17 octobre 2013

Retour en arrière - Épisode 4 - Mourir avant de naître

(Premier épisode ici)
(Deuxième épisode ici)
(Troisième épisode ici)

Nuit du mardi 17 au mercredi 18 septembre
Mon mari venant au CHU en métro, nous sommes piétons pour sortir nous changer les idées et le seul restaurant sympa que nous connaissons à proximité se situe à une vingtaine de minutes à pieds (compte tenu du rythme que m'impose mon bidon). Après une quarantaine de minutes de marche aller-retour, pas étonnant que j'aie eu beaucoup de contractions dans la soirée et en début de nuit. Je n'ai pas réussi à fermer les yeux avant 2h du matin, pour me réveiller vers 3h15, puis me rendormir jusque 4h30, heure à laquelle j'ai été réveillée par une brusque et importante sensation d'humidité qui s'est plus que confirmée le temps que j'arrive à la salle de bains. J'ai immédiatement appelé la sage-femme de garde (à qui j'avais déjà eu affaire à de nombreuses reprises pendant notre parcours d'AMP) qui a confirmé qu'il s'agissait bien cette fois de la rupture de la poche des eaux et non d'une simple suspicion comme le week-end précédent. Elle m'a alors donné de quoi rester à peu près au sec, m'a installé un monitoring pour vérifier que les grumeaux allaient bien, m'a fait une prise de sang et m'a mise sous antibiotiques pour prévenir toute infection. Elle a également prévenu l'interne de garde qui devait avertir le Pr Verspyck à son arrivée quelques heures plus tard. Elle a ajouté que, étant donné le contexte, il était probable que tout soit précipité afin d'éviter toute intervention dans l'urgence au cas où le travail se déclencherait spontanément dans les 48 heures.

Mercredi 18 septembre
Je n'ai bien sûr pas pu me rendormir mais n'ai prévenu mon mari que vers 6h30, histoire de le laisser faire une nuit correcte, même si je me doutais que son sommeil ne devait pas être plus serein que le mien. Il est arrivé au CHU moins d'une heure plus tard, tandis que le Pr Verspyck est passé nous voir dès son arrivée à 9h et nous a alors confirmé qu'il souhaitait "écouter la nature" et tout déclencher aujourd'hui. Une sage-femme nous a alors amenés en salle de naissance vers 9h30 et nous a informés que l'ISG et l'accouchement s'y dérouleraient. Un sage-femme, Franck, a alors pris le relais : c'est lui qui allait s'occuper de nous pour la journée. Il nous a annoncé l'ordre des évènements : pose de la péridurale (vu le tableau assez effrayant qui en est fait dans les médias, j'appréhendais un peu mais elle s'est parfaitement déroulée), ISG, déclenchement artificiel, accouchement.

Nous avons patienté jusqu'à l'arrivée du Pr Verspyck et de l'interne, vers 11h30, pour l'ISG.
Mon mari et moi nous demandions si nous souhaitions voir l'échographie en cours d'ISG pour dire au-revoir à Élise mais nous n'avons finalement pas eu de questions à nous poser car ils nous ont isolés derrière un champ opératoire placé sous ma poitrine, comme pour une césarienne. Par ailleurs, pendant toute l'intervention, le Pr Verspyck, l'interne et Franck ont eu la délicatesse de chuchoter. Nous avons donc été épargnés autant que possible pendant ce moment si particulier, le Pr Verspyck se contentant d'annoncer, ce mercredi 18 septembre 2013 à 12h15 : "le bébé est décédé".
Il nous a ensuite simplement prévenus juste avant de procéder au drainage du cerveau d'Élise.

J'avais peur d'être secouée de sanglots pendant l'acte, au risque de gêner la précision nécessaire des gestes, mais j'ai finalement réussi à prendre à peu près sur moi, ne ressentant que le besoin de prendre quelques grandes inspirations.
A l'annonce du décès d'Élise, j'ai demandé à mon mari s'il avait pu lui dire au-revoir dans sa tête et dans son cœur, il m'a répondu que oui.
C'est seulement une fois l'ISG terminée que j'ai fondu en larmes...

Une fois que nous nous sommes retrouvés seuls à nouveau, j'ai demandé à mon mari s'il pensait que nous avions bien fait, il m'a répondu qu'il ne fallait plus se poser la question.


Retour en arrière - Épisode 3 - Du 16 au 17 septembre 2013

(Premier épisode ici)
(Deuxième épisode ici)

Lundi 16 septembre
On me fait la prise de sang pour le bilan hépatique.
Le Pr Verspyck passe dans la matinée et m'examine : le col est ouvert à 2 doigts mais reste tonique. Il prévoit alors une échographie dans l'après-midi ou le lendemain pour vérifier où en est la dilatation d'Élise.
Dans l'après-midi, j'apprends que mon bilan hépatique est normal, il ne manque plus que les résultats des acides biliaires qui doivent être disponibles le lendemain.
Comme convenu, la psychologue nous rend visite et, même si elle me fait toujours pleurer, elle parvient toujours à trouver les mots et à m'apaiser.
Une sage-femme nous informe que des lits d'appoint sont disponibles pour les accompagnants, nous prévoyons donc d'en demander un pour mon mari pour mercredi et/ou samedi soir.

Mardi 17 septembre
Mes acides biliaires sont normaux, toute pathologie hépatique est donc écartée : tous ces petits dérèglements sont probablement liés à la fin de la grossesse et à la gémellité.
Nous avons attendu le Pr Verspyck toute la journée, il est finalement venu nous chercher en fin d'après-midi pour l'échographie : alors que Gaspard continue à bien grandir (son poids est estimé à 2,4 kg), la dilatation d'Élise a elle aussi continué à évoluer... Le Pr Verspyck ne nous a pas donné de chiffre mais j'ai vu à l'écran que son périmètre crânien était de 35 cm... Il nous a simplement fait remarquer toute l'eau qu'elle avait dans le cerveau et qu'on ne distinguait plus du tout les structures cérébrales...
Après l'échographie, le temps que le Pr Verspcyk aille chercher notre dossier, mon mari m'a dit que, d'après la tête qu'il faisait pendant l'examen, il allait sûrement nous annoncer une date pour l'ISG. Il avait vu juste car, à son retour, après nous avoir résumé l'échographie en trois phrases, le Pr Verspcyk nous a parlé de pratiquer l'ISG le lundi suivant, le 23 septembre. Je lui ai fait préciser "l'ISG et l'accouchement dans la foulée", il a confirmé sans préciser le délai entre les deux.
Le Pr Verspyck m'a demandé quel mode d'accouchement je préférais, la voie naturelle étant encore possible selon lui. Comme j'avais eu le temps d'y penser, je lui ai dit que, même si ce serait probablement plus dur psychologiquement sur le coup, je préférais effectivement la voie basse à la césarienne, afin de me remettre plus facilement et plus rapidement. En plus, cela permettra à mon mari d'être assurément présent pendant l'accouchement, ce qui n'était pas garanti en cas de césarienne, et cela posera moins problème pour les prochaines grossesses.

Quelques minutes après notre retour dans la chambre, une sage-femme est venue nous informer que je pouvais aller dîner à l'extérieur si nous le souhaitions, suite à l'annonce du Pr Verspyck : nous avons accepté immédiatement, histoire d'essayer de nous changer les idées un minimum. Elle a également précisé que, tous mes examens étant redevenus normaux, il n'y avait plus de raison de me faire trois monitorings par jour et qu'un seul suffisait, si cela me convenait. J'ai accepté également, me disant que j'en demanderais un le dimanche soir ou le lundi matin.
En sortant de la chambre, nous avons croisé une autre sage-femme qui nous a dit qu'ils avaient prévenu la psychologue mais qu'elle ne pourrait passer que le surlendemain (ce qui nous allait très bien car cela nous laissait le temps de digérer un peu l'annonce avant d'en parler, de verbaliser).
Nous avons alors compris que le Pr Verspyck avait informé toute l'équipe de l'imminence de l'ISG et que le "réseau d'accompagnement" était déjà en marche, en quelques minutes à peine. Cela ne change rien à la situation ni à notre douleur mais un tel soutien et une telle prévenance font du bien.
Ce n'est pas arrivé souvent depuis le 24 mai mais mon homme a craqué dans la chambre, juste après l'annonce de Verspyck...

Au restaurant, la discussion a évidemment tourné autour de la grossesse et de la fin qui approche. Nous nous sentions abattus, comme si nous avions reçu un coup de massue sur la tête. Depuis que notre décision est prise, on essaie de se préparer à l'ISG, on sait que ce n'est qu'une question de temps, que ça ne va pas tarder mais ça fait forcément quelque chose d'avoir une date précise, de se dire que le compte à rebours a commencé, de comprendre que les projections qu'on se fait depuis un moment vont bientôt devenir réalité...

En vrac, quelques réflexions qui me sont passées par la tête :

  • C'était notre dernier restaurant à quatre ce soir, la dernière fois qu'Élise "mangeait" en dehors de l'hôpital...
  • Les grumeaux seront Balance finalement, ce qui prouve bien que l'astrologie est vraiment n'importe quoi : à quelques jours ou même heures près, sur simple décision médicale ou peut-être sur notre souhait, ils auraient pu être Vierge. Mais Balance, c'est pas si mal pour des jumeaux.
  • Je me pose des questions "techniques" ou "logistiques" sur l'ISG et l'accouchement : où aura lieu l'ISG, est-ce que je changerai de pièce entre l'ISG et l'accouchement, est-ce que je vais sentir la différence entre Élise et Gaspard au niveau vitalité et mobilité des bébés lors de l'expulsion, est-ce qu'ils vont nous laisser au moins quelques minutes pour "accepter" l'ISG avant de déclencher l'accouchement ? Mais je ne veux pas les poser car je ne veux pas trop me projeter.
  • Finalement, même si je sais maintenant que je ne veux pas garder Élise morte trop longtemps dans mon ventre, j'aimerais que l'ISG et la naissance n'aient pas lieu le même jour.