Comment annoncer ?
Comme pour la grossesse, nous avons annoncé la naissance des grumeaux sur Facebook. Nous avions déjà un faire-part de naissance en tête dès le début de la grossesse mais, avec l'histoire d'Élise, nous nous sommes sentis obligés d'expliciter un peu plus.
Nous avons donc réservé à Facebook, en mode moins conventionnel, ce qui devait être notre faire-part officiel, en référence à un film que mon mari et moi adorons :
Au moment de créer (avec l'aide d'une amie que nous remercions infiniment) le faire-part officiel de nos grumeaux, nous nous sommes posé beaucoup de questions...
- Ça ressemble à quoi, un faire-part d'enfant mort-né ?
- Ça ressemble à quoi, un faire-part d'enfant mort-né à cause d'une interruption médicale de grossesse ?
- Ça ressemble à quoi, un faire-part de jumeau mort-né ?
- Ça ressemble à quoi, un faire-part de jumeau mort-né à cause d'une interruption sélective de grossesse ?
- Ça ressemble à quoi, un faire-part de jumeau sans sa jumelle ?
- Faut-il faire un faire-part de naissance pour Gaspard et un faire-part de naissance/décès pour Élise ou bien un seul faire-part, en l'honneur de leur gémellité, comme nous l'aurions probablement fait s'ils étaient nés vivants tous les deux ?
- Si on ne fait qu'un seul faire-part, est-ce que Gaspard ne nous en voudra pas d'avoir associé sa naissance à la mort, même s'il s'agit de celle de sa soeur ?
- Si on fait deux faire-part, faut-il les envoyer en même temps ou non ?
- Si on fait deux faire-part que l'on envoie en même temps, faut-il les envoyer dans la même enveloppe ou séparément ?
- Ça se fait d'ajouter l'adresse du blog et l'adresse du site Internet de l'association Petite Émilie sur le faire-part ?
Finalement, nous n'avons fait qu'un faire-part, auquel nous avons joint une petite carte avec les adresses du blog et de l'association Petite Émilie.
Jusque dans les salles de classe
En début d'après-midi, une amie professeur de français en collège m'a envoyé ce sms :
Coucou ma belle.
Un petit clin d'oeil pour toi ce matin en cours : "Analyse la phrase suivante en donnant la classe grammaticale des mots soulignés : Élise et Gaspard sont les enfants chéris de mon amie Annabelle."
Je pense à toi, à vous et t'embrasse bien fort.
C'est ça aussi, faire exister Élise comme Gaspard. <3
Rendez-vous post-natal
Aujourd'hui, nous avions rendez-vous avec le Pr Verspyck pour la consultation post-natale.
Je redoutais autant que j'attendais impatiemment ce rendez-vous.
L'appréhension de revivre ce que nous avons vécu tant de fois avant et après ce fameux 24 mai : la route jusqu'au CHU, le parking, l'enregistrement de notre visite à l'accueil, l'attente du rendez-vous.
L'appréhension de revoir le Pr Verspyck, tellement indissociable de ma fille et de son destin.
L'appréhension de retourner là où nous avons passé tant de temps cette année, là où nous avons appris la plus belle des nouvelles et où on nous a fait la pire des annonces, là où mon fils est né et où ma fille est morte.
Je vous passe les détails de l'examen clinique et de la prescription de séances de rééducation périnéale. Rien de bien intéressant ou différent de toute autre jeune accouchée à ce niveau-là.
Lorsque le Pr Verspyck a abordé la contraception, nous l'avons informé que nous ne souhaitions pas en reprendre, sous-entendant que nous souhaitions remettre en route un bébé rapidement. Nous avons enchaîné en lui demandant quand nous devrions nous inquiéter que ça ne fonctionne pas, entre l'allaitement (même s'il ne protège pas à 100%) et notre parcours d'AMP. À défaut de répondre clairement à la question (mais nous avons l'habitude, à force de le "pratiquer"), il nous a dit que tout était possible : que je retombe enceinte spontanément (d'après lui, 10 à 15% des grossesses post-FIV sont naturelles) ou que l'on doive repasser par l'AMP. Nous l'avons toutefois senti sur la réserve par rapport à notre désir de nouvelle grossesse si rapide, il nous a demandé comment je réagirais si je tombais enceinte dès demain. Je lui ai répondu que ça ne poserait pas problème, ce qui l'a clairement laissé sceptique. J'ai conscience qu'il est encore tôt, que cette nouvelle grossesse serait compliquée émotionnellement mais je sais que mes prochaines grossesses seront inévitablement compliquées, qu'elles arrivent dans un mois, un an ou dix ans. Il n'a pu que nous inciter à prendre notre temps... La nature décidera peut-être de l'écouter puisqu'elle n'en fait qu'à sa tête depuis le début...
Nous avons également parlé d'Élise, évidemment. Je crois même que c'est surtout d'elle que nous voulions parler à l'occasion de ce rendez-vous. Il n'avait malheureusement pas les résultats complets de l'autopsie d'Élise, uniquement la première partie de l'examen macroscopique. Manquaient la deuxième partie de cet examen et l'examen histologique. Le Pr Verspyck a tenté de savoir si ces résultats étaient disponibles, en vain. Nous lui avons dit que nous souhaitions les récupérer lorsqu'ils seraient prêts ; nous l'avons senti réticent, par rapport à l'aspect technique et déshumanisé de ces comptes-rendus, mais nous avons insisté pour obtenir tout ce qui concerne Élise. Il a alors promis de nous envoyer le compte-rendu final.
En réponse à nos questions, le Pr Verspyck nous a informés que l'autopsie n'avait pour l'instant pas permis de déterminer la cause des malformations faciales et cérébrale d'Élise, ajoutant que, dans de tels cas de syndromes polymalformatifs avec caryotype normal, leur origine restait quasiment toujours inconnue. Pour résumer, en l'état actuel des connaissances scientifiques, une seule explication : "la faute à pas de chance". Il faut donc que nous nous fassions à l'idée de ne jamais savoir ce qu'elle avait ni dans quel état, moteur et mental, elle aurait été si nous l'avions laissée vivre. Égoïstement sans doute, j'espérais que le rapport d'autopsie nous "conforte" dans notre décision en nous confirmant qu'elle aurait vécu une vie dont nous ne voulions pas pour elle.
Avant de nous confier une copie du premier résultat à sa disposition, nous avons bien senti que le Pr Verspyck a essayé de nous préparer au type de contenu que nous allions y trouver. Je savais à quoi m'attendre, j'ai parfaitement conscience de ce qu'impliquent une autopsie et un rapport d'autopsie, ne fût-ce qu'à travers le prisme, sans doute déformant, des polars que j'ai lus et vus. Mais entre l'approche rationnelle et distante véhiculée par les romans et la réalité appliquée froidement à son propre enfant, il y a un monde. En lisant moi-même le premier compte-rendu macroscopique, j'ai compris que le Pr Verspyck s'était contenté des données les moins violentes et que nous connaissions déjà plus ou moins : terme, sexe, poids, taille, anomalies faciales. Ce sont les autres éléments (que mon mari et moi souhaitions absolument connaître, ne serait-ce que pour en savoir le plus possible sur elle et sur ce qu'ils lui "ont fait" ensuite) qui ont donné une nouvelle dimension à la réalité d'Élise...
"Nature du prélèvement : foetus."
"Il s'agit d'un foetus de sexe féminin, non macéré. Il est examiné à l'état frais."
"L'encéphale a été prélevé."
"Congélation : poumon."
On a beau savoir à quoi s'attendre, l'émotion est vive...
En un peu plus de deux mois, Élise s'était désincarnée, était devenue irréelle, immatérielle, presque chimérique. Elle avait fini par devenir, jusqu'à ce matin, une image, un souvenir, une pensée, parmi les plus précieux de ma vie. Je croyais, à tort, m'être préparée à ce rendez-vous qui lui a brutalement redonné un corps, qui lui a redonné, de façon éphémère, les traits d'une réalité qui s'était peu à peu éloignée et qui est condamnée à s'éloigner de nouveau, à jamais cette fois.
Retour en arrière - Épisode 7 - Une journée belle à pleurer
Dernier billet de retour en arrière pour clôturer cette drôle d'aventure, qui continue... différemment...
Comme mon mari et moi ne sommes Normands que d'adoption et que nous avons l'intention de remonter dans le Nord-Pas-de-Calais d'ici quelques années, nous avons décidé d'y enterrer Élise, pour qu'elle soit chez nous et que nous n'ayons pas à la faire exhumer quand nous déménagerons.
Nous avons choisi un lieu symbolique pour nous - celui où nous nous sommes rencontrés - et facile d'accès à la fois pour nous, pour ses grands-parents et pour ses oncles et tante.
Depuis l'accouchement, Élise reposait à la chambre mortuaire de l'hôpital. Pendant ces quelques jours, nous avons pu y aller aussi souvent que nous l'avons souhaité ; nous avons pu la toucher, la caresser, l'embrasser, la regarder, la prendre en photo. Mais, à chaque fois, nous avons dû limiter notre visite à quelques minutes car la trivialité de la réalité s'imposait rapidement à nous : de la condensation apparaissait sur sa peau, son visage, ses lèvres. Une façon cruelle de nous rappeler qu'elle n'était pas simplement endormie mais que, lorsque nous n'étions pas à ses côtés, elle reposait dans un frigo...
Ce lundi 23 septembre est la dernière fois où nous l'avons vue et prise en photo. Détail aussi précieux qu'insignifiant : j'ai une photo de ses cheveux aussi foncés que les miens, alors que son frère a les cheveux clairs du papa.
Ce lundi 23 septembre est la dernière fois où j'ai pu la regarder, la toucher, la caresser, poser ma main sur la sienne et lui dire que je l'aime en la regardant...
Elle était belle, elle portait un body blanc, une robe gris clair avec de petites étoiles blanches brodées, une culotte assortie à sa robe, des soquettes blanches, les chaussons roses apportés par ses grands-parents paternels et le bonnet rose tricoté par sa grand-mère maternelle. Elle était accompagnée par sa grenouille et les chaussons que je lui avais tricotés. Son bracelet de naissance était posé à côté d'elle (d'ailleurs, si nous avions su qu'ils le lui retireraient du poignet, nous aurions emporté son bracelet pour le remplacer par le double que Franck nous avait préparé). Mon mari aurait voulu déposer une photo de Gaspard à côté d'elle mais nous n'en avons pas eu la présence d'esprit suffisamment tôt.
L'officier des pompes funèbres est arrivé du Pas-de-Calais en début de matinée. La mise en bière a eu lieu à 11h15. Mon mari et moi avons pu assister à la fermeture du cercueil - un joli cercueil blanc, minuscule, avec son prénom et son nom et un petit nounours doré. Nous ignorions ce dernier détail mais nous l'avons préféré à un ange, une symbolique souvent associée aux bébés décédés mais qui ne nous parle pas vraiment.
Les scellés ont été posés à 11h30. Nous avons pris la route vers le Pas-de-Calais à 11h45. Nous avons suivi le corbillard toute la route. Arrivés à destination, nous avons laissé les pompes funèbres préparer l'inhumation loin de nos regards. Nous nous sommes retrouvés avec mes parents, mon frère et ma belle-soeur, les parents et le frère de mon mari pour déjeuner tous ensemble avant de retourner au cimetière à 15h30. Nous n'avions pas prévenu grand-monde que l'enterrement se déroulait ce jour-là mais Élise a quand même reçu des fleurs : ses grands-parents, nos amis proches, les parents d'une amie proche eux-mêmes touchés par la perte d'un bébé, les collègues de sa grand-mère maternelle, son arrière-grand-mère paternelle, mon oncle et sa famille, les oncles/tantes/cousines de mon mari. Parmi ces personnes, la plupart n'ont connu et ne connaîtront Élise qu'à travers nous, et pourtant...
Le soleil brillait de mille feux ; nous l'avons interprété comme la présence de son frère. Nous n'avions pas su choisir de texte, c'est donc l'officier des pompes funèbres qui en a choisi un pour nous, qu'il a lui-même lu sur une musique que mon mari et moi avions choisie, l'Adagio pour cordes de Samuel Barber.
Me glissant au creux du ventre de celle qui m'a tant desirée
Je ressens déjà son amour, le bonheur que je lui ai procuré
J'entends son coeur qui bat, cette douce mélodie qui me berce
Je sens la chaleur de ses mains, la douceur de ses caresses
Elle me parle, me dit combien elle m'aime
Moi aussi, Maman, tu ne peux imaginer à quel point je t'aime
Me voilà simplement qu'un infime petit être
Un petit être qui grandit de jour en jour et qui n'attend qu'à naître
Mais que se passe-t-il ? Que m'arrive-t-il ?
Moi qui étais tellement bien, en sécurité, enveloppée
Pourquoi me retire-t-on de ce nid qui m'était offert ?
Pourquoi m'enlève-t-on la chance de vivre sur cette terre ?
Je ne sais pas où je me dirige, où je m'en vais
Je ne comprends ce qui m'arrive, ce que j'ai fait
Maman, je voulais tellement vivre et dans tes bras me retrouver
Je ne t'ai que trop peu connue mais tellement aimée
Défilant devant la lune et les étoiles, je survole maintenant cette terre
Côtoyant les nuages, je suis un petit ange dans cet immence univers
Regrettant de tout cœur le malheur que vit ma mère
Je ne cesse d'entendre sa voix qui m'appelle et qui m'espère
Arrêtant devant ma maison, je regarde à la fenêtre
C'est elle, qu'elle est belle, qu'elle est douce, elle était parfaite
Je l'entends qui m'appelle, je ressens tellement son amour maternel
J'entends ses prières, je l'entends supplier le ciel
Maman, j'aimerais terriblement mettre un baume sur ton cœur
Le soulager car il est tellement meurtri par la douleur
Je désirerais sécher tes larmes et ne pas t'incomber ce malheur
Revoir seulement ton sourire, celui qui était rempli de bonheur
Je ne suis qu'un ange qui a seulement envie de se retrouver
Dans les bras de celle qui lui était destinée
Mais la vie, contre mon gré, en a décidé autrement
N'oublie jamais à quel point je t'ai aimée, Maman
Je serai toujours là et toujours je veillerai sur toi
Ne t'en fais pas, je suis bien, ne pleure pas
Au fil des jours, je serai à tes côtés je t'épaulerai
Car n'oublie pas, Maman, un jour je te retrouverai
En substance, c'est ce moment que nous avons vécu, devant le cercueil de notre fille, prêt à être déposé au fond de son caveau :
Nous nous sommes ensuite recueillis devant son cercueil, avec mon mari. Puis ce fut au tour de nos frères et belle-soeur. Enfin, ce sont les quatre grands-parents, se tenant par la main, qui ont pris quelques instants pour lui dire adieu. L'officier a ensuite proposé à mon mari de l'aider à porter son cercueil jusqu'à la tombe : j'ai porté ma fille dans mon ventre, mon mari l'a portée dans son cercueil... Tous ces moments se sont déroulés avec, pour fond sonore, la chanson Sois tranquille d'Emmanuel Moire, que nous avions également choisie :
Avant de lui dire adieu, je lui ai promis de parler d'elle à son frère, de la faire vivre à travers nous. Elle fait partie de notre famille, de notre histoire, de nous. Je n'oublierai jamais le moment où je l'ai vue pour la première fois, où je l'ai mise au monde...
Aujourd'hui, je revois sans cesse cette image : son tout petit cercueil reposant au fond de ce si grand caveau... Et j'imagine ma fille toute seule, loin de nous, dans le froid, dans le noir... et mon coeur se brise en mille morceaux à chaque fois...
Retour en arrière - Épisode 6 - Un pont entre deux rives
C'est comme ça que je me suis sentie entre l'accouchement et l'enterrement : comme sur un pont entre deux rives...
Jeudi 19 septembre
L'une des premières pensées qui me sont venues à l'esprit est que je suis "contente" que l'ISG et les naissances n'aient pas eu lieu le même jour. Pour nous qui pouvons distinguer naissance et mort, pour Élise qui n'est pas qu'une date, pour Gaspard dont la naissance est associée à la naissance et non à la mort de sa soeur. De toutes petites choses qui aident à apprivoiser la réalité.
Le Dr Clavier, le Dr Brasseur et le Pr Marret ont eu la délicatesse de passer nous voir. Mais pas le Pr Verspyck. N'a-t-il pas eu le temps ou tout simplement pas l'envie ?
La psychologue est passée elle aussi. Elle nous a confié qu'elle n'arrêtait pas d'entendre parler de moi depuis le matin. Mon mari m'a aussi dit que j'avais assuré pendant l'accouchement et les sages-femmes n'arrêtaient pas de me dire que c'était "génial" ce que je faisais mais j'imagine que c'est leur façon d'encourager toutes les mamans en plein travail.
J'ai essayé de regarder les photos que nous avions faites d'Élise mais il était encore trop tôt, je n'ai pas pu. En plus, du peu que j'ai vu, je l'ai (déjà) trouvée moins belle que dans mes souvenirs tout récents. Mais j'étais sûre que j'aurais le besoin et le courage de les regarder plus tard, quand mes images deviendront floues.
Du vendredi 20 au dimanche 22 septembre
Ce vendredi matin, en attendant l'arrivée de notre famille proche, mon mari et moi avons pris notre courage à deux mains pour aller voir Élise à la chambre mortuaire de l'hôpital. Comme j'étais encore incapable de marcher longtemps et que la chambre mortuaire est située à quelques dizaines de mètres de l'unité kangourou, mon mari m'y a conduite en fauteuil roulant.
L'employé que nous avons vu a été très discret et respectueux et est allé chercher Élise dès notre arrivée pour l'installer dans une pièce dédiée au receuillement, puis il nous a permis d'entrer. J'ai fondu en larmes en la voyant. Je crois que mes jambes ne m'auraient pas soutenue si je n'avais pas été assise. Après la déception que j'ai ressentie en voyant nos photos d'elle en salle de naissance, j'appréhendais de la revoir mais j'ai été soulagée de la voir, de constater qu'elle n'avait pas "bougé", qu'elle était toujours mon petit bébé, inerte, sans vie mais pas morbide.
En la voyant, je n'ai pu m'empêcher de me demander si nous avions fait le bon choix. Je crois que je me le demanderai toute ma vie. C'était tellement insupportable de la voir morte, par notre faute en plus... Je me demande même si j'ai le droit de l'aimer et de la pleurer après ce que nous lui avons fait.
Les parents et le frère de mon mari ont pu aller voir Élise dès le matin mais mes parents et mon frère sont arrivés alors qu'elle venait de partir pour l'autopsie, en début d'après-midi. Il leur a donc fallu patienter encore pour la voir. Alors que, pendant la grossesse, nos frères et belle-soeur n'étaient pas sûrs de vouloir la voir, arrivés au moment fatidique, ils ont tous les trois souhaité la voir. J'en suis heureuse car je suis intimement persuadée que, dans le cas contraire, ils auraient regretté de n'avoir pu lui donner corps et de n'avoir pu lui dire au-revoir.
À son retour de l'autopsie, Élise n'avait toujours pas "bougé". Nous craignions qu'elle ne soit abîmée mais ce n'était pas le cas. Il faut dire qu'elle était habillée et que seuls son visage, ses mains et ses jambes étaient à nu. Depuis l'accouchement, elle portait le même bonnet que Gaspard, gris et blanc à rayures, mais ce n'était pas celui que nous lui destinions pour partir définitivement. À son retour de l'autopsie, nous avons remarqué des tâches de sang à l'arrière de son bonnet, là où elle avait probablement été ouverte. Nous avons "profité de l'occasion" pour demander aux employés de la chambre mortuaire de remplacer ce bonnet, que nous allons garder précieusement sans le laver, par le bonnet rose tricoté par ma mère et qui lui était destiné depuis plusieurs mois.
Le dimanche, la grand-mère de mon mari, qui vit en banlieue dans l'est parisien, a subitement eu envie de voir Élise avant qu'il ne soit trop tard. Elle a donc eu le courage de faire plus de cinq heures de taxi aller-retour pour venir voir ses arrières-petits-enfants. Je suis heureuse qu'elle ait pu voir Élise, elle qui ne parlait que de Gaspard pendant la grossesse. Seul mon mari était avec elle à la chambre mortuaire et il m'a rapporté les paroles qu'elle a dites à son arrière-petite-fille : "Ce n'est pas moi qui devrais être là, c'est toi qui devrais être à mon enterrement." Tellement simple, tellement vrai.
Ma fille, mon amour, ma princesse, ma poupée, mon étoile filante, pardonne-nous, pardonne-moi...
Quelques unes des réflexions qui me sont passées par la tête pendant ces quelques jours
C'était une immense douleur de la voir mais une nécessité absolue. Avec Gaspard, nous avons signé un CDI. Avec Élise, nous avons signé un très court CDD alors il nous fallait en profiter tant qu'il était encore temps.
On parlait toujours d'Élise en tant que petite soeur de Gaspard, comme une petite chose fragile, mais finalement c'est elle la grande soeur. C'est elle l'aînée, c'est elle notre premier enfant.
On avait vu Élise et Gaspard près de huit mois auparavant, au moment du replacement d'embryons dans le cadre de notre troisième FIV, alors qu'ils n'étaient chacun encore qu'un amas de quatre cellules et à présent ils étaient tous les deux là en chair et en os.
Comme c'est compliqué de vivre le deuil et la naissance en même temps. Comme ce grand écart psychologique est difficile à vivre. Et pourtant je n'ose imaginer ce que vivent les parents qui n'ont que le deuil, l'absence, le vide. Gaspard ne peut pas empêcher nos larmes de couler mais il est là pour les sécher : quel bonheur et quel réconfort quand nous le retrouvions après nos moments avec Élise à la chambre mortuaire.
Retour en arrière - Épisode 5 - Bienvenue sur terre
Précédents épisodes ici, là, ici et là
Une fois le cœur d'Élise arrêté, Franck nous a laissés seuls quelques instants pour "digérer" et est revenu vers 13h00 pour la suite des opérations : commencer à déclencher, progressivement, les contractions. La dilatation du col s'est faite petit à petit dans l'après-midi et jusque dans la soirée.
Pendant ce temps, Franck a pris le temps de recueillir nos souhaits pour l'accouchement (le fameux "projet de naissance" tellement à la mode) et plus particulièrement l'accompagnement d'Élise : voir Élise et passer du temps avec elle avant l'autopsie mais ne pas la voir ni la prendre sur moi dès sa sortie, prendre Gaspard sur moi dès sa sortie, couper les deux cordons pour mon mari, garder le bracelet de naissance d'Élise (Franck en a donc préparé un deuxième exprès pour nous puisqu'elle devait partir avec le sien pour l'autopsie), prendre ses empreintes, l'habiller avec les vêtements que nous avions apportés pour elle. Il a également pris note de l'unique prénom d'Élise et des deux autres prénoms de Gaspard (Paul et Marceau). À partir de ce moment-là, lui et les deux sages-femmes qui l'ont relayé ensuite n'ont appelé Gaspard et Élise que par leurs prénoms ou en disant "votre fils" et "votre fille", et non plus "le petit garçon" ou "la petite fille". L'interne que j'avais vue plusieurs fois en UGP et qui a participé à l'ISG a pris la peine de venir nous souhaiter bon courage à la fin de son service.
Franck avait un petit espoir d'avoir le temps de m'accoucher lui-même avant la fin de sa garde, prévue à 20h30, mais mon col ne s'est pas dilaté assez vite. Il a donc pris soin de passer le relais à deux sages-femmes "au top" selon ses dires, ce qui s'est confirmé par la suite. Lorsqu'elles sont entrées dans la salle de naissance, seule l'étudiante sage-femme (en dernière année d'études) s'est présentée : Adeline. Sur le coup, je pensais tout simplement ne pas avoir entendu la sage-femme se présenter mais, lorsque j'ai appris son prénom quelques jours plus tard quand Franck est venu prendre de nos nouvelles, j'ai compris qu'il ne s'agissait ni d'un oubli de sa part, ni d'une absence de ma part mais bien d'une preuve de délicatesse puisqu'elle s'appelait... Élise ! Qui d'autre qu'une Élise pouvait mettre au monde mon Élise ?... En tout cas, Élise comme Adeline ont réellement été à la hauteur, au regard de l'accouchement en lui-même et du contexte si particulier.
Après plusieurs heures de contractions régulières et de plus en plus intenses, la sage-femme m'a annoncé à 23h00 que l'accouchement aurait lieu une heure plus tard mais, à 23h45, n'y tenant plus, j'ai demandé à "ce qu'on y aille", ce qu'ils ont accepté, mon col étant à dilatation complète depuis un moment et Élise étant engagée convenablement (ce qui n'était pas gagné au départ car elle était certes en présentation céphalique mais avait la tête trop relevée).
Nous savions qu'il y aurait du monde en salle de naissance puisqu'il s'agissait d'une grossesse gémellaire (sage-femme + étudiante sage-femme, gynécologue + interne en gynécologie, anesthésiste + interne en anesthésie, deux pédiatres) mais je n'ai prêté attention qu'aux sages-femmes et aux gynécologues qui m'ont guidée pendant l'accouchement. Mon homme a eu la délicatesse d'être présent, évidemment, mais de rester en retrait, puisqu'il sait que lorsque je fournis un effort, je déteste qu'on me soutienne ou qu'on m'encourage par des paroles ou des gestes. Seules les sages-femmes trouvaient grâce à mes yeux en ces instants douloureux.
Le temps que l'équipe s'installe, j'ai dû commencer à pousser vers 23h55 mais il m'a fallu quelques poussées pour bien comprendre comment faire. Les poussées allaient toujours par trois, que d'efforts à fournir pour enchaîner ces trois poussées à chaque fois ! J'ai dû laisser passer une contraction à trois ou quatre reprises afin de récupérer un peu. À un moment, je me suis relâchée émotionnellement et ai commencé à craquer (larmes, découragement, regret de la césarienne) mais je me suis fait violence pour poursuivre rapidement, de peur de ne pas réussir à terminer si je lâchais totalement prise. Au bout d'un moment, commençant à ressentir des choses au niveau de mon entrejambe sans savoir quoi exactement, j'ai hésité à demander à la sage-femme "si nous en étions encore loin", de peur qu'elle ne m'annonce encore un trop long chemin. Lorsque j'ai finalement posé la question, la sage-femme m'a répondu qu'elle voyait les cheveux d'Élise et qu'elle serait là en quelques poussées. Je crois bien que j'ai senti, dans ma chair, Élise finir de sortir. Il était 00h22. Le temps que les sages-femmes l'attrapent correctement, j'ai su que je voulais la voir immédiatement et non après l'accouchement, contrairement à ce que j'avais dit à Franck dans l'après-midi. La sage-femme a alors voulu poser Élise sur moi mais j'ai refusé : trop d'émotions venaient de me traverser et trop d'émotions m'attendaient encore. En revanche, je l'ai dévorée des yeux, loin d'être choquée par son visage, contrairement à ce que je redoutais. Elle avait un joli corps, fin, délicat, normal... inerte, sans vie, silencieux mais normal. Mon homme a pu couper le cordon comme il le souhaitait. Ils l'ont ensuite emmenée pour la préparer pendant la fin de l'accouchement, qui a été très rapide.
Après la rupture artificielle de la poche des eaux de Gaspard et grâce aux manoeuvres des gynécologues pour le positionner correctement (puisqu'il se présentait en transverse), j'ai senti Gaspard arriver, en à peine quelques poussées, cinq minutes après sa soeur. Après Élise, j'ai eu l'impression que Gaspard sortait "comme une lettre à la Poste". Mon homme a également pu couper le cordon avant qu'ils ne posent Gaspard sur moi pendant quelques minutes. Ils l'ont ensuite emmené pour s'occuper de lui pendant l'expulsion des placentas.
En effet, je sentais bien quelque chose à l'entrejambe : c'étaient les cordons encore reliés aux placentas et auxquels je ne pensais plus. Le premier placenta est sorti relativement facilement et rapidement mais le deuxième a nécessité une délivrance artificielle, dont les pressions répétées sur l'utérus sont réellement douloureuses, autant que les gestes de la révision utérine qui a suivi et pour laquelle l'étudiante sage-femme a dû insister. Elle a également dû appuyer à plusieurs reprises sur l'utérus, jusque tard après l'accouchement, pour en expulser tout le sang.
Une fois l'accouchement en lui-même terminé, ils ont ramené Élise en salle de naissance et nous ont laissés seuls avec elle et son frère. Nous avons ainsi pu faire des photos, plein de photos : d'Élise seule, d'Élise avec moi, d'Élise avec son papa, d'Élise et Gaspard avec moi, d'Élise et Gaspard avec leur papa, de nous quatre, des mains d'Élise, de nos mains avec les siennes, de ses pieds... Je savais que ces photos ne seraient pas toutes "réussies" mais l'essentiel était qu'elles existent et qu'elles viennent combler un minimum l'inévitable vide qui nous attend.
Au bout d'un moment, nous avons "libéré" Gaspard pour qu'ils l'emmènent en unité kangourou : compte tenu de sa prématurité (35 SA), Franck nous avait prévenus, dans l'après-midi, que lui et moi étions "éligibles" à l'unité kangourou, à condition que j'accepte d'être hospitalisée avec lui et aussi longtemps que lui, ce qui me semblait une évidence pourvu que je puisse bénéficier d'une autorisation de sortie pour enterrer Élise, ce dont Franck nous a assuré. Nous sommes restés quelques instants de plus seuls avec Élise, avant de nous résoudre à la quitter, plus de force que de gré puisque j'ai fait un début de malaise, ayant fourni trop d'efforts trop rapidement après l'accouchement.
L'étudiante sage-femme m'a alors préparée pour que nous puissions aller dans la chambre retrouver Gaspard : toilette, derniers contrôles et... suture ! C'est à ce moment-là que j'ai appris que j'avais subi une petite épisiotomie pour laisser sortir Élise. J'ai vraiment apprécié que l'équipe soit restée discrète (même mon mari ne s'est aperçu de rien) car je crois que cela ne m'aurait pas aidée de le savoir sur le moment. En revanche, j'ai bien senti la suture car la péridurale ne faisait plus effet et le spray anesthésique qu'ils ont vaporisé n'a pas complètement fonctionné. Une fois prête, vers 4h, ils m'ont emmenée dans ma chambre où nous avons retrouvé Gaspard pour une petite heure, avant qu'ils ne le reprennent pour nous laisser somnoler deux heures... avant d'affronter de plein fouet notre double réalité de parents heureux et désenfantés à la fois...
D'ici et d'ailleurs - Épisode 6
Cela fait déjà près de trois mois que je n'ai pas parlé des statistiques du blog : c'était le 3 septembre, quelques jours avant le début de mon hospitalisation et donc de mon absence temporaire du blog.
J'avais jusqu'alors fait le bilan à chaque changement de millier et nous en étions à cette époque à 5000 visiteurs. Je n'ai pu suivre le rythme ces dernières semaines, ce qui me donne le plaisir de vous annoncer que nous avons dépassé les 10 000 visiteurs la semaine dernière !
Et les grumeaux ont, qui plus est, à nouveau voyagé dans des contrées inconnues :
- Afrique du Sud
- Cameroun
- Côte d'Ivoire
- Gabon
- Inde
- Indonésie
- Kazakhstan
- Pérou
- Pologne
- République dominicaine
- Togo
- Turquie
- Vietnam
Et comme lors du précédent bilan statistique, je vous propose un petit florilège des recherches Internet qui ont abouti à mon blog, classées par catégorie :
Amniocentèse
- amniocentèse pour jumeaux
- au bout de combien de temps sait-on que le résultat d'amniocentèse n'est pas bon
- j'ai sursauté a l'amnio
- perte jumeaux amniocentèse
- repousser amniocentèse 32 SA
AMP
- abus concernant l'AMP
- échec PMA
- faire une FIV sans vivre ensemble
Annonce
- annonce grossesse chaussures
- idée annonce grossesse Facebook
Anomalies
- anomalie cérébrale à 10
- dilatation des ventricules cérébraux foetus espoir
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Quand je vois que certaines personnes ont atterri sur le blog à l'issue de recherches liées aux malformations d'Élise ou à l'interruption de grossesse, je ne peux m'empêcher de nous revoir, ce fameux 24 mai, lorsque notre vie a basculé. J'éprouve beaucoup de tendresse pour ces personnes que j'imagine être de futurs parents rongés d'inquiétude et à qui je souhaite tout simplement de ne pas vivre ce que nous vivons.
Bien au chaud
P'tit loup est habillé pour l'hiver avec ce gilet et ce paletot avec bonnet et écharpe coordonnés confectionnés par Mamoun' !
Un bébé nomade
Merci Mamoun' pour ces deux "babynomades" !
Dépliez, posez bébé et "emballez, c'est pesé" !
Un bébé gigoteur
Merci Mamoun' pour ces deux gigoteuses maison !
Taille "prématuré".
Mon p'tit loup a(vait) l'air d'un mini-samouraï dedans !
Taille 6 mois (au moins)