri que j'ai fait sur notre ordinateur, je suis tombée sur un répertoire qui ne contenait que deux documents rangés ensemble, faute de mieux. Ils sont tellement représentatifs du grand écart qui a débuté en 2013...
Le premier est un document que j'avais récupéré sur le site de l'AFIF, l'Association française d'information funéraire.
Le second est une compilation d'informations que j'avais glanées ici et là pour décider du système de couches lavables à adopter.