Rien qu'à elle
Comme après chaque groupe de paroles, j'ai du mal à "redescendre". Ces deux heures passent trop vite, je voudrais parler encore et encore, écouter encore et encore. Parce que ces deux heures n'appartiennent qu'à Élise. Je n'ai pas honte - je n'ai plus honte - de le dire : je n'ai pas pensé à Gaspard pendant ces deux heures. Enfin, si. J'ai pensé à lui parce que j'ai parlé de lui par rapport à Élise et par rapport à mon cheminement, mais je n'ai pas pensé à lui à l'instant T, je ne me suis pas demandé ce qu'il faisait ou s'il avait bien mangé. D'ordinaire, c'est Gaspard qui me fait "oublier" Élise ou plutôt qui monopolise mon attention et mes pensées au détriment de sa sœur alors j'aime bien quand c'est l'inverse qui se produit.
Et puis il y a ces petites choses que je n'ai pas eu le temps ou l'occasion de dire et qui me trottent dans la tête parce que j'avais envie de les dire.
J'aurais voulu dire que nous avons récupéré de nouvelles photos d'Élise et que ça nous (a) fait beaucoup de bien. Des souvenirs en plus, tout simplement.
J'aurais voulu dire que cette après-midi j'ai déposé le double du livre d'Élise dans le coffre que nous avons loué exprès à la banque.
Et j'aurais voulu dire que, mardi soir, j'ai participé à mon premier concert depuis ma reprise de la musique et que j'ai été fière et heureuse de jouer pour ma fille, en son honneur, avec ma copine altiste qui est tellement à mon écoute, deux morceaux qui veulent dire beaucoup, par leur titre ou par leurs paroles : Lettre à Élise et Somewhere over the rainbow.
Comparer
Combien de fois ai-je entendu "c'est moins pire que si vous l'aviez connue" ou "c'est mieux que si vous aviez eu des souvenirs" ?! Les gens se sentent obligés ou rassurés de rationaliser, de hiérarchiser, de comparer. Mais ce n'est pas là l'essentiel. Bien sûr que l'on peut s'estimer heureux ou chanceux de telle ou telle chose, bien sûr que l'on peut toujours trouver pire. Mais est-ce que l'on souffre moins pour autant ?!
C'est la troisième fois que je vais au groupe de paroles alors j'ai déjà entendu et vu plusieurs histoires de deuil périnatal.
Des couples. Des mamans seules. Des papas seuls.
Des parents hétérosexuels. Des parents homosexuels.
Le deuil d'un premier enfant. Le deuil du deuxième ou plus. Le deuil du petit dernier.
Des décès in utero. Des décès à la naissance. Des décès à quelques jours ou semaines de vie.
Des interruptions médicales de grossesse. Des décès inattendus. Des décès prévisibles.
Le deuil d'un enfant. Le deuil d'un des jumeaux. Le deuil de plusieurs enfants.
Des décès en début de grossesse. Des décès à quelques jours ou heures du terme.
Autant d'histoires que de familles mais toujours la même douleur. Toujours.