27 novembre 2014

Au Québec...

Vidéo

Au Québec, ils diffusent des publicités sur le deuil périnatal à la télévision...

"Le deuil d'un bébé, c'est le deuil de toute une vie."

Ce que j'aime particulièrement dans cette phrase, c'est son double sens.

Le deuil d'un bébé, c'est le deuil de toute une vie dans le sens où c'est de la vie de son enfant qu'il faut faire le deuil.

Le deuil d'un bébé, c'est aussi le deuil de toute une vie dans le sens où c'est un deuil qui dure toute la vie, toute notre vie.

Posté par Tannabelle à 22:17 - - Commentaires [1] - Permalien [#]
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La laisser partir...

Je n'arrive pas à laisser partir Élise.
Voilà ce qui est ressorti de mon rendez-vous avec la psychologue plus tôt cette semaine.

Je n'arrive pas à être en lien avec Élise autrement que par la souffrance. Ne plus souffrir de son absence serait la trahir.
Dit comme ça, on croirait que je le fais exprès mais ce n'est pas conscient.
J'irai mieux quand j'aurai dépassé ce stade... un jour... peut-être...

Il faut aussi que j'arrive à accepter l'existence d'Élise telle qu'elle est, telle qu'elle a été.
En plus du deuil d'Élise telle qu'elle est, telle qu'elle a été, il faut aussi que je fasse le deuil de tout ce que j'avais imaginé, espéré, projeté avec elle.
Dans le deuil d'Élise, il y a plusieurs deuils.
Il y a le deuil de mon enfant.
Il y a le deuil de ma fille, parce qu'en tant que femme, on ne projette pas les mêmes choses sur une fille et un fils (comme un homme ne projette pas les mêmes choses sur un fils et une fille).
Il y a le deuil de la sœur jumelle de mon fils.
Il y a le deuil de mon statut de mère de jumeaux.
Il y a le deuil de notre vie à quatre, auquel l'arrivée de Hector ne changera rien. Ce sera une vie à quatre, mais ce ne sera pas la vie à quatre qu'on aurait eue avec Élise et Gaspard. Cette vie à quatre là ne sera ni mieux, ni moins bien ; elle sera différente, elle sera autre.

 

D'après la psychologue, en moyenne, un deuil dure 2 ans. Ça fait tout juste 14 mois ; je suis encore en plein dedans.
On verra où j'en serai dans un an....

 

Il m'arrive de souhaiter de n'être jamais tombée enceinte, ni des grumeaux, ni du haricot. Juste pour effacer toute cette souffrance.
Il m'arrive de regretter d'avoir remis en route un bébé si rapidement. Il m'est difficile de le reconnaître, d'une part parce que j'ai ma fierté et qu'il n'est jamais aisé d'admettre qu'on a pu se tromper (alors même que certains nous avaient mis en garde), d'autre part parce que maintenant que Hector est là (ou presque), il n'a pas à subir l'état de sa mère.
Il m'arrive de confondre, brièvement mais quand même, mes deux grossesses. Enfin, plus particulièrement de me surprendre à croire que c'est Élise qui est de nouveau dans mon ventre, qu'on a une deuxième chance, elle et moi, elle et nous. Une deuxième chance pour tout réparer et faire que tout aille bien.

À tout cela, la psy répond que je n'ai pas d'autre choix que d'accepter les choses comme elles sont. Que si nous avons décidé de remettre un bébé en route si tôt, c'est parce que c'est ce que nous avions besoin de faire au moment où nous l'avons fait. Elle me dit aussi que, repasser maintenant, si tôt après le décès d'Élise, par toutes ces émotions si violentes, ravivées par cette nouvelle grossesse, fait peut-être partie de mon chemin, que j'ai peut-être besoin de tout ça pour avancer.
En même temps, je sais au fond de moi que, lorsque Hector sera là, dans nos bras, sous nos yeux, sa présence sera une évidence. En attendant, c'est compliqué à gérer...

 

On croit tous qu'on est indépendant, qu'on se moque de ce que pensent les autres, qu'on n'a pas besoin de leur avis. Et pourtant, dans ce deuil si intime, si profond, je me sens remise en cause par les autres dans ce que je vis et ce que je ressens.
Pas par tous, parce que - heureusement - certains (beaucoup même, si je compare avec d'autres parents endeuillés bien moins entourés et soutenus) sont à la hauteur.

Mais il y a ceux qui nous font douter.

Il y a ceux qui, en une phrase, annihilent tout le chemin que l'on a parcouru entre le moment où la question de l'ISG s'est posée et le moment où l'on a dû y répondre. Parce que, selon eux, "nous avons fait le bon choix". Sous couvert de nous rassurer et de nous conforter dans notre décision, ils nient tout ce qui se cache derrière. Je ne veux pas qu'on me dise qu'on a pris la bonne décision, je veux juste qu'on reconnaisse la torture mentale qu'impliquait - et qu'implique toujours - cette décision. Et toutes les questions qu'on s'est posées, ils en font quoi ? Toutes les questions qu'on se pose encore, ils en font quoi ? Tous les espoirs qu'on a nourris avant de devoir y renoncer, ils en font quoi ? Tous les regrets qui nous - me - pourrissent la vie, ils en font quoi ?

Il y a ceux qui, par une attitude, une hésitation, un non-dit, un regard, jettent le doute sur la légitimité de notre deuil.
Dernier exemple en date, le 18 novembre dernier, à 12h15, jour et heure des 14 mois du décès d'Élise, je me suis effondrée alors que j'étais au travail. Je suis sortie du bureau quelques minutes pour me calmer mais n'ai pu cacher mes yeux embués en revenant à mon poste. Une collègue s'en est aperçue et m'a prise à part pour tenter de me consoler. Entre deux sanglots, j'ai réussi à lui dire que nous étions aujourd'hui le jour des 14 mois du décès d'Élise. Une autre collègue s'est également inquiétée et nous a rejointes peu après. Ma première collègue a alors pris les devants en expliquant que nous étions le jour des 12 mois du décès d'Élise. Je l'ai corrigée. Et, à ce moment précis, j'ai senti (je ne sais pas comment expliquer autrement) dans son attitude une sorte de recul, que j'ai interprété comme "Ah ! Pour le premier anniversaire, j'aurais compris mais pour les 14 mois, tu n'en rajouterais pas un peu ?".

Ce qui est difficile dans ce deuil, c'est le décalage permanent. Soit avec soi-même, soit avec les autres.
Comment assumer ses émotions quand elles n'ont pas de place aux yeux des autres ? Comment être soi-même sans être regardée avec mépris, incompréhension, indifférence, condescendance ?
Moi je ne demande que ça : aller aussi bien que les autres le pensent ou le voudraient, mais si je m'aligne sur ce que les autres attendent de moi, je fais quoi de toutes ces émotions qui déferlent ?

 

La psychologue m'a demandé si nous parlions de tout ça avec mon mari. Oui, nous en parlons, dans le sens où ce n'est pas tabou, mais j'ai l'impression qu'il n'y a pas grand-chose à dire ou du moins que je ne vois pas à quoi ça servirait d'en parler entre nous.
Ni moi, ni mon mari, ni ma famille, ni mes amis n'avons la clé. Je ne sais pas de quoi j'ai besoin pour aller mieux. Je sais juste qu'en ce moment, mon deuil prend toute la place chez nous et que mon mari prend beaucoup sur lui et se met en retrait par rapport à ça. La psychologue me dit que, s'il avait besoin de vivre les choses autrement particulièrement en ce moment, il l'exprimerait d'une façon ou d'une autre.
Mais lui, comment va-t-il ? Où est-ce qu'il en est ? Pourquoi serait-ce à lui de s'effacer ?

Posté par Tannabelle à 15:59 - - Commentaires [2] - Permalien [#]
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