Conseils à ceux qui sont prêts à les entendre
Nous ne demandons pas que vous compreniez ce que nous vivons, cette épreuve est trop intime pour que l'on puisse la comprendre sans la vivre soi-même. Nous demandons simplement que notre douleur soit prise en compte, que notre deuil soit reconnu et que nous ne soyons pas niés dans notre statut de parents de jumeaux...
Rassurez-vous : même si vous êtes mal à l'aise, ne savez pas quoi dire, craignez d'être blessant ou redoutez d'être maladroit, votre place est toujours plus enviable que la nôtre.
Mais nous préférons - et de loin - que vous ne sachiez pas quoi nous dire, faute de trouver les mots justes (existent-ils seulement ?!), plutôt que d'entendre des choses maladroites, blessantes, stupides, telles que les paroles ci-dessous que nous avons déjà subies ou risquons de subir. Petit florilège, à considérer comme des conseils !
Il vous en reste un. Vous avez toujours Gaspard.
"Un acheté, un gratuit", c'est ça ?!
Ma fille n'est pas un bonus, n'est pas du "rab", ne compte pas pour un demi-enfant pas plus que Gaspard ne compte pour un demi-enfant, en dépit de leur gémellité.
Vous diriez la même chose à quelqu'un qui perd l'un de ses enfants d'âges différents ?!
Vous diriez la même chose à quelqu'un qui perd l'un de ses frères ou soeurs ?!
Vous diriez la même chose à quelqu'un qui perd l'un de ses parents ?!
Et que savez-vous de la difficulté à s'attacher à son enfant et à se détacher de son autre enfant simultanément ?
C'est moins dur que si vous l'aviez connue.
Merci de me dire comment je dois être malheureuse, j'ignorais que le deuil se mesurait au temps que l'on a passé avec la personne, je pensais que c'était plutôt lié à l'intensité de l'amour qu'on ressent pour elle, à la relation qu'on avait avec elle, à ce qu'on projetait en elle.
A vous croire, cela voudrait dire que l'on est censé être plus malheureux de perdre l'un de ses parents ou grands-parents que l'un de ses enfants. Alors suis-je un monstre d'être plus malheureuse à l'idée de perdre ma fille que lorsque j'ai perdu mes grands-parents ?!
C'est vrai, perdre son enfant avant la naissance, ce n'est pas comme perdre un proche que l'on a rencontré et avec lequel on a partagé des choses mais ça n'en est pas moins douloureux pour autant.
Perdre son enfant avant la naissance, ce n'est pas faire le deuil du passé mais le deuil de l'avenir, des projets, de l'espoir.
C'est mieux comme ça.
Ah bon ?! A mon sens, ce qui serait mieux, c'est que ma fille soit avec nous en bonne santé.
La nature est bien faite.
4,5 ans pour tomber enceinte et perdre l'un de ses enfants : merci Dame Nature, évidemment !
De toutes façons, des jumeaux c'est du boulot, vous auriez été fatigués.
Sûrement mais j'aurais préféré être fatiguée à malheureuse.
Vous êtes jeunes, vous aurez d'autres enfants.
Et nos futurs autres enfants sont censés compenser notre douleur et l'absence de notre fille ?!
C'était pas vraiment un enfant, c'était juste un fœtus.
Quand on est parents, fœtus n'est qu'un terme médical : Élise et Gaspard sont nos enfants.
Comme Gaspard, nous avons désiré, attendu, porté, souhaité, aimé Élise. Nous l'aimons et l'aimerons toujours, ni plus ni moins que Gaspard. Nous sommes ses parents, nous serons toujours ses parents, elle sera toujours notre fille, et même notre première fille si un jour la vie nous offre d'attendre une autre fille, tout comme Gaspard est notre fils et sera notre premier fils si un jour la vie nous offre d'attendre un autre fils.
Vous avez choisi l'IMG donc vous devez assumer.
Oui, je serai malheureuse même si c'est nous qui avons pris la décision de ne pas laisser venir au monde notre fille.
En réalité, je n'ai pas encore entendu ce genre de commentaire mais je le redoute terriblement. Je suis plutôt en mode auto-persuasion tellement j'ai l'impression de ne pas avoir le droit de pleurer une situation que j'aurai "choisie"... Cette notion de responsabilité, de culpabilité complique encore davantage le deuil, vient parasiter notre douleur.
Vivement que tout ça soit derrière vous.
"Tout ça" ne sera jamais derrière nous. L'absence de notre fille, notre décision, notre douleur, notre culpabilité ne seront jamais derrière nous ; nous devrons "simplement" apprendre à vivre avec.
Et même si ces dernières semaines sont accompagnées d'un flot de questions et d'angoisses, ce sont aussi les derniers instants que nous passons avec notre fille et notre fils alors je ne peux pas dire que j'ai hâte d'être après l'accouchement...
Je comprends ce que vous vivez, moi j'ai fait une fausse couche une fois.
Avec tout le respect et toute l'empathie que j'ai pour les couples qui vivent des fausses couches, je vous assure que ce n'est pas la même chose, surtout lorsqu'il s'agit d'une interruption de grossesse.
Il faut passer à autre chose.
Laissez-nous le temps qu'il faut pour faire notre deuil, toute la vie s'il faut.
Ne jugez pas à notre place du moment où notre deuil aura assez duré et où nous devrons être passés à autre chose.
Et surtout... surtout... laissez-nous parler d'Élise, autant et aussi souvent que nous en aurons besoin, et n'ayez pas peur de l'évoquer. Parler d'elle ne nous fait pas "plus de mal que de bien", au contraire. Le pire, pour elle et pour nous, serait l'oubli, l'ignorance, le déni, l'indifférence.